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dimanche 24 mars 2024

Triomphe de l’Orthodoxie

     

 (Jean  1, 43 – 51)

Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, amen.

 

 

Aujourd’hui, l’Eglise Orthodoxe célèbre le « Triomphe de l’Orthodoxie », elle nous transmet le témoignage de ceux et celles qui étaient autour du Christ, qui ont accueilli  son enseignement, l’ont mis en pratique et ont parfois donné leur vie par le Martyre dans leur certitude intérieure que le Christ était la Vérité Absolue incarnée. Cette vérité de la « foi, de l’espérance et de la charité » est venue jusqu’à nous à partir des Apôtres, de leurs successeurs les Evêques et de nos saints Pères et nos saintes Mères en Dieu. Cette vérité divino-humaine est conservée précieusement avec amour et dans toute sa beauté théologique, liturgique et spirituelle dans notre sainte Eglise orthodoxe. La Tradition iconographique que nous célébrons aujourd’hui, témoigne de la grâce engendrée par sa présence vivifiante qui illumine de lumière céleste l’Eglise, notre âme et le monde. Je nous propose avec la grâce du Saint-Esprit de méditer ensemble sur ce que signifie, pour chacun et chacune d’entre nous, le fait d’être orthodoxe, d’apprendre à devenir une icône pascale et véridique par l’ascèse orthodoxe qui a vocation d’unir la personne humaine avec les Personnes divines.

 

Pour contempler cet « être orthodoxe », il nous faut garder à l’esprit : « que Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne dieu », existe t-il dans ce monde éphémère un projet plus désirable ou plus digne pour l’être humain aimé de Dieu ? Si par la grâce divine et l’intelligence du cœur, nous accueillons avec foi notre vocation à être déifié en accomplissant Dieu bénissant les œuvres évangéliques, nous serons des témoins réels de la vocation divino-humaine de l’Eglise.

 

Si être orthodoxe, c’est glorifier et louer Dieu dans la justesse, alors en vérité, seul est orthodoxe dans toute sa plénitude divino-humaine, Celui qui a dit : « Père du ciel et de la terre, Je te loue de ce que tu as caché cela aux yeux des sages et des intelligents de ce monde, et que tu l’ai révélé aux petits ». Chacun d’entre nous est invité, à devenir un de ces petits que l’Eglise du Christ engendre et doit faire croître spirituellement en « taille, en grâce et en sagesse devant Dieu et parmi les hommes ».

 

Nous voilà invités à acquérir la sainteté et à devenir dieu par la « grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu le Père et la communion du Saint Esprit », pourquoi ? Pour  offrir à notre tour, sur le modèle unique du Seigneur Jésus, personnellement et ecclésialement la louange juste à la Divine Trinité. Etre orthodoxe, c’est croire que l’Eglise est cette terre sainte et sacrée dont je suis une pierre précieuse, ciselée par l’humilité, l’amour et la vérité à travers la célébration liturgique. Croire qu’au cœur de l’Eglise se trouve la personne et qu’au cœur de la personne habite la Divine Trinité, contempler l’Eglise comme l’icône véritable et parfaite qui contient toutes les icônes particulières.

 

L’Eglise orthodoxe est la maison de l’être orthodoxe, son lieu de vie, où le croyant fidèle et de bonne volonté, reçoit toutes les grâces et bénédictions utiles pour accomplir son existence de chrétien orthodoxe au cœur même du monde. L’Eglise seule peut tenir sa promesse au Nom de Dieu et donner à tout homme et à toute femme qui le désire vraiment, la certitude et la plénitude du salut dans l’amour, la vérité et la sainteté.

 

Si j’aime quelqu’un, alors je suis prêt à faire tout ce que je peux pour cette personne, je veux être avec elle le plus et le mieux possible, il en est de même pour la sainte Eglise, si je l’aime ou si j’ai le désir d’apprendre à l’aimer, alors je vais tout faire pour la connaître, je la considère comme ma bien-aimée et je veux savoir qui elle est, ce qu’elle fait, en un mot vivre avec elle. Je me prépare à cette rencontre divino-humaine, je ne viens pas au rendez-vous au dernier moment où pire en retard, je viens m’imprégner tout entier de l’ambiance spirituelle du lieu saint et vivifiant, je suis tourné tout entier vers le Bien-Aimé Seigneur Jésus que mon cœur désire, appelle et espère.

Pour accéder à la sainteté, nous devons avec notre Bien-Aimé Seigneur, désirer devenir saint, croire que c’est notre vocation, si nous la pensons inaccessible, elle le devient effectivement et nous rend incapable de cultiver le vie et la voie orthodoxe. Cultiver la sainteté, la goûter, la toucher, la sentir, la regarder et l’entendre et cela très concrètement par l’expérience personnelle, ici et maintenant. Où direz-vous peut-être ? Dans ce lieu saint et béni qu’est l’Eglise, comment ? Par la pratique assidue, religieuse et spirituelle de la Divine Liturgie qui nous donne « ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, mais que Dieu révèle à ceux qui l’aiment et qui croient de tout leur cœur en lui ».

 

Nous sommes tous ici l’Eglise et aussi les dépositaires de ce que nous lisons dans les Actes des Apôtres : « L’Esprit Saint et nous avons décidé que … ». Cette décision commune et unanime est le trésor spirituel toujours vivant et vivifiant qui nous est confié dans la Sainte Eglise orthodoxe. Chacun et chacune d’entre nous est invité à témoigner par sa vie de cette réalité spirituelle qui est le fondement de l’être personnel et de l’Eglise, et cette expérience peut nous donner, peu à peu, le discernement intérieur en vue de la louange juste de Dieu.

 

L’hérésie est ce qui est partiel et partial. C’est ce qui veut imposer, même dans l’Eglise, y compris par la force, la partie comme étant le tout de la vérité révélée. C’est pourquoi, lorsque nous sommes tentés de vouloir imposer notre vision individuelle de l’Orthodoxie, nous devons nous souvenir avec humilité que l’Eglise est le visage lumineux de Dieu dans notre monde, et par là même opposée aux masques grimaçants des ténèbres inhumaines. L’Eglise est éternelle en Dieu, pourquoi ? Parce qu’elle est le Corps et la Tête du Christ, le Corps Ressuscité, elle est le Corps religieux, mystique et spirituel du Seigneur Jésus, elle est aussi notre corps par la grâce divine, ne sommes-nous pas comme dit l’apôtre Paul « temple de l’Esprit Saint ».

 

Confessons et accueillons humblement la Foi orthodoxe, reçue comme un héritage divin, vivons là afin de nous garder avec la bénédiction divine, de toute « chute », à l’image de celle qu’ont connu nos ancêtres, Adam et Eve. Tant que prédomine en nous l’esprit du monde et l’individualisme, nous resterons aliénés et aucune liberté réelle ne pourra exister, car seule la dimension de « personne est icône des Personnes Divines ». C’est pourquoi confesser la Foi orthodoxe par l’être orthodoxe consiste à prendre comme « Guide unique le Christ » et non les séducteurs hypocrites qui veulent nous transformer en objet. Prions l’Esprit Saint de nous configurer à l’image de Dieu en nous pour réaliser, le retour progressif à la ressemblance de Dieu.

 

Etre orthodoxe, c’est apprendre à « aimer sans conditions imposées à l’autre », fussent-elles spirituelles, semer, cultiver et vivre en nous l’enseignement évangélique. Mais pour aimer sans condition, je dois apprendre auprès de l’Amour qui est Dieu comment L’aimer « de tout mon cœur, de toute mon âme, de tout mon esprit et de toutes mes forces…», afin d’espérer un jour « aimer mon prochain comme moi-même ». Le Seigneur nous a clairement montré comment lui témoigner réellement notre amour, en disant : « celui qui m’aime, c’est celui qui garde Mes commandements et les mets en pratique », celui qui croit aimer sans Dieu ne serre dans ses bras que ses illusions et se prépare une existence de déceptions amères.

 

L’un des commandements pour un orthodoxe, c’est sa présence dans l’Eglise, selon cette parole du Christ « venez et voyez », pour apprendre à connaître comment Dieu se révèle à nous, selon la réalité de notre foi en lui, selon la qualité de notre désir de le connaître et de l’aimer. Ne pas venir avec régularité et persévérance dans la sainte maison de Dieu, est incompatible avec être orthodoxe. Sans l’Eglise, nous les orthodoxes nous nous dépouillons nous-mêmes de l’essentiel, et nous privons nos enfants de leur identité religieuse profonde, le Christ ne dit-il pas « laisser venir à moi les enfants, ne les empêchez pas », alors comment justifierons-nous notre absence ?

 

Etre orthodoxe, c’est « apprendre à se réjouir de notre vie en Dieu » en demandant à Dieu la Joie dont le Christ nous dit « que nul ne pourra nous la ravir ». Comprenons que, dans l’espérance de ce Don, nous ne devons pas désespérer de voir les fluctuations de nos états d’âme, mais apprendre à convertir toute tristesse malsaine et persévérer tranquillement en Dieu.

 

Etre orthodoxe, c’est « apprendre à être paisible dans notre existence » en demandant à Dieu la Paix dont le Christ nous dit : «  qu’elle dépasse toute intelligence », pacifier nos impatiences et nos irritations, ne pas faire de discours pseudo spirituels. La paix du Seigneur n’est pas un objet de discussion voire de dispute, au milieu d’un « aéropage de soit disant sages mondains auto-satisfaits et qui auraient l’esprit tellement plus ouvert, que notre Eglise orthodoxe ».

 

Etre orthodoxe, c’est « apprendre à imiter sans cesse » ce que le Christ dit de lui-même : « apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur », œuvrer encore et encore, pour transformer notre cœur de pierre en cœur de chair, nous humaniser, ne pas s’inquiéter outre mesure de nos échecs, un temps viendra où Dieu nous donnera Lui-même sa douceur et son humilité.

 

Etre orthodoxe, c’est « apprendre la patience par la maîtrise de soi », apprendre à accepter ce que Dieu permet, avec la certitude que le Christ réalisera en nous toutes Ses Promesses, même si rien ne semble aller comme nous le souhaiterions. Etre orthodoxe, c’est « apprendre à devenir un témoin vivant » de la Divine Trinité, c’est œuvrer sans cesse pour engendrer en soi l’union de l’image et de la ressemblance à Dieu, être orthodoxe relève fondamentalement de la « personne » qui naît de Dieu, par Dieu et pour Dieu.

 

Etre hérétique, c’est ne pas croire que ce qui précède est consubstantiel à la nature humaine, et donc de générer des caricatures d’individus plus ou moins malades spirituellement, au lieu d’engendrer des icônes de la Divine Trinité. L’hérétique regarde le monde avec les yeux du monde, l’orthodoxe regarde le monde et l’humanité avec le regard de Dieu, l’hérétique divise le monde en savoirs partiels pour dominer l’humanité, l’orthodoxe unifie l’homme et le monde dans la sagesse créatrice, pour servir cette même humanité.

 

Etre orthodoxe, c’est « confesser que notre sainte Eglise orthodoxe » est vraiment ce mystère unique et universel qui invite l’humanité entière à y pénétrer, car « le Royaume de Dieu est proche, il se laisse toucher », nous dit saint Paul. Alors selon la promesse du Seigneur à la fin de l’évangile que nous venons d’entendre, si nous croyons, nous verrons comme Nathanaël « en vérité, le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’Homme ». Où et comment pouvons-nous déjà voir cela ? Dans l’Eglise, par la présence réelle de Dieu qui illumine l’intelligence par la médiation de la grâce liturgique, et nous fait concélébrant des très saints mystères du Seigneur.

 

Toute pensée, parole ou acte qui ne devient pas prière en nous pour s’enraciner en Dieu, rend caduque notre désir à incarner la vie orthodoxe. Demandons, prions et supplions Dieu de nous unifier et de faire de chacun et chacune d’entre nous une « personne orthodoxe, c’est à dire, un christ », c'est là notre vocation depuis l’origine et pour l’éternité.

 

Au Père Source unique de l’Amour, au Fils qui a donné Sa vie par Amour et à l’Esprit qui nous garde dans l’Amour, soit la Gloire dans les siècles des siècles, amen.

 

+ Syméon

samedi 16 mars 2024

Dimanche du Grand Pardon et de l’Exil d’Adam et Eve.

                                                                  (Matthieu 6, 14 à 21)

                                     Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, amen.

Aujourd’hui, notre sainte Eglise Orthodoxe nous invite à nous rendre semblable à Dieu, car Dieu est celui qui ne cesse de nous pardonner dans son Amour éternel, nous sommes des icônes de la Divine Trinité et à ce titre nous avons reçu la grâce et le commandement de nous remettre mutuellement les péchés commis les uns envers les autres, une telle œuvre divino-humaine n’est possible que si nous sommes décidés à nous convertir et à nous purifier par une vie orthodoxe, avec la volonté profonde de bénir et d’aimer selon cette parole du Seigneur « aimez-vous comme Je vous ai aimé ».

 

Le Seigneur de Gloire nous enseigne comment doit être un Chrétien orthodoxe qui veut vivre un tel grand pardon en présence non seulement de l’Eglise mais du Père Céleste lui-même et de l’Esprit de Lumière qui illumine le croyant, que dit-il ? « là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur », parole sublime dans sa limpide simplicité, et saint Paul nous montre l’ascèse qui convient à une telle œuvre spirituelle en disant dans l’épître de ce jour : « mais revêtez le Seigneur Jésus Christ et ne vous abandonnez pas aux préoccupations de la chair pour en satisfaire les convoitises ». L’Esprit nous invite chacun et chacune en ce temps d’ascèse que représente le saint et grand Carême, à scruter ce qui nous tourmente et enténèbre notre cœur, il ne s’agit pas ici, d’une simple méditation philosophique, mais d’une ascèse de spiritualisation intégrale de tout notre être, par le jeûne des pensées, paroles, actes pour une attention éveillée dans la prière liturgique et personnelle et construire les prémisses de la sainteté qui permet de se « revêtir du Seigneur Jésus-Christ » comme le demande saint Paul.

 

Pour pouvoir contempler son propre cœur dont vous savez qu’il est un abîme spirituel, l’Ecriture inspirée par l’Esprit de Dieu nous pose une condition essentielle, à savoir le pardon sans condition envers notre frère ou notre sœur, selon cette parole de saint Paul « l’amour ne juge pas », afin que nous puissions nous approcher de la communion du Corps et du Sang du Seigneur, pour la vie et non pour notre condamnation. Porter un jugement sur quelqu’un c’est une chose, donner un « conseil avisé » avec discernement et bienveillance est une autre chose, « Dieu seul par l’amour et la vérité est le juste Juge ». Demain nous naîtrons à notre tour au Ciel, que voulons-nous donc y emmener, nous savons pourtant que rien de l’esprit de ce monde ne sera accueilli dans le Royaume de Dieu, seuls les fruits spirituels qui seront engendrés par une ascèse évangélique réelle trouverons grâce devant Dieu et la cour céleste, et non les fantasmes imaginés à partir d’illusions fumeuses engendrées par les tentations du père du mensonge et du vieil homme ignorant et vaniteux. Saint Paul insiste encore et encore et nous encourage à « laisser là les œuvres de ténèbres et de revêtir les armes de lumière », pour mettre en pratique l’Evangile de vie.  

 

Saint Paul ne cesse de dire à Tite « d’enseigner à temps et à contre temps la vérité divine » sans se préoccuper des pensées, des paroles et des actes du monde, de même, l’Eglise notre sainte Mère spirituelle, infiniment sage, ne cesse de nous enseigner la « vérité divine » et quels sont les trésors célestes enracinés en nous par notre baptême et que nous devons cultiver fidèlement. Nous les connaissons, l’apôtre Paul nous les énumèrent, ces biens réels sont les dons du Saint Esprit : « l’amour, la joie, la paix, la maîtrise de soi...», voilà les vraies perles spirituelles inestimables que nous devons commencer à engendrer en ce monde, dans l’espérance de les amener à leur perfection dans le Royaume de Dieu. Nous savons que la voie parfaite pour cela consiste à célébrer la Divine Liturgie de toute notre présence, et nous préparer ainsi à célébrer la Liturgie éternelle dans le Royaume de Dieu à venir par cette seule et unique œuvre : Aimer et adorer la Divine Trinité…en commençant ici et maintenant, par aimer notre frère et notre sœur créés à « l’image et à la ressemblance » de Dieu.

 

Voici donc devant nous ces trésors spirituels, et qui donc dites-moi nous volera la Joie dont le Christ nous assure que : « Je  vous donnerais la Joie que nul ne pourra vous ravir », serait-ce les hypocrites et les mondains dont les sourires ressemblent à des grimaces et à des menaces ? Le Christ encore de nous promettre que : « Je vous donnerais la Paix qui surpasse toute intelligence », qui donc parmi ceux qui ne pensent qu’à eux-mêmes, par eux-mêmes et pour eux-mêmes, pourrait approcher la Paix du Seigneur et faire la leçon à l’Eglise qui a deux mille ans de sagesse, pauvres fous comme dit l’Ecriture, vanité des vanités, rien que vanité. Qui donc nous enlèveras la « douceur du Christ », certes pas toute la colère psychique et charnelle projetée contre nous, que ce soit dans l’Eglise ou hors de l’Eglise, le Christ nous avertit:  « malheur à celui ou celle par qui le scandale arrive », alors, pardonnons-nous du fond du cœur et cultivons la vie fraternelle comme une vigne très chère au cœur de Dieu et qui portera les raisins non de la calomnie mensongère, mais de l’ivresse spirituelle autour du festin royal qu’est pour nous la très Sainte Cène.

 

Le Seigneur nous conseille « si vous remettez aux hommes leurs manquements, votre Père céleste, vous remettra les vôtres, si vous ne remettez pas, vous ne serez pas pardonnés » et vous resterez englués dans vos manquements, je ne remets pas aux hommes leurs manquements si j’oublie l’enseignement fondamental du Christ, qui me dit « aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, priez pour ceux qui vous persécutent », ceci nous demande de sortir des agitations stériles dont se servent tous ceux qui voudraient nous asservir à leur pensée de néant en nous menant avec une allégresse perverse par le bout du nez.

 

Pourquoi, l’Eglise met-elle ce dimanche sous le signe d’Adam ? Pour que nous nous souvenions d’où nous venons et pourquoi nous avons perdu notre terre originelle. Ne sommes-nous pas nés en Adam et Eve ? Et n’est ce pas ce même Adam avec Eve qui par immaturité nous ont valu l’expulsion du Jardin d’Eden, suite a leur refus de pratiquer le  « saint jeûne » demandé par Dieu. Ayant ainsi rompu leur sainte alliance avec Dieu, la conséquence immédiate en est que la grâce divine s’est voilée en eux. La preuve en est, qu’ils sont tombés dans l’incapacité de confesser leur péché au Père Céleste, tout en se rejetant la « faute originelle ». Mais quel jeûne devait donc observer Adam et Eve ? Leur jeûne, quel paradoxe, consistait à se nourrir de l’abondance des nourritures spirituelles que Dieu leur offrait librement, et pour un temps seulement, ils devaient « jeûner » et s’abstenir de manger de « l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal ». Mais par leur désobéissance au commandement de Dieu, leur chute a commencé dans le Jardin d’Eden, et l’esprit dans la confusion, ils se sont rendus incapables de faire le bien comme de renoncer à faire ce qui est mal.

 

Cette nourriture édénique était pourtant avant la chute, en vérité, la « première eucharistie spirituelle » offerte à l’homme, oui, Adam et Eve se nourrissait de Dieu, par son Verbe divin et créateur. N’est-il pas écrit, que « l’homme ne se nourrit pas de pain seulement, mais de toute Parole qui sort de la bouche de Dieu » ? Que signifie Dieu parlait avec Adam dans le Paradis à la brise du soir ? Le Seigneur Dieu enseignait le mystère de Son œuvre créatrice à Adam, pour que celui-ci puisse se l’approprier comme « roi, prêtre et prophète » et devenir ainsi le moment venu le « pasteur » de l’humanité dans toute sa plénitude, avec amour, humilité, sagesse et sainteté. Qui d’autre, dites-moi, que le Créateur pouvait enseigner à Sa créature à cultiver la création ? Notre ancêtre Adam était ainsi le premier « théodidacte », ce qui signifie être enseigné directement par Dieu, il était comblé dans son existence de grâce sur grâce.

 

Les textes liturgiques nous montrent Adam et Eve après leur expulsion du Jardin d’Eden assis en face des portes du Paradis avec l’âme inondée des larmes du repentir, ils prennent peu à peu conscience de la souffrance de leur exil, ne sommes-nous pas comme eux en souffrance lorsque nous revenons à nous et ressentons notre éloignement de l’Eglise. L’Eglise est pourtant l’unique et sûr moyen d’accéder à nouveau à la présence divine, Adam se lamente, gémit et pleure, car lui qui voyait Dieu face à face est devenu en se détournant et en se séparant de lui, un aveugle spirituel. Mais la compassion divine, la vue de notre Seigneur face à face et le dialogue avec lui, nous sont à nouveau accessibles par la célébration liturgique dont le beau couronnement est le don inestimable du Corps et du Sang du Seigneur, qui nous redonnent « ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, mais que Dieu donne à ceux qui l’aiment ».

 

Que signifie encore : « ne vous amassez pas de trésors sur la terre » ? Cela signifie, ne nous réduisons pas à être simplement des morceaux d’existence, des individualités aliénés par leurs possessions matérielles, car plus nous posséderons et plus nous pouvons être divisés, rongés par l’angoisse de perdre…ce que de toute façon nous devrons abandonner un jour. Mais le plus tragique est ici que notre cœur d’humanité qui a vocation à être le lieu saint et sacré duquel émane la vie religieuse, risque de devenir un coffre-fort rempli d’ossements, si le cœur est détourné de la voie divine qui seule peut engendrer à partir de lui « l’homme spirituel ».

 

 Que signifie : « mais amassez-vous des trésors dans le ciel » ? Le ciel ici est une métaphore de l’esprit de l’homme, cela signifie que les vrais trésors sont d’abord engendrés dans notre intelligence profonde, et cela n’est possible que si nous demandons à Dieu que notre esprit soit uni à l’Esprit Saint, afin qu’ils deviennent nous dit saint Paul, « un seul Esprit ».

 

Que le Père, le Fils et le Saint Esprit à qui nous demandons pardon de tout notre cœur, nous donne de nous pardonner nos péchés commis les uns envers les autres, et à la Divine Trinité soit la Gloire dans siècles des siècles, amen.

 

+ Syméon

 

 

 

 

dimanche 10 mars 2024

Le Jugement dernier

 

(Matthieu 25, 31 – 46)

Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, amen.

 

 

Aujourd’hui, oui, ici et maintenant, s’accomplit pour chacun et chacune d’entre nous ce que l’Évangile vient d’annoncer, la venue du Roi de Gloire et notre jugement, c'est-à-dire que l’Esprit de Dieu nous inspire de discerner dans quel état spirituel nous sommes, afin de ne pas communier au Corps et au Sang du Christ pour notre condamnation, mais pour la guérison de notre âme et de notre corps. Car en vérité chaque Divine Liturgie est l’icône de cette autre parole du Christ : tout est accompli en Dieu, y compris le Jugement Dernier. Vous savez que ce Jugement de Dieu a commencé dès la Chute dans le Paradis et que depuis l’humanité est devenue ce grand corps souffrant dont chacun d’entre nous est le cœur. Depuis la Chute, nous portons les signes de notre séparation d’avec Dieu et voici que chacun d’entre nous se retrouve nu, malade, affamé, assoiffé, emprisonné et étranger, non seulement à lui-même mais à Dieu ; et l’ennemi du genre humain continue de se servir du vieil homme en nous pour perpétuer notre aliénation psychique. L’Église du Dieu vivant témoigne de la Présence de la très Sainte Divine Trinité, qui sonde les reins et les cœurs, non pour nous punir mais pour nous purifier et nous sanctifier. Entrer dans l’Église, c’est pénétrer spirituellement dans le Saint des Saints, et nous inviter à prendre conscience de l’état de notre robe nuptiale, avant de participer au Banquet eucharistique.

 

Vous savez qu’il n’y a aucune différence de fond entre notre corps-temple de l’Esprit-Saint, l’Eglise corps du Christ et le Royaume de Dieu ; ils signifient une seule réalité spirituelle. Le Royaume de Dieu est la véritable patrie de l’humanité rachetée par le Christ et l’Église représente les Portes Royales par lesquelles nous apprenons à voyager vers Celui qui ne cesse d’espérer le retour de l’humanité prodigue. Que signifie pour nous cette parole du Christ : « En vérité, je vous le dis, ce que vous aurez fait à l’un de ces petits, c’est à moi que vous l’avez fait » ? Cela veut dire que tout être humain est un christ en puissance, et que par conséquent, lorsque je me détourne de l’un de ces petits dont parle le Christ, je m’abandonne moi-même, puisque spirituellement ces petits habitent en moi par la volonté créatrice de Dieu. Là où deux ou trois de ces petits que sont le corps, l’âme et l’esprit sont réunis au Nom du Christ, IL se trouve en leur milieu qui est le cœur, pour les engendrer à la vie en Dieu, à la vie selon Dieu, et que nous avons la liberté de faire vivre ou de laisser mourir.

 

Un de ces petits est notre « corps », qui se retrouve nu si nous oublions qu’il est temple de l’Esprit Saint, ce corps qui a permis à Dieu de s’incarner et de naître parmi nous, tout comme il nous est  indispensable pour engendrer en nous l’Église. Il est une pierre vivante pour le Royaume de Dieu. Etre nu, c’est cultiver en nous des modèles psychiques, qui ne sont que des idoles caricaturales et vides sans la Présence réelle de Dieu, et qui comme pour Adam et Eve nous obligent à nous cacher devant la Face du Seigneur à cause des tourments qu’inflige à notre âme désorientée le vieil homme.

 

Un autre de ces petits est notre « âme » qui s’étiole si elle n’est pas vivifiée par la louange divine qui seule peut cultiver en nous le goût de la vie en Dieu, avec Dieu et pour Dieu, elle a vocation d’aimer et d’être aimée, car dit le Psalmiste : « qu’il est doux, qu’il est bon pour des frères et des sœurs de vivre ensemble ». Mais nous savons bien que la seule nourriture et la seule boisson qui puisse nous rassasier et nous désaltérer c’est le Corps et le Sang du Christ jusqu’au Jour Éternel où Dieu sera Tout en tous.

 

Un autre de ces petits est notre « esprit », qui est malade si nous laissons la vaine sagesse du monde et des modes spiritualistes nous envahir et en faire un infirme spirituel, aveugle et sourd, au lieu d’apprendre à contempler la Divine Trinité. Nous pouvons chacun et chacune trouver en nous ce qui nous mérite le reproche de dénuder, affamer, assoiffer, rendre malade et emprisonner le Christ et notre prochain.

La thérapie absolue ici, c’est l’accomplissement - avec l’aide de Dieu, de l’Église et des uns avec les autres de l’enseignement du Christ : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu… et ton prochain comme toi- même ».

 

Peut-être demanderez-vous, comment convertir en moi ce qui me persécute et m’empêche de bénir le Christ, et sauver avec Sa grâce ces petits qui m’implorent ? L’ascèse qui convient ici, c’est de mettre en œuvre les « Béatitudes », demander sans se décourager à Dieu la grâce de cultiver en nous la triade spirituelle donnée à l’humanité en Adam, c'est-à-dire, apprendre à vivre en roi, en prêtre et en prophète. Gouverner ma vie à l’image du Roi des rois, c'est-à-dire par l’humilité, ne pas asservir l’autre ni servir ma volonté propre mais servir la sainte Église du Christ et faire l’unique volonté du Père Céleste. Prêtre, pour nous bénir les uns les autres, intercéder les uns pour les autres, concélébrer les uns avec les autres, afin que notre vie devienne peu à peu une icône de la vie des Personnes Divines. Prophète, pour ne pas oublier que notre vie en ce monde devrait devenir une sainte Pâque, notre passage spirituel vers le Royaume de Dieu, pour nous annoncer sans nous lasser la Bonne Nouvelle de l’Évangile de Vie, pour refuser enfin de nous laisser aliéner par les pensées, les paroles et les actes psychiques infusées en nous par la voracité du monde.

 

Maintenant, si je prends pleinement conscience de ce que je suis en vérité dans le cœur du Père, alors je peux pressentir quelque chose de la sainteté de la Divine Liturgie et de l’Église, de la Sainteté de Dieu et de ma propre vocation à la sainteté, je pressens que je ne peux répondre à une telle réalité spirituelle que si je désire avec ardeur et ferveur, être non pas juste une individualité revendicatrice, mais une personne qui seule peut vivre une véritable communion avec Dieu et avec l’autre. Comment Dieu connaissant mes faiblesses psychiques et charnelles, veut-Il m’aider à devenir une telle personne spirituelle ? En me revêtant de  splendeur et de majesté, afin que je sois par grâce ce que Lui Dieu est par Nature, c'est-à-dire, en me faisant participant de Ses Energies divines. Où et comment ? Par la concélébration de la Divine Liturgie des Saints Mystères du Christ.

 

Pour que je puisse grandir comme notre saint Christ en grâce et en sagesse devant Dieu et parmi les hommes, dans l’Église et dans la vie quotidienne, Dieu vient personnellement, Lui, doux et humble de cœur, vers chacun et chacune d’entre nous, pour demander si je veux bien Lui accorder l’hospitalité intérieure. Et tout comme les rois mages étaient venus s’agenouiller devant l’Enfant Divin pour lui offrir l’or, l’encens et la myrrhe, voici que notre saint Christ, si j’ose dire, se met à genoux devant chacun et chacune d’entre nous, certes non pas pour nous adorer, mais pour déposer à nos pieds, les Dons du Saint-Esprit. Vous les connaissez : l’Amour, la Joie, la Paix, la Douceur, la Patience, la Maîtrise de soi, c'est-à-dire les saints et spirituels ornements sacerdotaux ou si vous préférez la robe nuptiale, pour pouvoir célébrer les saints Mystères de l’Église et du Royaume du Christ.

 

Mes amis, au Nom du Christ, pour l’Église et l’humanité qui gémit dans les douleurs de l’enfantement, bénissons-nous mutuellement et édifions ensemble notre sainte communauté pour la seule Gloire de Dieu et pour notre salut.

 

Que Dieu notre Père et Roi Éternel, nous bénisse par notre Christ l’unique et seul Prêtre et  par l’Esprit prophète qui nous annonce que l’Amour ne passera pas, à la Divine Trinité soit la Gloire aux siècles des siècles, amen.

 

+ Syméon

 

 

samedi 2 mars 2024

Le Fils Prodigue.

(Luc 15, 11 à 32)

Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, amen.

 


Aujourd’hui, l’Eglise nous emmène à la rencontre du fils prodigue dont l’histoire semble répéter celle d’Adam et d’Eve dans le Paradis, à savoir la relation avec le Père/père que ce soit dans le Paradis ou dans la Paroisse, car dans l’un comme dans l’autre le Malin est à l’œuvre pour nous faire miroiter dans son miroir brisé et assombri des lendemains qui chantent mais qui dans la réalité de notre quotidien deviennent très vite une cacophonie inaudible à nous rompre la tête.

 

Voici donc un fils qui réclame sa part de l’héritage paternel pour aller découvrir le vaste monde dont saint Jean nous dit « n’aimez pas le monde ni ce qui est dans le monde », ce monde  n’est pas celui de la Création originelle créé par Dieu dans l’amour vivifiant, mais de celui qui a été édifié sans Dieu et sans vision spirituelle par des générations d’hommes et de femmes qui ne cessent de le défigurer en se défigurant.

 

Tout comme Adam et Eve s’étaient précipités sans demander la bénédiction divine dans leur  impatience pour goûter à « l’arbre du bien et du mal », de même, le fils prodigue voulait sans attendre goûter et expérimenter les choses inconnues du vaste monde qui occupaient son esprit au point de devenir insensé et indifférent à la maison de son père et de tous ses biens. L’Ecriture nous dit qu’il demandait non un éventuel conseil avisé à son père mais uniquement l’héritage de l’argent dont il se jugeait l’héritier indiscutable et qui lui revenait donc de droit avec le libre arbitre d’en disposer selon sa volonté.

 

Le père ne discute pas et ne cherche pas à le dissuader de partir, car il sait qu’il est déjà trop tard pour faire entendre raison à son fils, le père sait aussi qu’une fois l’euphorie de cette fausse liberté passée la confrontation au réel sera probablement dans ce cas, le meilleur des remèdes pour comprendre que le chemin ne mènera nulle part sans une prise de conscience intérieure, sinon à la mort de l’âme et même du corps, n’est-ce pas l’expérience même du prodigue ?

 

Voici un autre fils, lui n’exige pas la part d’une fortune paternelle, non, il est déjà riche du projet qu’il porte et ce qui le motive c’est de recevoir la bénédiction de son père spirituel, et pour le reste il s’en occupera lui-même, il vient donc vers son père spirituel Hiéromoine qui vivait dans l’ascèse et la prière depuis des décennies, il lui demande : Père bénis, voici ce que je veux faire, il explique son projet, le père lui dit, « ne le fait pas mon fils », mais le fils fort mécontent répond : Père bénis, je t’explique à nouveau, car je vois que tu ne comprends pas mon projet, le père lui dit, « ne le fait pas mon fils », le fils agacé répond : Père bénis, je suis venu de loin pour avoir ta bénédiction, mais tu me comprends mal, et il exprime encore une fois sa volonté, le père lui dit « mon fils ne le fait pas », le fils en colère répond : Père, tu ne veux donc pas me comprendre, alors le père fait une métanie et lui dit « pardonnes-moi mon fils tu as raison, fais donc ce que tu veux ».

 

Nous voyons que l’homme a été tenté dans la Paradis céleste, que l’homme continue à être tenté dans les paradis artificiels de ce monde, mais le « fils prodigue » est un témoin que Dieu nous envoie pour montrer que le retour vers le salut par la conversion reste toujours possible, car l’orientation vers la vie est naturellement au cœur de l’être et palpite toujours telle une litanie silencieuse au plus profond de notre âme, « que celui qui a des oreilles pour entendre, entende » ce que l’Esprit lui inspire afin qu’il « vive ».

La vérité, la beauté et la bonté sont co naturelles à l’humanité créée à l’image et pour la ressemblance de Dieu et c’est bien cette réalité que le « fils prodigue a retrouvé en lui et qui lui a redonnée l’éveil de son esprit » pour se tourner résolument vers le désir de revenir à la maison de son père et de tous ceux qui l’habitent, cette maison sainte et sacrée n’est-elle pas pour nous l’humble et si belle Eglise orthodoxe. N’est-ce pas en elle, que le Père nous invite à venir ou à revenir par le Fils Unique et L’Esprit Saint pour nous revêtir de la lumineuse et splendide tunique de l’amour divino-humain pour manger ensembles non le veau gras, mais l’indicible grâce incarnée qui est le « Corps et le Sang du Seigneur » pour la vie éternelle ?

 

Comment pensons-nous que l’humanité puisse guérir de ses maladies qui l’affament et l’assoiffent et mettent sans cesse à mal sa vie et son être, si nous ne pouvons pas lui donner le remède souverain que propose l’Église et qui est la Fête des fêtes où l’homme est nourri par l’Amour de Dieu autour de la Table mystique où trône la Divine Trinité. Certes chacun d’entre nous peut connaître l’expérience du « prodigue » et dilapider plus ou moins par oubli de l’essentiel les « richesses reçues du Père par le saint Baptême », nous pouvons abandonner même notre Mère l’Eglise si l’esprit du monde déchu nous aveugle et nous oblige à le servir comme un esclave au service de ses ambitions illusoires. Alors, comme nous le recommande saint Paul « veillons et prions » pour ne pas succomber aux tentations mondaines et nous retrouver affamés, assoiffés et privés de la communion avec Dieu notre Père. Avançons dans l’esprit des Béatitudes au sein de l’Église tournés vers notre Père qui espère notre retour, car l’Eglise est la médiatrice précieuse entre toutes que la divine providence nous donne pour notre liberté spirituelle et personnelle.

 

L’Église est comme une icône du char nuptial sur lequel Dieu et l’homme s’élèvent et célèbrent leur rencontre pour n’être plus qu’un seul Esprit, qu’une seule Vie, qu’un seul Amour. N’est-ce pas sur la « patène spirituelle » élevée par le prêtre au cours de la Divine Liturgie que trône le Seigneur et autour de lui les « noms » de tous ceux et celles qui ont cru que Jésus est le Fils unique du Dieu vivant ? Cette élévation ne s’arrête pas au Mont-Thabor de la Transfiguration mais emmène l’humanité sauvée en Christ jusqu’à la droite du Père céleste. C’est ainsi que le Seigneur, le Christ qui monte et qui descend accomplit sa promesse et dit cette prière : « afin que tous soient Un, comme toi Père et Moi nous sommes Un », la nature de l’Église toute entière et son essence sont nuptiales et royales, sa vocation est la célébration spirituelle de l’union par amour entre Dieu et l’homme, elle appelle tous les « prodigues » à venir pour jouir et se réjouir des richesses divino-humaines que Dieu a « préparées pour ceux qui l’aiment ».

 

L’Église est le lieu et l’espace de l’âme orthodoxe, et Jésus nous y invite à le suivre pour renouer le dialogue avec le Père Céleste en acceptant de passer par la Croix, par la Pâques du Seigneur dans la « foi, l’espérance et le vrai repentir du cœur ». Qui croyons-nous donc être devant l’absolue sainteté divine, quelqu’un parmi nous au sein de l’humanité, serait-il le créateur du Créateur, le créateur du monde ou de lui-même ? ô folie de l’humanité désorientée, ô souffrance et fruit stérile de la vanité humaine, ô combien pathétique est l’humanité sans Dieu, et nous alors, qui chantons « hosannah au Fils de David, hosannah au plus haut des cieux », quels désirs poursuivons-nous, avec quelles pensées sur Dieu, sur l’Église et sur nous-mêmes vivons-nous ? Que L’Esprit nous guide tout « prodigues » que nous sommes vers notre origine qui est la Maison du Père à travers l’Eglise qui est le chemin le plus sûr pour accéder au Royaume de Dieu.

 

Au Père qui espère notre retour, au Fils qui est le Chemin pour ce retour et à l’Esprit qui nous guide, soit la gloire, maintenant dans les siècles des siècles, amen.

 

+ Syméon

 

 

 

 

dimanche 18 février 2024

Zachée le Publicain

 

(LUC 19, 1 à 10)

Au Nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, amen.



Aujourd’hui, L’Eglise nous invite à accompagner le Seigneur chez Zachée le Publicain, homme méprisé par le pouvoir religieux en place, afin de se mettre à table avec lui et partager un repas matériel et spirituel. L’Ecriture nous dit : « Jésus entrait dans Jéricho et traversait la ville. Et voici, un homme du nom de Zachée cherchait à voir Jésus, mais il ne le pouvait pas parce que la foule était là et qu’il était petit de taille ». Que signifie cela ?

 

La ville peut être vue ici comme une métaphore de l’homme lui-même, car Jésus qui est Dieu se promène volontiers avec nous, au cœur de notre être et de notre vie, la Genèse nous rappelle que « Dieu se promenait le soir dans le Paradis et conversait avec notre ancêtre, Adam ». Ailleurs, le Psalmiste nous dit : « Jérusalem, bâtie comme une ville harmonieuse, où tout forme un grand corps », d’autres textes existent qui montrent la « ville » comme une métaphore de l’homme. Mais pour que Jésus s’arrête et nous parle, nous devons avoir le désir de le voir et de le rencontrer, avant de pouvoir comme Zachée, nous attabler avec lui et recevoir un enseignement spirituel vivant et vivifiant.

 

Que fait Zachée pour voir Jésus ? Il s’élève au-dessus de lui-même et s’extirpe des limites que lui imposent et la ville et sa taille, et nous alors, quel moyen avons-nous pour nous élever au-dessus de nous-mêmes à la rencontre de Jésus ? Un sycomore ? Non, mais l’arbre de vie qui est la Croix du Seigneur, la Croix qui nous élève de la terre au ciel, et où est plantée cette Croix ? Dans l’Eglise et dans notre cœur, oui, l’Eglise est notre sycomore spirituel sur lequel l’Esprit Saint nous greffe et fait de nous, une vigne sainte et sacrée pour le Seigneur.

 

Les véritables rencontres ne se font pas dans l’agitation extérieure, au milieu de la foule imprévisible et bruyante, mais à l’intérieur des cœurs et des maisons, dans le calme et dans un esprit de méditation et de prière. Aussi étrange que cela puisse paraître à des regards superficiels, la maison de Zachée le Publicain prophétise l’Eglise, car la grande rencontre entre Dieu et l’homme, se réalise dans l’Eglise et autour du Banquet spirituel et religieux préparé par le prêtre sur l’Autel saint et sacré.

 

Nous ne pouvons absolument pas accueillir la connaissance divine, si nous ne décidons pas une fois pour toutes, de mettre à la base de notre existence, notre désir réel de la communion et de la recherche de Dieu en nous et autour de nous. L’Eglise orthodoxe, possède la plénitude de l’expérience religieuse qui peut nous apprendre comment mettre en œuvre, la rencontre personnelle et ecclésiale en théorie et en pratique avec Jésus, notre très Saint Dieu.

 

Connaissez-vous un autre lieu saint et béni, en-dehors de l’Eglise, dans lequel la célébration liturgique s’enracine dans la profondeur de la sagesse divine, dans la noble hauteur du monde céleste des saints et des anges, dans la largesse inépuisable qui englobe l’humanité dans l’amour divin, là où tout homme et toute femme de bonne volonté peut devenir un seul esprit avec Dieu.

 

Cette foule qui entourait Zachée comme une nuée, symbolise l’ensemble des pensées, paroles et actes qui constituaient le quotidien de Zachée. Ne sommes-nous pas comme Zachée envahit par une foule de pensées, de paroles ou d’actes ? Ne sommes-nous pas de petite taille comme Zachée, dans notre vie spirituelle encore balbutiante pour prétendre voir le Seigneur « en esprit et en vérité »,  mais comme Zachée nous avons reçu la grâce d’appel pour aller à la rencontre de ce Jésus dont nous avons entendu parler. Ce même Jésus, Rabbi prophétique et charismatique, qui ressuscite les morts, fait voir les aveugles, entendre les sourds, guérit les maladies incurables, qui parmi nous ne désire le rencontrer ? Cette attitude sage de Zachée, correspond à cette autre parole du Seigneur « venez et voyez », adressée à ceux qui indécis, ne savent pas comment se déterminer face à Jésus.

 

Zachée trouve une astuce pour pallier à sa petite taille, car dit L’Ecriture : « Zachée courut en avant et monta sur un Sycomore pour voir Jésus qui devait passer par là », la traduction du Sycomore est « figuier » et vous n’ignorez pas que Jésus cite cet arbre à plusieurs reprises, par exemple, il met en relation directe et profonde le « figuier qui bourgeonne » avec la venue du « Royaume de Dieu ». Zachée ne monte t-il pas sur un figuier pour voir ce Jésus que nous les chrétiens confessons comme Dieu ?

 

Lorsque Jésus rencontre Nathanaël, celui-ci est debout sous un figuier et Jésus dit de lui voici un « vrai Israélite en qui il n’y a aucune tromperie ». Zachée redescend du « Figuier » et appelle Jésus : « Seigneur », Nathanaël sous le figuier dit à Jésus : « Rabbi tu es le Fils de Dieu, tu es le Roi d’Israël », mystère paradoxal auprès du figuier autour duquel se révèle la parole divine dans le cœur des hommes. Dans la Bible, les Sycomores sont situés dans les Bas-Pays, il y a là toute une symbolique religieuse dont la méditation approfondie à laquelle je vous encourage, serait fructueuse, pour pénétrer la pensée biblique et illuminer de sagesse l’humanité.

 

En réponse à Zachée, l’Ecriture dit : « arrivé en cet endroit, Jésus leva les yeux et dit : Zachée, descend vite, car il me faut aujourd’hui demeurer chez toi, et aussitôt Zachée descendit et reçut Jésus avec joie, ce que voyant, tous murmuraient et disaient : il est descendu chez un pécheur ». Ce même Jésus nous dit aussi à chacun, bien que nous soyons pécheurs, descend de l’arbre que tu t’es façonné pour me chercher, car aujourd’hui, Je veux demeurer en toi, comment ? Par ta communion sainte et sacrée à mon Corps et à mon Sang pour la vie éternelle.

 

Pourquoi Jésus demande t-il à Zachée de descendre de l’arbre ? Parce que nous ne pouvons pas connaître le Seigneur si nous restons bloqués en haut de l’arbre ou dans notre tête, c’est à dire, si notre approche de Dieu reste purement rationnelle ou intellectuelle. Beaucoup de Traditions religieuses représentent l’homme comme un arbre avec ses racines, son tronc corps et sa cime-tête, là aussi le symbolisme est réaliste et profond. Il est donc nécessaire de descendre sur terre, c’est à dire dans notre corps et dans l’humaine réalité, pour y semer la parole de Dieu et porter des fruits spirituels.

 

Pourquoi Jésus demande t-il à Zachée de descendre vite ? Pour souligner combien Dieu aime Zachée et combien Dieu est comme empressé de parler avec Zachée face à face, ce qui nous renvoie au Paradis là où Dieu « à la brise du soir, parlait à Adam, face à face », Dieu aime l’homme, ne s’est-IL pas incarné pour retrouver, enseigner, restaurer et sauver l’humanité ?

 

Zachée nous montre quelle est l’attitude spirituelle qui convient parfaitement à cette rencontre avec le Seigneur Jésus, c’est le « recevoir chez nous et en nous avec joie », cette joie dont le Christ nous dit que « nul ne pourra nous la ravir ». La joie de Dieu est l’absolu contraire du rire bruyant et saccadé qui secoue les hommes enivrés d’eux-mêmes. La seule chose qui puisse et qui doive attrister l’homme, c’est son péché, car le péché met une séparation entre l’homme et Dieu, entre l’homme et l’Eglise, entre l’homme et l’homme.

 

 

 

L’Ecriture souligne que « dans cette foule, tous murmuraient et disaient : il est descendu chez un pécheur », mais dites-moi, qui donc était sans péché à la venue du Christ, serait-ce cette foule qui juge et critique Jésus le saint Prophète ? Une foule fermée sur elle-même et qui ne juge que sur la seule apparence des êtres et des choses, peut-elle discerner, que devant elle se tient le Messie d’Israël, le Saint de Dieu annoncé par tous les prophètes ?

 

Dans cette foule, dans toute foule, chacun doit d’abord apprendre à se distinguer comme un individu avec sa propre histoire unique héritée de manière singulière depuis Adam à travers ses ascendants, et ensuite acquérir peu à peu la qualité de « personne » qui est le signe de la réalisation spirituelle. La personne, au sens de la théologie des saints Pères, ne peut naître que de Dieu et avec Dieu dans un contexte religieux et spirituel spécifique, et qui est pour nous orthodoxes, la sainte Eglise.

 

Et Jésus dit à Zachée : « aujourd’hui le salut est arrivé pour ta maison, parce que toi aussi, tu es un fils d’Abraham », non pas un fils d’Israël, mais d’Abraham qui est le Père des croyants, de tous les croyants, et qui existait avant le judaïsme d’Israël. Le salut de Dieu ne peut pas arriver dans un homme, une maison, dans l’Eglise, si personne n’est là pour y croire, l’espérer, le demander. Existe-t-il un désir supérieur à celui de devenir par grâce ce que Dieu est par nature ? Devenir dieu par grâce et offrir la louange orthodoxe à la Divine Trinité.

 

Etre déifié, car c’est cela être sauvé et recevoir la vie éternelle à venir dans le Royaume de Dieu, être présent au sein de la Cour céleste, avec la Mère de Dieu, les Saints et les saints Anges. Cette vérité est inscrite dans l’humanité dès la création de l’homme, et si Dieu l’a enracinée dans notre être, c’est qu’il est possible d’y accéder. Le Tentateur nous susurre que croire cela, c’est être orgueilleux et que de toute façon, c’est impossible aux pécheurs que nous sommes. N’écoutons que les promesses du Seigneur, car il est fidèle absolument, quelques soient nos chutes et nos résistances, persévérons dans la sainte espérance en Dieu.

 

L’Evangile termine sur cette parole de Jésus disant : « car le Fils de l’Homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu », qui peut oser dire une telle parole, si ce n’est Jésus qui est le Dieu tout-puissant, car si Abraham est antérieur à Israël, Jésus le Verbe est à l’origine et antérieur à Abraham et à toute création. Le Seigneur insiste bien et dit : « qu’IL est venu sauver ce qui était perdu », cela signifie clairement qu’aucun salut ne peut venir de l’humanité elle-même. L’homme doit exprimer son désir d’être sauvé, et c’est par sa présence aimante, active et régulière dans les célébrations liturgiques de l’Eglise et dans son existence orthodoxe au cœur du monde, qu’il peut témoigner de son désir « d’être comme le Seigneur ».

 

Que Dieu nous donne par la grâce de l’Arbre de la Croix, de nous unir à Lui afin de traverser le monde de la survie et des ténèbres en suivant le chemin de la vie et de la lumière orthodoxes répandues à profusion dans notre très sainte Eglise, pour illuminer et nourrir de bénédictions toute l’humanité. Peut-être quelqu’un demandera, et comment puis-je m’unir au Seigneur ? Par la voie royale bénie par l’Eglise, c’est-à-dire, la prière liturgique et personnelle, saint Paul ne nous demande-t-il pas de « prier sans cesse », car sans prière nous guette pour nous perdre, le royaume des illusionnistes et des sables mouvants sur lesquels aucune vie spirituelle ne peut se réaliser.

 

Au Père de Jésus et à notre Père, au Fils de l’Homme qui est aussi le Fils Unique du Père Céleste, à L’Esprit Saint qui procède du Père, soit la gloire dans les siècles des siècles, amen.

 

+ Syméon

dimanche 4 février 2024

L’aveugle de Jéricho

                                                                   (Luc : 18, 35 à 45).

Au Nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, amen.

 

 

Aujourd’hui, l’Eglise nous rends témoins du passage qui va des ténèbres vers la lumière, et ce miracle s’accomplit pour un homme aveugle assis au bord du chemin et qui mendiait. L’Eglise est une icône de ce chemin sur lequel se trouve la foule des croyants, parmi lesquels sont assis des aveugles, des sourds, et d’autres encore, la Divine Liturgie est-elle autre chose que de crier comme l’aveugle : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ». Le Seigneur emprunte ce chemin qu’est l’Eglise, à chaque fois qu’IL vient se donner comme Médecine divine à chacun d’entre nous par Son Corps et Son Sang.

 

L’Eglise est donc ce chemin par lequel peuvent aller vers le Christ, ceux qui cherchent la guérison spirituelle, il nous faut donc déblayer en nous et autour de nous, ce qui pourrait faire obstacle à notre salut et refuser d’écouter la foule qui nous ordonne de nous taire. Ainsi l’Evangile de ce jour, nous dévoile l’espérance que partage ensemble, le Seigneur Jésus et cet homme aveugle, de quoi s’agit-il ? Eh bien, en vérité, l’espérance de Jésus est que quelqu’un sur le chemin l’interpelle et lui demande d’exaucer sa prière, par exemple la vue pour cet aveugle, et moi, que voudrais-je donc demander à Dieu ? L’espérance de l’aveugle, est que quelqu’un entende son cri de solitude et de souffrance, et ce quelqu’un pour lui aujourd’hui, c’est le Seigneur qui passe et qui s ‘arrête à sa hauteur, car en vérité, Dieu seul peut accomplir le miracle de lui rendre la vue physique et la vision spirituelle. L’aveugle est donc pour nous comme un guide, ne sommes-nous pas plus ou moins aveugle et même sourd, pour ne pas se laisser réduire au silence par cette foule extérieure agitée, l’aveugle a commencé par pacifier ses foules intérieures que sont les pensées, en faisant cela tout au long de son existence, il a reçu ces oreilles dont le Seigneur dit « que celui qui a des oreilles pour entendre, entende ». Il a fini par entendre en lui, la voix du Seigneur qui lui a fait cette promesse « Je viens pour te guérir », n’est-ce pas ce qui en vérité lui est arrivé !

 

Cet homme aveugle, comme toute personne souffrante, désirait la guérison, il la voulait de toute son âme, c’est pourquoi cette foule menaçante ne pouvait l’obliger à se taire. Devant une telle foi intérieure, L’Esprit Saint lui-même a mis dans son cœur et sur ses lèvres, les paroles qu’il a crié vers le Prophète Jésus qui passait par là. Dieu seul, peut donner la « vie, le mouvement et l’être », alors si nous voulons nous aussi guérir, que devons-nous accomplir ? C’est simple, prions et demandons à Dieu de nous accorder la grâce de laisser agir en nous la sagesse de l’Eglise, des Prières et de la Divine Liturgie, la célébration liturgique est l’alpha et l’oméga qui engendre l’être orthodoxe, avec la même espérance que l’aveugle de « voir et d’entendre Dieu ».

 

Comment ? En apprenant avec la grâce de l’Esprit Saint, à « être un et uni » avec la célébration liturgique, sans nous inquiéter de la multitude des pensées qui nous parasite au-dedans et au-dehors. L’aveugle est là  depuis de nombreuses années à espérer justement qu’un miracle soit possible pour lui aussi. Pourquoi a t-il cette espérance en lui déjà comme une lumière ? Parce que l’espérance de la guérison spirituelle est connaturelle à l’être humain, Dieu habite et vit au cœur de l’homme, c’est pourquoi, il est toujours possible à tout homme et à toute femme de bonne volonté, de dialoguer avec Dieu, comme le faisaient Adam et Eve dans le Jardin d’Eden. L’aveugle connaissait Jésus, il en avait entendu parler, Il espérait et croyait comme tout Juif pieux de son époque, à la venue du saint Messie annoncé par les Prophètes, ce Messie qui devait s’incarner pour délivrer Israël et sauver l’humanité perdue. Ce Jésus dont la réputation était venue à ses oreilles et qui aujourd’hui s’arrête auprès de lui, son cœur brûlant lui murmure alors, c’est lui le Messie. C’est lui, ce Rabbi charismatique qui fait des miracles, alors l’aveugle s’est dit en lui-même du fond de son cœur, que lui aussi, pourrait bénéficier aujourd’hui de la grâce que ce prophète thaumaturge sème avec une divine générosité en Israël.

 

Que signifie, l’aveugle mendiait ? Cela signifie ici « bienheureux les affamés et assoiffés de justice, car ils seront rassasiés ». Celui qui mendie manque souvent de tout, survit avec à peine le nécessaire, mais lui, ce n’est pas de nourriture ou de boisson qu’il était en manque, non, il voulait que justice lui soit rendue afin de « voir », être clairvoyant pour contempler la vie et l’existence dans toute sa plénitude. Jésus est cette plénitude divino-humaine incarnée parmi nous, Jésus est le véritable et l’unique bien-aimé, que l’âme religieuse désire et espère. Ainsi cet aveugle, est une icône du mendiant authentique qui est celui des saintes Béatitudes et en particulier de celle qui promet : « bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu ». Il était aveugle selon le corps et dans une pensée faussée par les bruits stériles du monde, et le voilà devant nous « voyant » selon la lumière divine.

 

Le Christ n’est-il pas Dieu, cet aveugle a donc bien vu Dieu face à face en Jésus, il se voit maintenant lui-même, l’humanité et la création avec la sagesse et la beauté du regard divin. Mais nous le savons, il existe des cécités bien plus douloureuses que la cécité physique, et dont la guérison plénière ne peut commencer que par une véritable conversion intérieure, un retournement spirituel dont les étapes « me » sont transmises par la grâce et la sagesse de l’Eglise, afin de discerner ce qui « me » rend aveugle et donc m’empêche de voir Jésus face à face.

 

L’Ecriture dit : « entendant marcher la foule, l’aveugle demanda ce que cela signifiait. On lui annonça que c’était Jésus de Nazareth qui passait par là. Alors il s’écria : Jésus, fils de David, aie pitié de moi ». Que signifie, entendant marcher la foule ? Cela signifie que lui l’aveugle, a entendu qu’au cœur de cette marche était une présence singulière, son cœur devenait brûlant, quelque chose d’inouïe et d’essentiel se passait à côté de lui et ne concernait que lui, car en vérité, le Seigneur amour est passé là pour rendre la vue à cet homme seul et aveugle, oui, le Dieu-Homme très saint avait rendez-vous avec sa créature souffrante.

 

L’Evangile poursuit : « ceux qui marchaient en tête le menaçaient pour qu’il fasse silence, mais il criait d’autant plus fort : Fils de David, aie pitié de moi » ! Que signifie il criait d’autant plus fort ? Cela signifie que l’Esprit Saint est venu vivifier sa prière, et que celle-ci après avoir rempli son cœur, déborde sur ses lèvres et s’élève de toute sa force intérieure vers le Sauveur. Cet aveugle s’enracine et expérimente cette réalité de l’esprit des Béatitudes : « bienheureux serez-vous, lorsqu’on vous persécutera, qu’on vous maltraitera… ». L’aveugle ne se laisse pas impressionner, il a perdu la vue et le voilà prêt à perdre la vie devant cette marée humaine qui telle une vague menace de l’engloutir. Car dans son cœur sa prière s’élève vers Jésus et le tourne tout entier vers « Celui » dont il sait maintenant avec certitude qu’il peut lui rendre la vue. De même, ne nous laissons pas éconduire et diriger vers les chemins de la perdition, que les foules voraces qui nous habitent voudraient nous imposer, cette multitude de pensées, paroles et actes qui sous les ordres du vieil homme inculte veulent nous empêcher de crier vers le Seigneur Jésus : « Fils de David, aie pitié de moi ».

 

Alors dit l’Ecriture : Jésus s’arrêta et ordonna de le conduire vers lui. Quand il fût près de lui, il lui demanda : que veux-tu que Je fasse pour toi » ? O l’immense humilité du Dieu-Homme, l’amour infini du Dieu vivant et compatissant envers sa créature, Lui, l’un de la Sainte Trinité, se met au service de l’aveugle et lui demande quelle est ta volonté, que désires-tu et moi que tu appelles « Seigneur », je t’obéirais et je t’exaucerais ! Bénissons et prions, rendons gloire à Dieu, qui nous fait le don de la vision intérieure, notre être entier ne s’ouvre t-il pas devant Jésus doux et humble de cœur ? Là où est l’humilité, là où est notre prière, là où réside notre espérance, là est aussi la route sur laquelle Jésus vient à notre rencontre. Là où est notre sainte et véritable hospitalité religieuse et fraternelle les uns envers les autres, là est possible le miracle de toute guérison spirituelle. Cherchons avec foi à cultiver notre désir de contemplation comme  cet homme aveugle pour nous réunir en esprit et en vérité dans les églises et les monastères, ayons de la compassion comme Jésus, envers l’homme et l’humanité souffrante, ne jugeons rien ni personne, alors Dieu s’arrêtera auprès de nous aussi pour « me » demander : « que veux-tu que Je fasse pour toi ? »

 

L’aveugle répondit : « Seigneur, fais que je recouvre la vue ! Jésus lui dit : que la vue te soit rendue ! Ta foi t’a sauvé ! ». Que signifie : « que la vue te soit rendue » ? Où donc, l’homme a t-il perdu la vue, où a t-il perdu la grâce de voir Dieu ? N’est ce pas dans le Jardin Céleste avec la chute adamique? Dieu dira à Moïse : « cache toi derrière ce rocher, Je passerais et tu me verras de dos, car nul ne peut voir Dieu et vivre » ! O la miséricorde insondable de notre Père Céleste, ne voyons-nous pas que cette vue perdue dans l’Eden nous est redonnée aujourd’hui comme à cet aveugle dans l’Eglise, il voit, nous voyons Dieu en Jésus non de dos comme Moïse, mais « Face à face ».

 

L’expérience de la cécité a tourné vers l’essentiel cet homme aveugle, il a supporté sa condition si difficile, et son cœur s’est tourné progressivement vers l’unique nécessaire, et c’est celui qu’il appelle « Seigneur », là au milieu de nous, qui va lui faire don de la plus désirable des Béatitudes, en lui rendant la vue, le Seigneur lui donne de le voir et de le reconnaître comme Dieu. Il n’est plus dans le regard extérieur sur les êtres et les choses, il est dans la lumière divine, dans le véritable discernement spirituel, c’est à dire que cet homme sait qui il est et il sait aussi qui il suit : Jésus son Seigneur.

 

C’est pourquoi, il est écrit : « à l’instant même il recouvra la vue, et il suivit Jésus en rendant gloire à Dieu ; et tout le peuple, voyant cela, célébra les louanges de Dieu ». Suivre Dieu, rendre gloire et louange à Dieu est le signe manifeste que l’être est devenu une personne spirituelle et l’expression  de cet homme renouvelé est la célébration sainte et lumineuse de la Divine Liturgie. Alors peut s’ouvrir pour lui le « chemin de la sainteté personnelle », et comme nous l’avons dit dans une autre homélie: « que de joie dans le ciel parmi les anges pour une seule âme sauvée », mais plus encore « que de joie au sein de la Divine Trinité pour un seul homme qui devient : un saint ».

 

Au Père qui a compassion de notre aveuglement, au Fils qui est venu pour nous rendre la vue, à l’Esprit Saint qui nous donne la vision spirituelle, soit la gloire dans les siècles des siècles, amen.  

 

+ Syméon