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dimanche 23 avril 2023

Dimanche de Thomas

(Jean, 20 : 19-31)

Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, amen.

 

 



Aujourd’hui, nous célébrons le dimanche de Thomas, la Résurrection du Seigneur a eu lieu, plusieurs ont vu le Ressuscité et en ont témoigné, le Christ apparaît aux disciples présents dans le Cénacle, mais Thomas ne peut ni ne veut y croire sans preuves formelles. Thomas n’était pourtant inférieur en rien aux autres apôtres, mais il veut mettre en œuvre sa liberté personnelle et discerner par lui-même la réalité de cette nouvelle bouleversante : « nous avons vu le Seigneur Ressuscité ».

 

Cette attitude de sagesse spirituelle est pour nous un enseignement précieux, elle nous met en face de nous-même par rapport à l’annonce de la Résurrection du Christ, elle révèle notre pensée et notre foi et éprouve notre croyance réelle concernant la Résurrection. Nous désirons comme Thomas, voir entendre et toucher le Seigneur Ressuscité, mais cela exige une initiation à Sa Présence intérieure, puisque le Seigneur nous dit ailleurs que « Dieu est Esprit et demande des adorateurs en esprit et en vérité ». Cette ascèse de vie en Dieu et selon Dieu nous est donnée dans l’Eglise, par la promesse de la descente de « l’Esprit Saint à la Pentecôte », qui va rendre possible la vie orthodoxe et peut faire de chacun d’entre nous, un « christ aimant, saint, humble et sage ».

 

Cette rencontre avec le Christ, demande d’être en état d’éveil dans le Cénacle, c’est à dire dans l’Eglise, il était naturel pour eux de se tenir en présence du Seigneur, malgré ce fait étrange de le voir traverser les portes fermées et se tenir soudain au milieu d’eux ? N’en est-il pas de même pour nous, ne sommes-nous pas comme des portes fermées, que le Christ traverse avec amour et douceur pour se donner à nous durant la Communion. Pour réaliser spirituellement ce chemin de conversion qui engage chacun tout entier, Dieu permet le doute religieux comme une ascèse pour accéder peu à peu à la Vérité révélée qui est le Christ Ressuscité, afin qu’un jour nous puissions nous aussi nous écrier, comme l’apôtre Thomas : « mon Seigneur et mon Dieu ».

 

L’Eglise est le lieu spirituel, le Cénacle apostolique où le Seigneur est invisiblement présent dans les saints Dons, elle nous initie à travers les saints mystères du Christ, à fermer les portes de nos sens aux esprits sous ciel, pour les tourner vers l’intérieur de notre être le plus profond. Le Seigneur ne donne t’il pas à plusieurs reprises Sa Paix durant la Divine Liturgie, à travers le prêtre qui proclame « paix à tous », pour que nous puissions ainsi nous préparer à recevoir la bénédiction éternelle ? Imitons Marie, qui déposait dans son cœur les bénédictions divines et préparons-nous sans nous lasser à la venue du Roi de Gloire, car Sa Paix ne concerne pas des individus isolés et solitaires, mais tout le Corps du Christ qui est l’humanité entière, c’est pourquoi dans ce même Evangile le Seigneur ajoute : « c’est pourquoi je vous envoie…vers les nations et les peuples ».

 

Le Ressuscité qui vient ainsi dans l’Eglise pour y faire Don de Sa Paix, donne aussi le Saint-Esprit qui est la Grâce des grâces aux disciples présents, cette grâce est transmise par exemple, aux prêtres afin qu’ils puissent dans l’Esprit, accomplir l’œuvre spirituelle qui consiste à remettre ou à retenir les péchés pour aller vers la liberté intérieure et entendre et vivre nous aussi cette parole divine : « la Paix soit avec vous ». Ainsi dans l’Eglise, le Seigneur donne le Saint-Esprit afin que nous puissions faire face au mystère de l’iniquité, qui est aussi le plus redoutable pourvoyeur du doute spirituel, celui auquel justement est confronté l’apôtre Thomas et contre lequel, en père aimant il nous met charitablement en garde. Osons exprimer à Dieu nos doutes et nos peurs, osons le prier et demander sa grâce pour notre vie religieuse, afin de pouvoir lui dire avec foi « mon Seigneur et mon Dieu ». Le doute de Thomas permet l’émergence de sa confession et son témoignage que Jésus est bien le Messie annoncé à Israël pour accomplir les prophéties de l’Ancienne Alliance envoyées par Dieu pour le Salut de toute l’humanité.

 

 

Eglise du Christ, frères et sœurs, qui parmi nous peut imaginer ce que l’apôtre Thomas a dû traverser jusqu’au tréfonds de lui-même, quelle souffrance spirituelle a été la sienne dans ce doute qui est comme le couronnement de tous les doutes exprimés par les disciples à différents moments de leur vie avec le Prophète et Messie Jésus de Nazareth.

 

Le Seigneur lui-même dit à ses disciples et cela à plusieurs fois : « pourquoi doutez-vous, hommes de peu de foi », Thomas qui a pourtant vécu dans l’intimité du Christ avec les autres disciples, n’a pu leur accorder sa confiance concernant leur témoignage sur la Résurrection du Seigneur, avant de voir et toucher le Ressuscité. La rencontre avec le Seigneur doit être et personnelle et ecclésiale afin de restaurer l’homme et l’enraciner dans ses origines divino-humaines qui sont le resplendissement de la vie orthodoxe. L’Eglise n’aurait pu s’édifier sans la confession de tous les apôtres présents, la présence de Thomas complète le plérôme apostolique, et souligne la nécessité de la conciliarité en esprit et en vérité des disciples, ce qui permettra à l’Eglise de proclamer en toute confiance à travers le temps et l’espace que : « l’Esprit-Saint et nous avons décidé que… ».

 

Demandons au saint apôtre Thomas de prier avec et pour nous dans le temps parfois redoutable des doutes intérieurs, et continuons envers et contre tout à cheminer ensemble dans l’Eglise vers le Royaume de Dieu. Ne doutons pas que ce temps pascal, nous est particulièrement propice pour rencontrer personnellement et ecclésialement le Seigneur Ressuscité. Le doute comme désir de rechercher et de recevoir la plénitude de la vérité révélée, c’est à dire la connaissance de la Divine Trinité par la médiation du Christ, est une ascèse qui amène le croyant par sa vie avec et dans l’Eglise, à la confession authentique et à l’expérience pratique de l’enseignement des huit saints conciles œcuméniques reconnus par l’Eglise orthodoxe, sans rien en retrancher ni rien y rajouter.

 

La nécessité de répondre aux interrogations multiples concernant la vie et l’enseignement de l’Eglise naissante, a permis au doute salutaire d’accueillir la grâce de l’Esprit Saint pour illuminer l’intelligence de l’esprit et du cœur de nos Pères saints, pour nous donner en héritage les fruits de la sagesse divino-humaine, dont l’icône véridique est la théologie orthodoxe.

 

La sagesse à l’œuvre dans l’Eglise est la même que celle par laquelle Dieu à crée l’homme et la création, et c’est notre Seigneur Jésus-Christ qui a incarné cette sagesse créatrice pour la donner comme une dot spirituelle à transmettre à l’humanité à travers la médiation de l’Eglise orthodoxe. Cette sagesse originelle est bien celle dont la Genèse nous dit « la sagesse dansait devant Dieu qui prenait plaisir à contempler ses œuvres », et lors du baptême du Christ, sagesse et verbe créateur, la voix du Père se laisse entendre par cette parole « celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le », nous savons donc de manière certaine que le Christ, Dieu incarné pour le salut de l’homme, est la cause de cette sagesse divino-humaine.

 

Pour convertir le doute en confession orthodoxe vécue et espérer le don de la Foi telle que transmise par nos saints Pères, le Seigneur nous a promis et donné « l’Esprit de vérité, qui nous conduira dans la plénitude de la vérité, et cette vérité nous rendra libres », cette vérité est la connaissance de la Divine Trinité qui vit et règne dans l’Eglise orthodoxe « selon la grâce de notre seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu notre Père et la communion du Saint-Esprit », seule cette liberté divino-humaine peut engendrer l’homme à l’image et à la ressemblance de Dieu.

 

Prions le Père Céleste à travers Celui qui dans son humanité a connu le doute douloureux au point de crier : «  mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? », avant de chanter de toute notre âme : « je me couche et je m’endors en paix, car toi seul Seigneur, tu me donnes la sécurité dans ma demeure ».

 

Saint Gabriel de Géorgie nous dit « de celui dont l’Eglise n’est pas la Mère, Dieu ne sera jamais le Père », si donc nous voulons être entendu et recevoir la grâce divino-humaine pour guide de notre vie en Dieu, alors venons célébrer, prier, chanter et vivre dans notre Eglise orthodoxe.

Saint Jean nous rappelle en chap. 20, 30 à 31 que « Jésus a fait encore beaucoup de signes non écrits dans le saint Evangile, mais ceux qui ont été écrits le sont pour que nous croyons que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant nous ayons la vie en nous ». Cette vie est notre ascèse existentielle orthodoxe au long des jours et des nuits que la divine providence nous accorde et dont le couronnement sera notre résurrection personnelle, les signes non écrits sont ceux que l’Esprit Saint inspire à notre intelligence spirituelle afin de pouvoir suivre le Seigneur qui nous mène vers son Père et notre Père.

 

Nous voici invité à être poète de notre existence, non un poète limité à un imaginaire de belles ou grandes pensées, mais à œuvrer dans notre vie réelle ici et maintenant pour y accomplir les saints commandements évangéliques avec l’aide de Dieu et de l’Eglise. Le croyant tout comme le poète ont vocation à être des contemplatifs de l’œuvre divine que représente la Création, et dont l’Eglise est une icône fidèle qui transmet avec une grande plénitude la vie et l’enseignement spirituel de notre Seigneur ressuscité.

 

La poésie créatrice et religieuse de l’Ecriture sainte et en particulier des Psaumes, n’est-elle pas la célébration liturgique de la beauté divino-humaine incarnée en Jésus-Christ, « Lui, le plus beau des fils de l’homme né d’une femme, avec la grâce répandue sur ses lèvres », la Résurrection est cette splendeur spirituelle et éternelle et le témoignage même de cette beauté originelle qui s’exprime à Pâques dans l’amour et la vérité, ainsi l’Eglise terrestre et céleste une et unique chante d’un seul Chœur « Christ est Ressuscité, en vérité, IL est Ressuscité ».  

 

Au Père Créateur qui nous espère, au Fils qui nous appelle à ressusciter avec lui et à l’Esprit souffle vivifiant, soit la Gloire dans les siècles des siècles, amen.

 

+ Syméon

 

 

lundi 10 avril 2023

Dimanche des Rameaux

 (Jean 12, 1 à 18)

Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, amen.

 

 

 

Aujourd’hui, l’Eglise nous invite à nous joindre à la foule pour venir à la rencontre de Celui que nous confessons comme le Messie d’Israël et le Sauveur du monde, la foule est bigarrée et chaque individu est là, juif ou païen, avec ses propres pensées, paroles et actes devant Celui dont les œuvres et l’enseignement se sont répandues en Israël et dans toute la Palestine.

 

La foule prit « des rameaux de palmier et sortit à la rencontre de Jésus en criant : Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le Dieu d’Israël », toujours curieuse et même avide de toute nouveauté elle se presse autour de Jésus, le saint Rabbi et Prophète, en criant de toute son âme l’inspiration qui l’habite par ces paroles pleines de sens religieux et spirituel connues comme l’acclamation pour la venue du Messie, Fils de la maison royale de David.

 

Notre être entier ne se resserre t-il pas d’une intense émotion religieuse lorsque nous lisons « voici que Je viens, assis sur un ânon, le petit d’une ânesse », cet ânon porte le Seigneur de gloire qui lui-même « doux et humble de cœur », accepte de voyager ainsi dans une totale et sainte modestie. Cet ânon est aussi la métaphore de l’homme, le petit de l’ânesse c’est à dire de notre sainte et précieuse Eglise, qui a vocation à faire de tout homme ou femme de bonne volonté une « personne porteuse du Christ ».

 

Voici encore cette foule tour à tour ordonnée ou anarchique, enjouée ou révoltée qui se presse autour de Jésus, ce Rabbi puissant en œuvres et en paroles devant Dieu et parmi les hommes, un spectacle ou l’espérance vivante incarnée dans cette humanité rencontre l’étonnement plus ou moins incrédule qui perce à travers les regards et les cris. Le Seigneur vit dans son âme les drames qui habitent tous ces gens, lui qui est là justement pour les délivrer de toutes leurs aliénations mortifères par la grâce toute puissante de la Passion.

 

N’est-ce pas aussi de cette foule que parle saint Pierre en 1P. 2, 9 lorsqu’il enseigne que « vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis pour proclamer les louanges de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière, vous qui n’étiez pas un peuple et qui êtes maintenant le Peuple de Dieu, vous qui n’obteniez pas miséricorde et qui aujourd’hui avez obtenu miséricorde ». Ce que proclame saint Pierre, n’est pas réservé au seul peuple d’Israël, mais s’adresse à toute l’humanité autant que celle-ci a le désir de demander une telle bénédiction au Seigneur et de s’engager dans la voie qui commence dans les ténèbres de l’âme et traverse l’existence, icône de la passion inévitable pour l’homme tombé dans les ténèbres du péché qui mène à la mort, cette conversion est le sens même du saint et grand Carême à l’issue duquel l’homme espère la Résurrection avec le Seigneur et Sauveur.

 

Le peuple de Dieu, c’est l’humanité dès sa création originelle, l’effraction par le péché d’Adam et Eve n’invalide en rien cette réalité, et l’incarnation est le signe même qu’il sera toujours possible d’être sauvé, c’est le sens même de toute l’œuvre accomplie par l’Incarnation et la Passion du Seigneur Jésus. C’est aussi pourquoi, le Christ dit « J’ai encore d’autres brebis à visiter », c’est à dire, tout être où qu’il soit et qui se tourne librement vers moi, « Je le sauverais et Je le glorifierais », selon la promesse que l’Esprit a inspiré au Psalmiste.

 

Sans pouvoir développer ici le message de l’Apocalypse 7,9 à12, cette foule à Jérusalem est une préfigure terrestre de la « foule immense, rameaux à la main et de toute nation, race, peuple et langue qui crient : le salut à notre Dieu, qui siège sur le trône ainsi qu’à l’Agneau »,

vision donnée au voyant de Patmos pour la consolation de l’homme et la gloire de Dieu.

« Vous êtes une race élue », parce que, moi votre Dieu, je vous ai crées dans l’amour, la beauté et la vérité et je vous ai revêtu de toutes mes grâces spirituelles dès l’origine de la Création, afin que dans votre liberté vous puissiez choisir de réaliser votre vocation de « fils et de filles de Dieu », cela nous est rappelé dans Actes 17,28 et 29 « c’est dans la liberté que vous avez la vie, le mouvement et l’être...car nous sommes de sa race », puisque nous sommes créés à l’image et à la ressemblance de Dieu.

 

« Vous êtes un sacerdoce royal », c’est à dire que notre manière de vivre dans le quotidien doit être une icône de la célébration liturgique, au sens d’une prise de conscience que Dieu a créé tous les êtres vivants, n’est-ce pas ce que proclame le Psalmiste en chantant » que tout ce qui vie et respire loue le Seigneur », et que donc, il nous appartient de nous approcher du vivant comme des célébrants pour louer la sainteté et la sacralité de l’œuvre divine.

 

« Vous êtes une nation sainte », au sens du Paume 33,12 « heureuses les nations, dont l’Eternel est le Dieu », ceci confirme la qualité d’universalité du message évangélique exprimée dans cette autre parole du Seigneur « allez enseignez et baptisez toutes les nations au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit », ce qui est manifesté à Israël aujourd’hui a vocation à être répandu comme une semence vivifiante dans le monde entier. Combien parmi cette foule croiront que le Seigneur de gloire est là devant leurs yeux « assis sur un ânon le petit d’une ânesse », qui parmi les religieux et les notables pourront croire que la Thora et la loi mosaïque sont ici incarnées et parfaitement accomplies par ce Jésus à l’apparence si humaine qui vient « doux et humble de cœur » au Nom du Dieu d’Israël.

 

« Vous êtes un peuple acquis, c’est à dire, vous avez un prix inestimable à mes yeux et moi votre Père céleste, je n’ai pas hésité à vous envoyer mon Fils Unique pour vous donner à nouveau votre dignité originelle et cela même par le sacrifice inhumain de la Croix. C’est ce qui nous est rappelé en Actes 20,28 « l’Eglise du Seigneur qu’il s’est acquise par son sang », ce sang répandu sur la Croix de la Passion pour le salut du monde et encore en Ephésiens. 1, 13 à 14 « c’est en lui, le Christ que vous aussi, après avoir entendu la Parole de vérité, l’Evangile de votre salut et y avoir cru, que vous avez été marqués d’un sceau par l’Esprit de la Promesse, cet Esprit Saint qui constitue les arrhes de notre héritage et qui prépare la rédemption du Peuple que Dieu s’est acquis pour la louange de sa gloire ». Si nous le désirons, nous pourrons méditer sur le sens de ces citations évangéliques et Dieu bénissant y trouver les perles précieuses de la nourriture spirituelle.

 

Nous sommes donc par vocation des élus, des rois, des saints et notre valeur réside dans notre être spirituel créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, le « Salut » de l’homme dans son  mystère divino-humain échappe à la seule imagination ou seule compréhension rationnelle, mais nous pouvons choisir de croire au « Sauveur » et laisser l’Esprit de toute grâce nous guider à travers « Celui qui est la voie, la vérité et la vie ». L’Eglise est la grotte de la Nativité, l’icône du Jourdain et du Baptême de Jésus, la montagne des Béatitudes sur laquelle nous est transmis l’essence de la sagesse divine, le lieu vivant qui nous donne de vivre la sainte Cène, elle est le Jardin de Gethsémani, le tombeau du Seigneur, le Golgotha, et le témoignage de la glorieuse Résurrection, cette expérience de vie est proposée par « l’Eglise, Corps du Christ dont Il est la Tête » à la liberté de tout homme et de toute femme de bonne volonté.

 

L’Église orthodoxe connaît par expérience combien l’ascèse et l’épreuve sont utiles pour convertir le vieil homme à l’homme nouveau, elle sait aussi que ni l’ascèse ni l’épreuve en soi ne suffisent pour sauver l’homme, car, comme le chante le Psalmiste: « en vain te lèves-tu tôt et te couches-tu tard, en vain manges-tu le pain des douleurs, le Seigneur comble son bien-aimé pendant qu’il dort ».

 

« Voici que ton Roi vient à toi, humble et monté sur un ânon, le petit d’une ânesse ». La véritable royauté est la sainte humilité du Christ, qui de tout-puissant qu’il est dans l’éternité, se rend semblable à la créature humiliée et tourmentée par le péché. Jérusalem est l’icône du Royaume à venir, et Jésus nous invite à le suivre pour renouer le dialogue avec le Père Céleste en acceptant de passer par la Croix, par la Pâque du Seigneur dans la foi, l’espérance et le vrai repentir du cœur.

 

Le Dimanche des Rameaux, inaugure le cheminement ascétique proposé à chaque chrétien orthodoxe pour se préparer à vivre avec le Christ sa propre pâque, sa résurrection et sa vie au nom de la Divine Trinité. Cette liturgie du salut présidée par le Christ lui-même est, ce que l’Eglise orthodoxe appelle « l’ascèse de l’amour », seule indispensable pour entrer dans la métanoïa pascale qui fait passer de la mort au monde et aux modes, à la Résurrection pour la vie éternelle.

 

Le monde ne peut pénétrer dans le mystère de la Résurrection, ce n’est pas le regard du monde sur nous qui doit changer, c’est nous qui devons regarder le monde avec l’esprit du Seigneur, Lui seul, peut nous libérer de l’aliénation de ce monde. Dans Matthieu 21, 10-11, quand Jésus entra dans Jérusalem, toute la ville fût en émoi: « qui est-ce ? », disait-on; et les foules répondaient: « c’est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée ». Combien dans cette foule, ont eu un désir véritable de connaître celui qui est vu comme un prophète, et recevoir par la grâce de l’Esprit la certitude que  ce Jésus, est le Messie d’Israël espéré ?

 

La foule anonyme ne peut confesser la divinité du Christ, seule la foi de ceux dont le Christ dit « bienheureux ceux qui auront cru sans voir », peuvent le reconnaître intérieurement en esprit et en vérité. Le père C. Andronikof écrit « le Christ meurt et l’Eglise naît », cette naissance engendre  l’Eglise comme unique source qui transmet la sagesse qui dansait devant la Face de Dieu et dont Dieu se réjouissait.

 

Gloire au Père inengendré, au Fils engendré et à l’Esprit Saint illuminateur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles, amen.

 

+ Syméon

lundi 3 avril 2023

Le Pharisien et Marie la Pécheresse.


(Luc, 7, 36 à 50)

Au Nom du Père, du fils et du Saint-Esprit, amen.

 

 

Aujourd’hui, l’Eglise nous rends témoins de ce que devrait être la compassion selon notre Seigneur, et qui consiste à apprendre à agir envers notre prochain comme le Christ agit envers nous. L’Eglise nous invite à suivre le Christ chez Simon le Pharisien, pour y découvrir à travers la femme pécheresse, que la grâce divine ne fait pas la discrimination des personnes, là où les hommes inféodés à la dureté de la Loi religieuse sont prompts à juger, lui notre Seigneur ne juge pas, mais élève la personne et le pardon au-dessus du péché.

 

Le Pharisien ici, est à l’opposé du véritable compatissant, que lisons-nous dans l’Ecriture de ce jour à propos du Pharisien sur le Christ « si cet homme était un prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche et ce qu’elle est : une grande pécheresse ». En vérité, le Pharisien n’invite pas le Christ chez lui parce qu’il l’aime, mais parce qu’il a entendu toutes sortes de rumeurs étranges et forts troublantes sur celui qui fait figure «  d’hérétique et faiseur de miracles ». A travers cette attitude du Pharisien, le Christ nous invite à rentrer en nous-mêmes et à nous poser la question de savoir ce qu’en vérité nous pensons du Christ, et si nous aussi nous serions enclins à des pensées de jugement sur le prochain dont en réalité nous ne savons la plupart du temps que peu de choses.

 

L’Evangile nous montre qu’à l’évidence la «  loi mosaïque » seule, ne peut suffire à convertir le cœur de l’homme, parce qu’elle est basée sur une vision limitée à une obéissance rituelle et extérieure de la religion. Le Seigneur ne dit-il pas en toute clarté « Je ne suis pas venu abolir la Loi mais l‘accomplir », la Loi a été donnée pour prophétiser la venue du Messie, là était sa mission mais aussi sa limite, car l’accomplissement spirituel de la Loi ne pouvait se réaliser en esprit et en vérité, que par la guidance de Celui qui l’a inspiré pour l’humanité à travers la médiation de l’Israël de Dieu et que la Synagogue devait transmettre.

 

Voici donc que se tient devant Dieu en Jésus cette femme pécheresse, image de scandale pour tous les zélateurs divins qui de par leur fonction se croient tous investis du pouvoir de vie ou de mort sur celle qui ne mérite que haine et rejet puisqu’elle ne respecte pas la Loi.

 

Simon le Pharisien fin connaisseur de la Thora, enferme cette femme dans ses actes contraires à la morale religieuse de son temps, il ne voit pas en elle une personne et donc ne lui adresse aucune parole. Mais pour comprendre l’attitude de Simon, et éviter nous-mêmes de le juger, nous devons nous souvenir que la Loi est accueillie par Israël comme l’expression absolue de la volonté divine, elle est vécue comme « parole et alliance qui vient de Dieu et mène à Lui, elle est sa voix et la voie ». Mais le Seigneur rappelle et éclaire le sens de la Loi en soulignant « qu’il n’est pas venu abolir la Loi, mais l’accomplir », il déclare donc la Loi bonne mais inachevée, elle dit la vérité divine mais elle doit aussi donner l’amour divin, l’œuvre du Messie par son incarnation est de réaliser « l’union de la loi et de la vérité par la grâce de l’amour divino-humain ».

 

Simon le Pharisien, docteur de la loi mosaïque et pratiquant zélé des préceptes religieux, ne peut pourtant comprendre qui est ce Jésus devant lui, toute la connaissance littérale de la Thora donne certes des savoirs précieux, mais se révèle incapable d’engendrer une vraie contemplation spirituelle et donc de reconnaître que ce Jésus, là devant lui est vraiment le Saint Messie prophétisé et espéré par Israël. Le jugement selon l’apparence extérieure du prochain interdit ici et ailleurs aussi, de recevoir l’intelligence du cœur qui est le véritable discernement spirituel.

Et nous les enfants de l’Eglise orthodoxe, invités non par des hommes fussent-ils des religieux, mais par Dieu lui-même, pourquoi n’imiterions-nous pas avec simplicité et confiance cette femme pécheresse, en déposant aux pieds du Seigneur notre demande de pardon pour nos péchés ? A chaque fois que nous osons juger un homme ou une femme, nous devenons des pharisiens durs de cœur et sans esprit, nous rendant indignes de communier à la table spirituelle qui nous propose de goûter combien le « Seigneur est bon et doux ».

 

Ainsi Simon le Pharisien juge t-il cette pécheresse comme perdue et indigne de pardon, car pour lui, la Loi mosaïque est au-dessus de tout et de tous, elle est pour lui la sagesse spirituelle absolue, à laquelle ce Rabbin Jésus devrait lui aussi se plier, c’est pourquoi sectateur de la Loi, il est sans compassion envers la femme pécheresse et sans justesse envers Jésus et ose se dire en lui-même « si cet homme était un prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche ». Là où la femme pécheresse reconnaît Jésus comme un Prophète de Dieu, Simon lui doute de ce Jésus, et le rabaisse au niveau d’un individu sans discernement. Malheur donc à nous, si sous prétexte que nous sommes « orthodoxes », nous jugeons le monde comme corrompu, en nous autorisant à mépriser les autres, sur la seule foi de notre ressenti non purifié par l’amour et la vérité divines. L’Ecriture sainte nous invite au contraire à imiter cette femme, et à venir nous prosterner aux pieds du Christ, pour y verser les larmes d’un repentir sincère qui est celui qui nous est demandé en ce temps du grand Carême.

 

Il ne suffira pas d’être baptisé et nourrit de l’Evangile, pour espérer devenir conforme à ce que nous dit saint Paul dans l’Epître de ce jour « vous avez revêtu le Christ, il n’y a ni Juif ni Grec, ni homme ni femme, ni homme libre ni esclave », tout cela est encore selon les figures du monde qui ne reflètent pas le mystère de la personne créée à l’image et à la ressemblance de Dieu. Nous savons que cette image parfaite est la personne du Christ, et que sans la foi en lui et la vie en son Nom, il sera éternellement impossible de réaliser la métanoia qui fait de l’homme psychique un homme spirituel, car dit encore saint Paul en 1 Cor 2, 14 à 15 « l’homme qui est psychique n’accueille pas ce qui est de l’Esprit de Dieu, c’est folie pour lui, l’homme spirituel au contraire, juge de tout et lui-même n’est jugé par personne ».

 

Dans le livre des 2 Chroniques 30, 7 il est déjà écrit « ne soyez pas comme vos pères, qui ont péché contre l’Eternel » et encore en 1 Rois 8, 31 « si quelqu’un pèche contre son prochain », ne sommes-nous pas à notre tour encore parmi ceux qui pèchent contre l’Eternel et contre notre prochain ? En 1 Jean 3, 9 nous lisons « quiconque est né de Dieu ne pèche pas », ne lisons-nous pas aussi dans les Psaumes que « le juste pèche sept fois par jour », paradoxal certes mais pas contradictoire, la naissance selon Dieu est engendrée dans le temps et selon l’ascèse qui consiste à s’approcher du divin avec « crainte de Dieu, foi et amour », qui a dit que c’était facile ? C’est pourquoi, le Seigneur nous dit « sans Moi, vous ne pouvez rien faire », c’est à dire, laissez-moi agir avec vous et je ferais de vous et avec vous un « christ aimant, saint, humble et sage » qui ne sera plus dans le jugement mais dans l’amour qui rénove et transfigure tout pour faire « toute chose nouvelle ».

 

Dieu ne bénit jamais le péché mais il accueille toujours le pécheur selon cette parole que le prêtre dit après la confession au moment de l’absolution « Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive ». C’est pourquoi, nous croyons avec une pleine confiance que « Dieu aimera toujours infiniment plus le plus grand des pécheurs, que le plus grand des saint ne pourra aimer Dieu », méditons cette parole de profonde consolation.

 

Au Père, au Fils et au Saint-Esprit, soit la gloire éternelle, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles, amen.

+ Syméon