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dimanche 18 février 2024

Zachée le Publicain

 

(LUC 19, 1 à 10)

Au Nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, amen.



Aujourd’hui, L’Eglise nous invite à accompagner le Seigneur chez Zachée le Publicain, homme méprisé par le pouvoir religieux en place, afin de se mettre à table avec lui et partager un repas matériel et spirituel. L’Ecriture nous dit : « Jésus entrait dans Jéricho et traversait la ville. Et voici, un homme du nom de Zachée cherchait à voir Jésus, mais il ne le pouvait pas parce que la foule était là et qu’il était petit de taille ». Que signifie cela ?

 

La ville peut être vue ici comme une métaphore de l’homme lui-même, car Jésus qui est Dieu se promène volontiers avec nous, au cœur de notre être et de notre vie, la Genèse nous rappelle que « Dieu se promenait le soir dans le Paradis et conversait avec notre ancêtre, Adam ». Ailleurs, le Psalmiste nous dit : « Jérusalem, bâtie comme une ville harmonieuse, où tout forme un grand corps », d’autres textes existent qui montrent la « ville » comme une métaphore de l’homme. Mais pour que Jésus s’arrête et nous parle, nous devons avoir le désir de le voir et de le rencontrer, avant de pouvoir comme Zachée, nous attabler avec lui et recevoir un enseignement spirituel vivant et vivifiant.

 

Que fait Zachée pour voir Jésus ? Il s’élève au-dessus de lui-même et s’extirpe des limites que lui imposent et la ville et sa taille, et nous alors, quel moyen avons-nous pour nous élever au-dessus de nous-mêmes à la rencontre de Jésus ? Un sycomore ? Non, mais l’arbre de vie qui est la Croix du Seigneur, la Croix qui nous élève de la terre au ciel, et où est plantée cette Croix ? Dans l’Eglise et dans notre cœur, oui, l’Eglise est notre sycomore spirituel sur lequel l’Esprit Saint nous greffe et fait de nous, une vigne sainte et sacrée pour le Seigneur.

 

Les véritables rencontres ne se font pas dans l’agitation extérieure, au milieu de la foule imprévisible et bruyante, mais à l’intérieur des cœurs et des maisons, dans le calme et dans un esprit de méditation et de prière. Aussi étrange que cela puisse paraître à des regards superficiels, la maison de Zachée le Publicain prophétise l’Eglise, car la grande rencontre entre Dieu et l’homme, se réalise dans l’Eglise et autour du Banquet spirituel et religieux préparé par le prêtre sur l’Autel saint et sacré.

 

Nous ne pouvons absolument pas accueillir la connaissance divine, si nous ne décidons pas une fois pour toutes, de mettre à la base de notre existence, notre désir réel de la communion et de la recherche de Dieu en nous et autour de nous. L’Eglise orthodoxe, possède la plénitude de l’expérience religieuse qui peut nous apprendre comment mettre en œuvre, la rencontre personnelle et ecclésiale en théorie et en pratique avec Jésus, notre très Saint Dieu.

 

Connaissez-vous un autre lieu saint et béni, en-dehors de l’Eglise, dans lequel la célébration liturgique s’enracine dans la profondeur de la sagesse divine, dans la noble hauteur du monde céleste des saints et des anges, dans la largesse inépuisable qui englobe l’humanité dans l’amour divin, là où tout homme et toute femme de bonne volonté peut devenir un seul esprit avec Dieu.

 

Cette foule qui entourait Zachée comme une nuée, symbolise l’ensemble des pensées, paroles et actes qui constituaient le quotidien de Zachée. Ne sommes-nous pas comme Zachée envahit par une foule de pensées, de paroles ou d’actes ? Ne sommes-nous pas de petite taille comme Zachée, dans notre vie spirituelle encore balbutiante pour prétendre voir le Seigneur « en esprit et en vérité »,  mais comme Zachée nous avons reçu la grâce d’appel pour aller à la rencontre de ce Jésus dont nous avons entendu parler. Ce même Jésus, Rabbi prophétique et charismatique, qui ressuscite les morts, fait voir les aveugles, entendre les sourds, guérit les maladies incurables, qui parmi nous ne désire le rencontrer ? Cette attitude sage de Zachée, correspond à cette autre parole du Seigneur « venez et voyez », adressée à ceux qui indécis, ne savent pas comment se déterminer face à Jésus.

 

Zachée trouve une astuce pour pallier à sa petite taille, car dit L’Ecriture : « Zachée courut en avant et monta sur un Sycomore pour voir Jésus qui devait passer par là », la traduction du Sycomore est « figuier » et vous n’ignorez pas que Jésus cite cet arbre à plusieurs reprises, par exemple, il met en relation directe et profonde le « figuier qui bourgeonne » avec la venue du « Royaume de Dieu ». Zachée ne monte t-il pas sur un figuier pour voir ce Jésus que nous les chrétiens confessons comme Dieu ?

 

Lorsque Jésus rencontre Nathanaël, celui-ci est debout sous un figuier et Jésus dit de lui voici un « vrai Israélite en qui il n’y a aucune tromperie ». Zachée redescend du « Figuier » et appelle Jésus : « Seigneur », Nathanaël sous le figuier dit à Jésus : « Rabbi tu es le Fils de Dieu, tu es le Roi d’Israël », mystère paradoxal auprès du figuier autour duquel se révèle la parole divine dans le cœur des hommes. Dans la Bible, les Sycomores sont situés dans les Bas-Pays, il y a là toute une symbolique religieuse dont la méditation approfondie à laquelle je vous encourage, serait fructueuse, pour pénétrer la pensée biblique et illuminer de sagesse l’humanité.

 

En réponse à Zachée, l’Ecriture dit : « arrivé en cet endroit, Jésus leva les yeux et dit : Zachée, descend vite, car il me faut aujourd’hui demeurer chez toi, et aussitôt Zachée descendit et reçut Jésus avec joie, ce que voyant, tous murmuraient et disaient : il est descendu chez un pécheur ». Ce même Jésus nous dit aussi à chacun, bien que nous soyons pécheurs, descend de l’arbre que tu t’es façonné pour me chercher, car aujourd’hui, Je veux demeurer en toi, comment ? Par ta communion sainte et sacrée à mon Corps et à mon Sang pour la vie éternelle.

 

Pourquoi Jésus demande t-il à Zachée de descendre de l’arbre ? Parce que nous ne pouvons pas connaître le Seigneur si nous restons bloqués en haut de l’arbre ou dans notre tête, c’est à dire, si notre approche de Dieu reste purement rationnelle ou intellectuelle. Beaucoup de Traditions religieuses représentent l’homme comme un arbre avec ses racines, son tronc corps et sa cime-tête, là aussi le symbolisme est réaliste et profond. Il est donc nécessaire de descendre sur terre, c’est à dire dans notre corps et dans l’humaine réalité, pour y semer la parole de Dieu et porter des fruits spirituels.

 

Pourquoi Jésus demande t-il à Zachée de descendre vite ? Pour souligner combien Dieu aime Zachée et combien Dieu est comme empressé de parler avec Zachée face à face, ce qui nous renvoie au Paradis là où Dieu « à la brise du soir, parlait à Adam, face à face », Dieu aime l’homme, ne s’est-IL pas incarné pour retrouver, enseigner, restaurer et sauver l’humanité ?

 

Zachée nous montre quelle est l’attitude spirituelle qui convient parfaitement à cette rencontre avec le Seigneur Jésus, c’est le « recevoir chez nous et en nous avec joie », cette joie dont le Christ nous dit que « nul ne pourra nous la ravir ». La joie de Dieu est l’absolu contraire du rire bruyant et saccadé qui secoue les hommes enivrés d’eux-mêmes. La seule chose qui puisse et qui doive attrister l’homme, c’est son péché, car le péché met une séparation entre l’homme et Dieu, entre l’homme et l’Eglise, entre l’homme et l’homme.

 

 

 

L’Ecriture souligne que « dans cette foule, tous murmuraient et disaient : il est descendu chez un pécheur », mais dites-moi, qui donc était sans péché à la venue du Christ, serait-ce cette foule qui juge et critique Jésus le saint Prophète ? Une foule fermée sur elle-même et qui ne juge que sur la seule apparence des êtres et des choses, peut-elle discerner, que devant elle se tient le Messie d’Israël, le Saint de Dieu annoncé par tous les prophètes ?

 

Dans cette foule, dans toute foule, chacun doit d’abord apprendre à se distinguer comme un individu avec sa propre histoire unique héritée de manière singulière depuis Adam à travers ses ascendants, et ensuite acquérir peu à peu la qualité de « personne » qui est le signe de la réalisation spirituelle. La personne, au sens de la théologie des saints Pères, ne peut naître que de Dieu et avec Dieu dans un contexte religieux et spirituel spécifique, et qui est pour nous orthodoxes, la sainte Eglise.

 

Et Jésus dit à Zachée : « aujourd’hui le salut est arrivé pour ta maison, parce que toi aussi, tu es un fils d’Abraham », non pas un fils d’Israël, mais d’Abraham qui est le Père des croyants, de tous les croyants, et qui existait avant le judaïsme d’Israël. Le salut de Dieu ne peut pas arriver dans un homme, une maison, dans l’Eglise, si personne n’est là pour y croire, l’espérer, le demander. Existe-t-il un désir supérieur à celui de devenir par grâce ce que Dieu est par nature ? Devenir dieu par grâce et offrir la louange orthodoxe à la Divine Trinité.

 

Etre déifié, car c’est cela être sauvé et recevoir la vie éternelle à venir dans le Royaume de Dieu, être présent au sein de la Cour céleste, avec la Mère de Dieu, les Saints et les saints Anges. Cette vérité est inscrite dans l’humanité dès la création de l’homme, et si Dieu l’a enracinée dans notre être, c’est qu’il est possible d’y accéder. Le Tentateur nous susurre que croire cela, c’est être orgueilleux et que de toute façon, c’est impossible aux pécheurs que nous sommes. N’écoutons que les promesses du Seigneur, car il est fidèle absolument, quelques soient nos chutes et nos résistances, persévérons dans la sainte espérance en Dieu.

 

L’Evangile termine sur cette parole de Jésus disant : « car le Fils de l’Homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu », qui peut oser dire une telle parole, si ce n’est Jésus qui est le Dieu tout-puissant, car si Abraham est antérieur à Israël, Jésus le Verbe est à l’origine et antérieur à Abraham et à toute création. Le Seigneur insiste bien et dit : « qu’IL est venu sauver ce qui était perdu », cela signifie clairement qu’aucun salut ne peut venir de l’humanité elle-même. L’homme doit exprimer son désir d’être sauvé, et c’est par sa présence aimante, active et régulière dans les célébrations liturgiques de l’Eglise et dans son existence orthodoxe au cœur du monde, qu’il peut témoigner de son désir « d’être comme le Seigneur ».

 

Que Dieu nous donne par la grâce de l’Arbre de la Croix, de nous unir à Lui afin de traverser le monde de la survie et des ténèbres en suivant le chemin de la vie et de la lumière orthodoxes répandues à profusion dans notre très sainte Eglise, pour illuminer et nourrir de bénédictions toute l’humanité. Peut-être quelqu’un demandera, et comment puis-je m’unir au Seigneur ? Par la voie royale bénie par l’Eglise, c’est-à-dire, la prière liturgique et personnelle, saint Paul ne nous demande-t-il pas de « prier sans cesse », car sans prière nous guette pour nous perdre, le royaume des illusionnistes et des sables mouvants sur lesquels aucune vie spirituelle ne peut se réaliser.

 

Au Père de Jésus et à notre Père, au Fils de l’Homme qui est aussi le Fils Unique du Père Céleste, à L’Esprit Saint qui procède du Père, soit la gloire dans les siècles des siècles, amen.

 

+ Syméon

dimanche 4 février 2024

L’aveugle de Jéricho

                                                                   (Luc : 18, 35 à 45).

Au Nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, amen.

 

 

Aujourd’hui, l’Eglise nous rends témoins du passage qui va des ténèbres vers la lumière, et ce miracle s’accomplit pour un homme aveugle assis au bord du chemin et qui mendiait. L’Eglise est une icône de ce chemin sur lequel se trouve la foule des croyants, parmi lesquels sont assis des aveugles, des sourds, et d’autres encore, la Divine Liturgie est-elle autre chose que de crier comme l’aveugle : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ». Le Seigneur emprunte ce chemin qu’est l’Eglise, à chaque fois qu’IL vient se donner comme Médecine divine à chacun d’entre nous par Son Corps et Son Sang.

 

L’Eglise est donc ce chemin par lequel peuvent aller vers le Christ, ceux qui cherchent la guérison spirituelle, il nous faut donc déblayer en nous et autour de nous, ce qui pourrait faire obstacle à notre salut et refuser d’écouter la foule qui nous ordonne de nous taire. Ainsi l’Evangile de ce jour, nous dévoile l’espérance que partage ensemble, le Seigneur Jésus et cet homme aveugle, de quoi s’agit-il ? Eh bien, en vérité, l’espérance de Jésus est que quelqu’un sur le chemin l’interpelle et lui demande d’exaucer sa prière, par exemple la vue pour cet aveugle, et moi, que voudrais-je donc demander à Dieu ? L’espérance de l’aveugle, est que quelqu’un entende son cri de solitude et de souffrance, et ce quelqu’un pour lui aujourd’hui, c’est le Seigneur qui passe et qui s ‘arrête à sa hauteur, car en vérité, Dieu seul peut accomplir le miracle de lui rendre la vue physique et la vision spirituelle. L’aveugle est donc pour nous comme un guide, ne sommes-nous pas plus ou moins aveugle et même sourd, pour ne pas se laisser réduire au silence par cette foule extérieure agitée, l’aveugle a commencé par pacifier ses foules intérieures que sont les pensées, en faisant cela tout au long de son existence, il a reçu ces oreilles dont le Seigneur dit « que celui qui a des oreilles pour entendre, entende ». Il a fini par entendre en lui, la voix du Seigneur qui lui a fait cette promesse « Je viens pour te guérir », n’est-ce pas ce qui en vérité lui est arrivé !

 

Cet homme aveugle, comme toute personne souffrante, désirait la guérison, il la voulait de toute son âme, c’est pourquoi cette foule menaçante ne pouvait l’obliger à se taire. Devant une telle foi intérieure, L’Esprit Saint lui-même a mis dans son cœur et sur ses lèvres, les paroles qu’il a crié vers le Prophète Jésus qui passait par là. Dieu seul, peut donner la « vie, le mouvement et l’être », alors si nous voulons nous aussi guérir, que devons-nous accomplir ? C’est simple, prions et demandons à Dieu de nous accorder la grâce de laisser agir en nous la sagesse de l’Eglise, des Prières et de la Divine Liturgie, la célébration liturgique est l’alpha et l’oméga qui engendre l’être orthodoxe, avec la même espérance que l’aveugle de « voir et d’entendre Dieu ».

 

Comment ? En apprenant avec la grâce de l’Esprit Saint, à « être un et uni » avec la célébration liturgique, sans nous inquiéter de la multitude des pensées qui nous parasite au-dedans et au-dehors. L’aveugle est là  depuis de nombreuses années à espérer justement qu’un miracle soit possible pour lui aussi. Pourquoi a t-il cette espérance en lui déjà comme une lumière ? Parce que l’espérance de la guérison spirituelle est connaturelle à l’être humain, Dieu habite et vit au cœur de l’homme, c’est pourquoi, il est toujours possible à tout homme et à toute femme de bonne volonté, de dialoguer avec Dieu, comme le faisaient Adam et Eve dans le Jardin d’Eden. L’aveugle connaissait Jésus, il en avait entendu parler, Il espérait et croyait comme tout Juif pieux de son époque, à la venue du saint Messie annoncé par les Prophètes, ce Messie qui devait s’incarner pour délivrer Israël et sauver l’humanité perdue. Ce Jésus dont la réputation était venue à ses oreilles et qui aujourd’hui s’arrête auprès de lui, son cœur brûlant lui murmure alors, c’est lui le Messie. C’est lui, ce Rabbi charismatique qui fait des miracles, alors l’aveugle s’est dit en lui-même du fond de son cœur, que lui aussi, pourrait bénéficier aujourd’hui de la grâce que ce prophète thaumaturge sème avec une divine générosité en Israël.

 

Que signifie, l’aveugle mendiait ? Cela signifie ici « bienheureux les affamés et assoiffés de justice, car ils seront rassasiés ». Celui qui mendie manque souvent de tout, survit avec à peine le nécessaire, mais lui, ce n’est pas de nourriture ou de boisson qu’il était en manque, non, il voulait que justice lui soit rendue afin de « voir », être clairvoyant pour contempler la vie et l’existence dans toute sa plénitude. Jésus est cette plénitude divino-humaine incarnée parmi nous, Jésus est le véritable et l’unique bien-aimé, que l’âme religieuse désire et espère. Ainsi cet aveugle, est une icône du mendiant authentique qui est celui des saintes Béatitudes et en particulier de celle qui promet : « bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu ». Il était aveugle selon le corps et dans une pensée faussée par les bruits stériles du monde, et le voilà devant nous « voyant » selon la lumière divine.

 

Le Christ n’est-il pas Dieu, cet aveugle a donc bien vu Dieu face à face en Jésus, il se voit maintenant lui-même, l’humanité et la création avec la sagesse et la beauté du regard divin. Mais nous le savons, il existe des cécités bien plus douloureuses que la cécité physique, et dont la guérison plénière ne peut commencer que par une véritable conversion intérieure, un retournement spirituel dont les étapes « me » sont transmises par la grâce et la sagesse de l’Eglise, afin de discerner ce qui « me » rend aveugle et donc m’empêche de voir Jésus face à face.

 

L’Ecriture dit : « entendant marcher la foule, l’aveugle demanda ce que cela signifiait. On lui annonça que c’était Jésus de Nazareth qui passait par là. Alors il s’écria : Jésus, fils de David, aie pitié de moi ». Que signifie, entendant marcher la foule ? Cela signifie que lui l’aveugle, a entendu qu’au cœur de cette marche était une présence singulière, son cœur devenait brûlant, quelque chose d’inouïe et d’essentiel se passait à côté de lui et ne concernait que lui, car en vérité, le Seigneur amour est passé là pour rendre la vue à cet homme seul et aveugle, oui, le Dieu-Homme très saint avait rendez-vous avec sa créature souffrante.

 

L’Evangile poursuit : « ceux qui marchaient en tête le menaçaient pour qu’il fasse silence, mais il criait d’autant plus fort : Fils de David, aie pitié de moi » ! Que signifie il criait d’autant plus fort ? Cela signifie que l’Esprit Saint est venu vivifier sa prière, et que celle-ci après avoir rempli son cœur, déborde sur ses lèvres et s’élève de toute sa force intérieure vers le Sauveur. Cet aveugle s’enracine et expérimente cette réalité de l’esprit des Béatitudes : « bienheureux serez-vous, lorsqu’on vous persécutera, qu’on vous maltraitera… ». L’aveugle ne se laisse pas impressionner, il a perdu la vue et le voilà prêt à perdre la vie devant cette marée humaine qui telle une vague menace de l’engloutir. Car dans son cœur sa prière s’élève vers Jésus et le tourne tout entier vers « Celui » dont il sait maintenant avec certitude qu’il peut lui rendre la vue. De même, ne nous laissons pas éconduire et diriger vers les chemins de la perdition, que les foules voraces qui nous habitent voudraient nous imposer, cette multitude de pensées, paroles et actes qui sous les ordres du vieil homme inculte veulent nous empêcher de crier vers le Seigneur Jésus : « Fils de David, aie pitié de moi ».

 

Alors dit l’Ecriture : Jésus s’arrêta et ordonna de le conduire vers lui. Quand il fût près de lui, il lui demanda : que veux-tu que Je fasse pour toi » ? O l’immense humilité du Dieu-Homme, l’amour infini du Dieu vivant et compatissant envers sa créature, Lui, l’un de la Sainte Trinité, se met au service de l’aveugle et lui demande quelle est ta volonté, que désires-tu et moi que tu appelles « Seigneur », je t’obéirais et je t’exaucerais ! Bénissons et prions, rendons gloire à Dieu, qui nous fait le don de la vision intérieure, notre être entier ne s’ouvre t-il pas devant Jésus doux et humble de cœur ? Là où est l’humilité, là où est notre prière, là où réside notre espérance, là est aussi la route sur laquelle Jésus vient à notre rencontre. Là où est notre sainte et véritable hospitalité religieuse et fraternelle les uns envers les autres, là est possible le miracle de toute guérison spirituelle. Cherchons avec foi à cultiver notre désir de contemplation comme  cet homme aveugle pour nous réunir en esprit et en vérité dans les églises et les monastères, ayons de la compassion comme Jésus, envers l’homme et l’humanité souffrante, ne jugeons rien ni personne, alors Dieu s’arrêtera auprès de nous aussi pour « me » demander : « que veux-tu que Je fasse pour toi ? »

 

L’aveugle répondit : « Seigneur, fais que je recouvre la vue ! Jésus lui dit : que la vue te soit rendue ! Ta foi t’a sauvé ! ». Que signifie : « que la vue te soit rendue » ? Où donc, l’homme a t-il perdu la vue, où a t-il perdu la grâce de voir Dieu ? N’est ce pas dans le Jardin Céleste avec la chute adamique? Dieu dira à Moïse : « cache toi derrière ce rocher, Je passerais et tu me verras de dos, car nul ne peut voir Dieu et vivre » ! O la miséricorde insondable de notre Père Céleste, ne voyons-nous pas que cette vue perdue dans l’Eden nous est redonnée aujourd’hui comme à cet aveugle dans l’Eglise, il voit, nous voyons Dieu en Jésus non de dos comme Moïse, mais « Face à face ».

 

L’expérience de la cécité a tourné vers l’essentiel cet homme aveugle, il a supporté sa condition si difficile, et son cœur s’est tourné progressivement vers l’unique nécessaire, et c’est celui qu’il appelle « Seigneur », là au milieu de nous, qui va lui faire don de la plus désirable des Béatitudes, en lui rendant la vue, le Seigneur lui donne de le voir et de le reconnaître comme Dieu. Il n’est plus dans le regard extérieur sur les êtres et les choses, il est dans la lumière divine, dans le véritable discernement spirituel, c’est à dire que cet homme sait qui il est et il sait aussi qui il suit : Jésus son Seigneur.

 

C’est pourquoi, il est écrit : « à l’instant même il recouvra la vue, et il suivit Jésus en rendant gloire à Dieu ; et tout le peuple, voyant cela, célébra les louanges de Dieu ». Suivre Dieu, rendre gloire et louange à Dieu est le signe manifeste que l’être est devenu une personne spirituelle et l’expression  de cet homme renouvelé est la célébration sainte et lumineuse de la Divine Liturgie. Alors peut s’ouvrir pour lui le « chemin de la sainteté personnelle », et comme nous l’avons dit dans une autre homélie: « que de joie dans le ciel parmi les anges pour une seule âme sauvée », mais plus encore « que de joie au sein de la Divine Trinité pour un seul homme qui devient : un saint ».

 

Au Père qui a compassion de notre aveuglement, au Fils qui est venu pour nous rendre la vue, à l’Esprit Saint qui nous donne la vision spirituelle, soit la gloire dans les siècles des siècles, amen.  

 

+ Syméon