Le riche notable.
(Luc : 18, 18 à 27)
Au Nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, amen.
Aujourd’hui, le saint Evangile qui est le Livre de la voie et de la vie spirituelle de notre sainte Eglise orthodoxe, nous invite à prendre conscience avec discernement sur notre relation réelle envers nos richesses matérielles et peut-être spirituelles.
L’Evangile nous dit, un homme riche interroge Jésus en lui disant « bon maître, que me faut-il faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? ». Nous pouvons faire nôtre la question posée par cet homme, puisque nous confessons par notre foi que la vie éternelle existe et qu’il est donc possible de l’hériter. La question fondamentale sera alors, que signifie pour moi, chrétien orthodoxe, la vie éternelle ? Jésus, le Divin Maître, commence par lui donner une réponse paradoxale et lui demande « pourquoi m’appelles-tu bon, nul n’est bon que Dieu seul », n’est-il pas Dieu et bon lui aussi ?
Après cette réponse un peu énigmatique, Jésus approfondit sa réponse qui est une démarche pour provoquer une réflexion personnelle qui engage le questionneur dans sa vie concrète, ici et maintenant. Jésus lui dit : « tu connais les commandements de Dieu », c’est à dire, puisque tu es un Juif croyant et pratiquant, comment vas-tu les mettre en œuvre pour hériter la vie éternelle ? Si Jésus parle ainsi aux enfants de la Synagogue, que nous dira-t-il, à nous les croyants de la sainte Eglise orthodoxe, qui recevons la plénitude de l’enseignement spirituel et religieux. Ne savons-nous pas encore, combien les richesses matérielles ou intellectuelles, non vivifiées par l’Esprit Saint sont la mort de l’âme, combien ces fausses richesses adulées et désirées engendrent de l’inhumanité et sont incapables de nourrir l’essentiel en nous. Existe t’il un art, une science, une politique ou une philosophie qui puisse combler la profondeur dans laquelle s’enracine la « vie, le mouvement et l’être » et unir l’amour avec la vérité en-dehors de la co-créativité de l’homme avec Dieu. N’est-ce pas dans la célébration de la Divine Liturgie que nous recevons grâce sur grâce, et une connaissance personnelle de la splendeur de la création et de l’humanité telle que crée par Dieu.
Alors quels sont ces commandements, dont parle le Christ ? « tu ne commettras pas d’adultère, ne tue pas, ne vole pas, ne porte pas de faux témoignage, honore ton père et ta mère ». L’homme réplique à Jésus « tout cela, je le fais depuis ma jeunesse ». Alors Jésus lui dit « bien, alors une seule chose te manque encore, donnes tous tes biens aux pauvres et tu auras un trésor dans les cieux, puis viens et suis-moi », entendant cela, l’homme s’attrista grandement, car « il était très riche ». Vous connaissez peut-être cette parole « peu importe que l’oiseau soit attaché par une ficelle ou par un cheveux, l’une et l’autre le retiennent prisonnier, mais il est beaucoup plus difficile de discerner le lien du cheveu que celui de la ficelle ». A quoi nous-mêmes serions-nous prêts à renoncer pour suivre le Christ en esprit et en vérité, avec et par quoi sommes-nous attachés, ficelés, cheveux voire cordes ou chaînes ?
Mais que révèle en vérité la question de ce riche ? Elle nous montre que malgré sa grande richesse matérielle, malgré qu’il dise accomplir les commandements divins depuis son enfance, il voit qu’il lui manque l’essentiel. Et quel est cet essentiel ? C’est justement l’héritage de la vie éternelle, c’est à dire un bien qui ne peut être reçu que de Dieu et non des richesses de ce monde. Jésus termine en soulignant « comme il est difficile à ceux qui ont des richesses de recevoir le Royaume des Cieux », difficile mais pas impossible. Le Seigneur Jésus ne dit pas que les richesses sont mauvaises pour l’homme, n’est-il pas lui-même Dieu et Homme parfait, divinement et humainement absolument riche, l’Univers ne lui appartient-il pas tout entier?
Dieu s’est incarné comme « homme », ce qui pourrait apparaître à toute pensée superficielle, comme un appauvrissement incompréhensible par rapport à sa « divinité ». Mais l’Ecriture inspirée nous interpelle par cette parole « qui a connu la pensée créatrice de notre Seigneur », pour croire pouvoir expliquer ce qui relève de la seule révélation divine, révélation divino-humaine qu’il appartient à l’Eglise de transmettre à l’humanité.
Le Seigneur n’a rien perdu, au contraire si j’ose dire, il s’est enrichi de notre « nature humaine », pour nous la transmettre divinisée, car « IL est Dieu et Homme parfait ». De même, le Seigneur propose à l’homme qui refuse de devenir l’esclave de ses richesses matérielles, de s’enrichir à son tour et de devenir un « homme et un dieu parfait », pourquoi ? Pour acquérir la richesse spirituelle comme un don divin et la vie éternelle à venir promise dans le Royaume de Dieu. L’homme sage, se sert de l’argent pour faire le bien, le beau et le juste, alors que l’insensé sans discernement est aliéné par ses biens matériels, et se tourmente sans cesse par l’angoisse liée à la terreur de perdre « son argent ». La sagesse théologique à vivre dans l’Eglise orthodoxe et dans le monde, nous donne la connaissance réelle, de ce qu’est l’être humain tel que crée par la Divine Trinité. Si donc, je renonce à me définir uniquement par mes richesses matérielles et que je choisisse de suivre le Christ dont je confesse qu’il est « le Chemin, la vérité et la vie », alors je peux espérer sortir de l’errance sans but, de l’erreur qui me manipule, de la mort intérieure, afin de devenir par grâce tout simplement une « personne humaine », pour laquelle peut s’ouvrir une existence de sanctification conforme à la dignité humaine, et dont l’orthodoxie est le sceau spirituel.
Le Seigneur dit « ne commets pas d’adultère », certes, cela signifie de manière immédiate, qu’il ne faut pas convoiter la femme de son prochain, mais sur un plan spirituel être en état d’adultère, c’est s’unir aux hérésies, c’est à dire, à toutes les pensées, paroles ou actes qui trahissent la « véritable nature de l’être orthodoxe ». Etre adultère sur un plan religieux, c’est s’unir à ce qui est contraire à la condition naturelle de l’humanité, c’est s’empêcher de marier en soi « l’amour avec la vérité ». L’adultère sur un plan spirituel, c’est se tromper soi-même en se détournant de Dieu pour convoiter le monde et ses idoles éphémères, c’est choisir la mort à la place de la vie.
« Ne tue pas », là aussi, le sens littéral est clair d’autant plus que rien ni personne ne peut justifier la mise à mort d’un seul être humain. Mais sur un plan spirituel, il est possible de comprendre, non seulement ne tue pas, mais surtout « ne te tue pas toi-même », c’est à dire ne détruit pas la grâce divine qui t’habite et sans laquelle aucune œuvre sainte et sacrée n’est possible. Ne te laisse pas emmener en captivité par les fausses amitiés qui veulent te rabaisser à leur petit niveau de ténèbres, sous prétexte que la religion serait réservée aux âmes naïves, fuyons ces ambiances mortifères au goût insipide qui entraînent l’humanité dans des voies sans issues.
« Ne vole pas », sur un plan spirituel cela signifie pour un croyant orthodoxe, ne pas se
« détourner de Dieu pour des faux dieux », car se laisser dépouiller de la religion orthodoxe, équivaut ici pour nous à « voler Dieu lui-même ». Il s’agit donc littéralement de ne pas « se voler soi-même », car si je me laisse séduire par les sirènes mensongères des sans Dieu, j’en arrive à cette aberration qui consiste à m’associer avec eux, pour me voler à moi-même mon bien le plus précieux, « l’amitié divine ». Ce bien inestimable et unique, c’est mon identité la plus profonde, c’est la vie spirituelle orthodoxe que j’ai choisi librement et que je porte au cœur de mon être, ce trésor lumineux scellé dans le cœur profond où rayonne l’image de Dieu. C’est pour cela, que le Seigneur nous encourage « à veiller et à prier », afin de ne pas nous laisser dépouiller par les voleurs hérétiques par manque de vigilance.
« Ne porte pas de faux témoignage », porter un faux témoignage sur un plan spirituel, c’est me définir de manière hétérodoxe, par rapport à ce que je suis en vérité, et que suis-je en vérité ? Je suis crée à « l’image et à la ressemblance de Dieu », ma vocation est de devenir un « christ et fils de Dieu » par la grâce divine. Aucune des richesses de ce monde, ne seront utiles dans le Royaume de Dieu, seuls les biens spirituels, c’est à dire, les « Dons de l’Esprit Saint », seront pour nous des grâces substantielles et lumineuses pour vivre en présence de Dieu et de toute la Cour Céleste, c’est à dire, Marie Mère de Dieu, les Saints et les saints Anges.
L’Evangile de ce jour nous montre que le péché le plus destructeur est celui qui défigure notre âme, car il fait de nous le bourreau de nous-mêmes et de notre frère, ô folie furieuse qui nous prive de tout discernement spirituel et engendre en nous des désirs inhumains, qui nous précipite dans les « ténèbres extérieures, là où il y aura des pleurs et des grincements de dents », alors « que celui qui a des oreilles pour entendre, entende ».
Appliquons-nous à cultiver l’enseignement du Cantique des cantiques, où nous entendons la prière de la bien-aimée adressée à son bien-aimé « mets-moi comme un sceau sur ton cœur, mets-moi comme un sceau sur ton bras, car l’amour est plus fort que la mort ». Mettons l’Eglise notre bien-aimée spirituelle « comme un sceau sur notre cœur, un sceau sur notre bras », afin que par elle qui est le « Corps du Christ dont il est la tête », nous obtenions la grâce divine de la vie éternelle, qui est la seule richesse qui puisse réjouir et transfigurer l’âme orthodoxe.
Au Père, Créateur de l’univers, au Fils qui nous donne les bons fruits de cette Création, à l’Esprit Saint consolateur, soit la gloire dans les siècles des siècles, amen.
+ Syméon
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