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samedi 19 août 2023

La Transfiguration

 

(Mat. 17, 1 à 13)

Au Nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, amen.

 

  

Aujourd’hui, la sainte montagne du Thabor, c’est à dire, notre sainte Eglise orthodoxe nous donne de contempler prophétiquement la gloire divine et notre propre gloire sur la Montagne spirituelle à venir qui est le Royaume de Dieu. L’Eglise témoigne de la vie divino-humaine, selon cette parole du Notre Père « sur la terre comme au ciel », et non le contraire. Moïse et Élie partagent avec le Seigneur la lumière de la Transfiguration, c’est pourquoi, ils peuvent s’entretenir en toute sérénité avec lui, sans peur d’être plus ou moins renversé, comme le sont Pierre, Jacques et Jean, renversé signifie ici « être retourné de l’intérieur ». Ailleurs, le Seigneur dit que « Jean est le plus grand des hommes né d’une femme, mais le plus petit dans le Royaume de Dieu est plus grand que lui ». Le Royaume est l’Eglise des « saints transfigurés », en route vers leur « déification » là où Dieu lui-même leur donnera un « nom nouveau personnel », sceau royal de leur vocation pour l’éternité.

 

Cette expérience mystique -la transfiguration- est le fruit promis ailleurs par le Christ, lorsqu’il affirme six jours avant : « En vérité, je vous le dis, il en est ici présents, qui ne goûterons pas la mort, avant d’avoir vu le Fils de l’Homme venant avec son Royaume ». Qui sont ceux qui sont ici « présents et qui ne goûteront pas la mort » ? Ce sont ceux qui sont présents aux Divines Liturgies et qui ont foi en la promesse du Seigneur. Le Seigneur ne dit pas « avant d’avoir vu le Fils de Dieu venant avec son Royaume, mais le Fils de l’Homme ». Le Royaume de Dieu appartient depuis toujours et pour toujours au Fils de Dieu, le Fils est lui-même le « Corps spirituel » de ce Royaume, tout comme il est le  « Corps spirituel » de l’Eglise. Pourquoi Dieu, voudrait-il ce qu’Il possède déjà ? Le Royaume est donc proposé au fils de l’homme, c’est à dire, à tout homme et à toute femme de bonne volonté qui par la grâce de la vie orthodoxe devient  «fils et fille de Dieu, cohéritiers avec le Seigneur ».

 

Voici que le Seigneur emmène avec lui sur la Montagne Pierre, Jacques et Jean, pourquoi ? Pour leur montrer ce à quoi l’humanité est invitée à participer, à savoir la transfiguration de la personne. La Montagne est aussi une métaphore de l’homme lui-même, l’homme n’est-il pas crée à l’image et à la ressemblance de Dieu et n’est-ce pas sur les montagnes, c’est à dire en esprit et en vérité que Dieu révèle sa Présence ? Mais si l’homme reste pétrifie au pied de la montagne, comment accèdera-t-il à la révélation des mystères divins ? N’est-il pas écrit en Exode 3, 12 « vous servirez Dieu sur cette montagne », il lui faut donc s’élever avec la grâce divine vers le Seigneur et écouter comme Moïse et Elie les paroles de la vie éternelle ! C’est bien pour tout homme et toute femme que le Seigneur veut dévoiler la sainte splendeur de la lumière incréé qui l’habite, mais pour acquérir ce don divin de communion, de vie et de lumière, l’homme est lui aussi invité à se dévoiler, comment ? En obéissant librement à la demande de la voix du Père Céleste qui se laisse entendre à travers la nuée liturgique pour témoigner depuis l’éternité « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur, écoutez-le ».

 

N’est-il pas écrit « bienheureux les pauvres en esprit, car le Royaume des Cieux est à eux », que ferons-nous alors pour devenir de tels pauvres et hériter du Royaume ? Le Seigneur dit « demandez et vous recevrez », nous pouvons donc prier Dieu de nous donner par sa grâce « l’unique nécessaire » dont il parle à Marthe et Marie, c’est à dire, « l’Esprit Saint ». Non pas pour dresser trois tentes, pour le Seigneur, Moïse et Élie, mais pour construire notre sainte, humble et très aimée montagne de Dieu… l’Eglise, dont nous sommes par vocation les pierres vivantes. Mais pour engendrer l’Eglise selon Dieu et avec Dieu, nous devons devenir, peu à peu, des christs par la grâce divine, car nous rappelle saint Irénée de Lyon « la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant » et cette gloire commence justement avec « la transfiguration de l’homme » que l’Eglise divino-humaine célèbre aujourd’hui.

 

Mais quelle est donc en vérité, la Montagne sur laquelle nous pouvons nous élever en toute confiance ? Cette montagne thaborique sainte, spirituelle et sacrée, n’est–ce pas notre sainte Eglise orthodoxe ? Existe t-il en ce monde, un lieu autre que l’Eglise dans laquelle vit avec nous la cour céleste, dans laquelle la voix du Père nous parle à travers son Fils Unique et l’Esprit-Saint à chaque célébration de la Divine Liturgie. L’Eglise nous rends témoins contemporains de toute la vie incarnée du Christ Messie, elle révèle et dévoile les œuvres spirituelles et religieuses qui sont offertes pour le salut de l’humanité.

 

Saint Paul, nous enseigne que Dieu nous a donné « la vie, le mouvement et l’être », et le mouvement spirituel indispensable pour unir la vie avec l’être, c’est ce qui nous réunit ici aujourd’hui, la « célébration liturgique ». La Divine Liturgie ne met-elle pas en œuvre, là devant nous, avec nous et pour nous, le saint et vrai « mouvement vivifiant » qui unit l’homme à Dieu, l’homme à l’homme, l’homme avec la création ?

 

Le Seigneur dit encore « le temps vient, et il est déjà là, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité », ce qui signifie non sur telle ou telle montagne, mais là où est Dieu, c’est à dire d’abord en nous. Où en nous ? Ne sommes-nous pas tout entier « temple de l’Esprit Saint » ? Créés à son Image qui nous habite, notre ressemblance à cette image, sera fidèle autant que  notre personne deviendra orthodoxe. Avec Marie, l’humble servante du Seigneur « méditons toutes ces choses dans notre cœur », ressentons dans le silence intérieur, la parole prophétique de l’Apôtre Paul « Il est grand le mystère du Christ et de l’Eglise ».

 

Voici donc devant nous, avec nous et en nous, L’Eglise enceinte de toutes les saintes grâces, bénédictions et dons divins déposés en elle par l’Amour de Dieu pour l’humanité. Ne serait-ce pas folie que de croire qu’il est possible de trouver en-dehors de l’Eglise, ce qu’elle est depuis toujours et pour toujours. L’Eglise est la chambre haute qu’illumine la sagesse de Dieu, la source d’où coule l’eau vive sur les croyants, le royaume d’amour dans lequel le Père serre dans ses bras que sont le Verbe et l’Esprit, l’humanité errante dans le désert aride de ce monde.

 

Il est grand le mystère du Christ et de l’Eglise, et saint Matthieu nous dit « à vous, il est donné de connaître les mystères du Royaume de Dieu, tandis qu’à ces gens là, cela n’a pas été donné », qui sont ces « gens-là » ce sont ceux qui restent en-dehors de l’Eglise, bien qu’ils soient eux aussi les « appelés » du Père. Existe t’il un malheur plus grand, pour un Chrétien orthodoxe, d’être dans l’Eglise et de ne pas recevoir l’intelligence des mystères du Royaume de Dieu ? Toute la sainte révélation divine est déposée dans l’Eglise-Royaume, et sa connaissance est accessible par la participation à la vie liturgique, il nous faut donc « être présent et veiller sur nous-mêmes et sur l’autre avec humilité et bienveillance » et cela au Nom du Père, du Fils et du Saint Esprit.

 

Le Seigneur est là « humble et doux, lui, le plus beau des fils de l’homme avec la grâce répandue sur ses lèvres », IL est là devant nos yeux, le voyons-nous, dans nos oreilles, l’entendons-nous, dans nos mains, le touchons-nous, dans notre bouche, le goûtons-nous, dans l’odorat, le sentons-nous ? Pourtant, par grâce et en vérité, nous communions à son « saint Corps et à son saint Sang », nous « tout entier à Lui tout entier », une telle grâce nous fait expérimenter ce que Pierre, Jacques et Jean ont ressenti devant la Transfiguration du Seigneur, frémissement et mystère indicible de l’Amour de Dieu pour l’homme.

 

Voir Jésus seul dans les saints Dons qui sont élevés, entendre Jésus seul dans l’écoute attentive du saint Evangile, goûter Jésus seul dans la communion, sentir et toucher Jésus seul dans la vie liturgique. Apprendre à veiller avec bienveillance et simplicité sur l’enfant spirituel en nous, afin que par la grâce de Dieu, il puisse  « grandir en taille, en sagesse, en grâce et en beauté, devant  Dieu » dans l’Eglise et parmi les hommes.

 

La Divine Liturgie est le Sinaï spirituel où, dans le Saint des saints, notre Grand Prêtre, le Christ préside avec nous et pour nous, l’union du ciel et de la terre, des vivants et des morts, des saints et des pécheurs, « notre cœur ne devient-il pas tout brûlant devant la compassion divine » !

 

L’Evangile poursuit « comme il parlait encore, voici qu’une nuée lumineuse les prit sous son ombre, et une voix disait : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur, écoutez-le ». Que peut signifier tout cela pour nous ? Il est écrit à la fin de l’Evangile « Ils ne virent plus personne que lui, Jésus seul », voilà le sens et ce à quoi doit aboutir par grâce dans l’Eglise et dans le monde notre vie orthodoxe, « ne voir que Jésus seul » par la foi et les œuvres évangéliques.

 

Il est illusoire de croire qu’il existe un lieu privilégié quelque part pour la contemplation de  « Jésus seul » ou plutôt, ce lieu saint et sacré existe, c’est l’homme lui-même. Dieu se révèle à l’homme et dans l’homme qui devient alors le « lieu d’une théophanie » toujours unique, la « personne humaine seule » unit à la « Personne divine seule ». N’est-ce pas ce que nous vivons dans l’Eglise par la Communion, le Seigneur ne se donne-t-il pas « tout entier et tout seul à moi tout entier et à moi tout  seul » !

 

« Seul avec le Seul », selon notre condition réelle, dans la solitude ou au milieu du monde, telle est la voie évangélique que propose notre sainte Eglise orthodoxe, la bonne nouvelle est que notre Dieu se laisse trouver partout par celui ou celle « qui le cherche ». La question est, comment le chercher ou mieux, comment se laisser trouver par Lui ? Se laisser trouver, signifie ici « renoncer à « ma » volonté » devant Dieu. N’est-il pas écrit « que celui qui veut me suivre, renonce à lui-même et prenne sa croix » ?  Renoncer à soi-même rapproche de Dieu, avoir et faire notre volonté, nous éloigne non seulement de Dieu mais aussi de nous-mêmes, ce qui signifie que jamais, je ne saurais qui je suis.

 

Pour recevoir une telle grâce, être « seul avec Jésus seul », l’Eglise nous invite à nous approcher de Lui avec « crainte de Dieu, foi et amour » et de notre prochain surtout par « l’amour », selon la parole du Seigneur « aimez-vous comme je vous ai aimé ».  Cette ascèse, nous demandera de traverser « la nuée lumineuse et d’entendre la voix du Père et pour cela, nous devons apprendre à écouter ». Ecouter qui ? Jésus n’est-il pas le Verbe du Père, ne parle t-il pas depuis des siècles dans L’Eglise, en nous et dans le monde ? Cette nuée lumineuse qui nous recouvre, contient tous les mystères spirituels déposés dans l’Eglise, qui se révèlent à travers l’œuvre liturgique et les saints sacrements, elle est une métaphore de la révélation divine.

 

La crainte ici signifie « adorer », la crainte vécue dans la justesse spirituelle engendre l’adoration de Dieu et peut donc commencer à nous rendre sage par l’Esprit Saint, la foi signifie ici « la certitude intérieure d’être écouté par notre Père Céleste » et l’amour signifie ici  « s’émerveiller de pouvoir devenir par grâce ce que Dieu est par nature », car l’amour divin seul se donne tout entier à l’homme tout entier.

 

Ainsi cette montagne symbolise l’homme et la femme dans leur cheminement depuis leurs pieds encore enlisés plus ou moins dans leur histoire individuelle au pied de la montagne, pèlerinage jusqu’à la cime de l’accomplissement d’eux-mêmes où sera révélée leur vraie qualité de personne. Avons-nous remarqué que Pierre, Jacques et Jean ne sont pas porteurs de l’auréole de sainteté ni nommés par leur nom sur l’icône, alors que Moïse et Elie sont auréolés et en communion avec le Sauveur, image de beauté qui illumine notre cœur et mystère impénétrable de la grâce divine qui donne en son temps à qui elle veut, comme elle veut et quand elle veut, gloire à Toi Seigneur, gloire à Toi.

 

La voie orthodoxe bien qu’étroite, « voie du juste milieu », renonce à tout extrême, voie sainte et sacrée de l’Eglise pour « apprendre à écouter » la voix du Père, c’est à dire le Fils et Verbe divin et pour recevoir l’Esprit. Notre sainte Eglise, très aimée de Dieu est si simple dans son humble splendeur,  mais reste inaccessible aux cœurs endurcis et aux agités, les fruits savoureux de l’ascèse orthodoxe sont ceux de  « l’arbre de vie » et pour les cueillir et s’en nourrir, il faut cette œuvre si nécessaire, selon nos saints Pères, « garder et pratiquer les commandements du Christ », cette œuvre est impossible sans prière personnelle et ecclésiale à travers laquelle l’Esprit Saint nous guide vers le Royaume.

 

Au Père du Verbe, au Fils Verbe créateur et au Saint Esprit qui nous donne l’intelligence de la parole divine, soit la gloire, dans les siècles des siècles, amen.

 

+ Syméon