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dimanche 25 décembre 2022

Dimanche des Saints Ancêtres

 

Homélie de père Thomas de bienheureuse mémoire


Evangile : Luc 14, 16 – 24

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen.

Frères et sœurs bien aimés, nous venons d’entendre le Seigneur nous raconter une petite histoire. Tous les enfants aiment les petites histoires. Mais, lorsqu’ils deviennent adultes, ils en sourient et disent « ce n’était qu’une petite histoire ». Et pourtant, par cette petite histoire, le Seigneur veut, d’une façon très claire, très ferme et très explicite nous avertir de la chose suivante : Il a organisé une fête.

La première fête que le Seigneur a organisée pour l’être humain est la création du monde et l’être humain l’a gâchée et gaspillée. Mais, et parce que le Seigneur a continué à aimer l’homme, Il a organisé une autre fête près de la Croix de Son Fils. Une fête plus belle encore, une fête plus joyeuse et plus glorieuse encore. Il l’appelle une noce. Et nous y sommes tous invités. Chacun de nous a reçu une invitation à se rendre à la porte du Royaume pour célébrer la fête avec le Christ et avec les anges.

Mais nous nous laissons si facilement abuser par les fêtes de la terre. Nous avons acheté une maison ou une nouvelle voiture. Nous venons de nous marier et notre femme demande toute notre attention. Et nous avons encore des enfants dont il faut s’occuper. Bref, nous avons toutes sortes de bonnes raisons pour dire : « Excuses moi, mais je n’ai vraiment pas le temps maintenant ».

Nous pouvons-nous nous demander si nous faisons vraiment une fête des offices de l’Eglise ? Nous chantons quelque chose, nous prions quelque chose et c’est tout ; nous manquons en nous-mêmes la joie de la fête. Mais si le serviteur est parfois fatigué d’inviter, cela ne veut pas dire que la fête ne continue pas. Car, il ne s’agit pas du serviteur, il s’agit de la fête du Seigneur.

Chaque dimanche est une invitation, une préparation à la fête finale du Seigneur.

Chaque dimanche doit, pour nous, être une fête, une préparation à la grande fête, à la fête éternelle, à la fête glorieuse que le Christ lui-même présidera.

Le dimanche n’est pas un jour où je dois aller à l’église, c’est un jour où je peux me préparer pour la fête éternelle. Chaque Liturgie doit être une fête. Cela ne veut pas dire que nous devons nous mettre à sauter et à danser dans l’église, mais notre cœur doit sauter et danser dans l’attente de cette fête éternelle.

Et le Christ veut aller plus loin encore. Il veut faire son palais de notre cœur. Il veut habiter là où sont nos pensées les plus intimes. Il veut combler nos désirs les plus profonds et Lui seul peut le faire. Car Il est le seul à connaître nos aspirations les plus intimes et le seul capable de les combler.

Le serviteur vous invite. Il vous appelle aux coins de rue de votre cœur afin d’en ouvrir toutes grandes les portes pour qu’y entre le Roi de Gloire.

 

lundi 19 décembre 2022

La femme courbée

 (Luc : 13,10 à 17)

Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, amen

 


 

Aujourd’hui, l’Eglise orthodoxe nous invite à être les témoins vivants, de la miséricorde infinie du Dieu Amour envers sa créature souffrante, le Maître Céleste, ému de compassion envers cette femme courbée sous le joug de Satan depuis dix-huit ans, décide de la délier des chaînes sataniques et de la dureté pleine d’hypocrisie de prêtres de la Synagogue. Le Seigneur nous montre aussi que quelque soit le temps passé dans l’état pathologique de l’âme, Lui peut nous accorder la guérison en un instant. Le fondement dans lequel s’enracine et se construit la guérison spirituelle, c’est la parole de Dieu et dans la vie selon Dieu, et le lieu béni dans lequel cette parole libératrice se donne de manière privilégiée à l’âme orthodoxe, c’est l’Eglise du Christ.

 

Ne sommes-nous pas nous-mêmes dans l’Eglise pour écouter l’enseignement du Seigneur, pour apprendre de lui la véritable compassion envers le prochain, et pour recevoir de Lui la guérison des péchés qui non seulement nous courbent vers la terre, mais nous empêchent de rencontrer Dieu et notre prochain en esprit et en vérité ?

 

L’Evangile nous dit : « en ce temps-là, Jésus enseignait dans une Synagogue le jour du Shabbat. Or il y avait là une femme possédée depuis dix-huit ans d’un esprit qui la rendait infirme : elle était toute courbée et ne pouvait aucunement se redresser ». Jésus est là et il enseigne un jour de Shabbat, de quoi parle t-il ? Il parle de la Bonne Nouvelle que proposent la « Thora et les Prophètes », et qui est la présence de Dieu parmi les hommes pour le salut de l’humanité. La parole du Seigneur est créatrice et peut renouveler notre être et notre vie, mais pour qu’elle soit pleinement efficace, il est indispensable de lui ouvrir notre cœur pour que la grâce puisse engendrer en nous et avec nous, la vie divino-humaine.

 

L’apôtre Paul nous rappelle qu’il est grand le « mystère du Christ et de l’Eglise », c’est le lieu de Dieu plein de grâce et vérité, dans lequel la Cour Céleste, c’est à dire la Divine Trinité, la Mère de Dieu, les saints et les anges, concélèbre avec la cour terrestre, c’est à dire l’Eglise, pour accomplir le miracle unique du salut de l’humanité et de la restauration plénière de la Création. L’infirmité qui torture cette femme bien qu’elle se traduise sur le plan corporel est en réalité une maladie spirituelle causée par le père du mensonge et l’ennemi implacable du genre humain, à savoir Satan et ses anges déchus. Il n’est pas possible de vivre pleinement selon l’Evangile de Vie par nos seules forces humaines, il nous faut prier l’Esprit Saint de nous donner l’intelligence du cœur, et notre présence dans l’Eglise devrait être un signe de notre désir d’obtenir ce discernement spirituel.

 

Cette femme possédée subit son malheur, car elle est réduite au silence des exclus par le manque de compassion du clergé, elle ne possède plus la force intérieure qui lui permettrait de crier sa souffrance aux prêtres de la Synagogue. Des prêtres qui eux-mêmes ne savent qu’appliquer strictement la Loi de Moïse, courbés eux-mêmes comme cette femme sous le joug de la Loi mosaïque, ils imposent la lettre et en oublient l’esprit. C’est pourquoi le Seigneur Jésus, prend l’initiative d’aller lui-même vers elle et de délier cette femme de cette épreuve diabolique, la voyant, il lui dit : « femme, te voilà délivrée de ton infirmité ! Puis il lui imposa les mains ; et à l’instant même elle se redressa et rendit gloire à Dieu ».

 

Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, notre très saint Christ, relève cette femme méprisée et lui rend sa dignité originelle en lui imposant les mains, il lui transmet l’onction divine qui la consacre et la libère de sa souffrance. Nous qui sommes les témoins de l’œuvre charitable accomplie ici par le Verbe incarné, qui connaissons ou pensons connaître ce qu’est la vraie vie spirituelle, ayons l’humilité et l’intelligence de nous prosterner intérieurement devant Jésus. Le Psalmiste nous rappelle de « ne pas sortir de grandes phrases ni sur l’homme ni sur Dieu, car le Seigneur prépare l’accomplissement de ses desseins », pour le temps prophétisé par l’Esprit de Dieu.

 

Ayons la simplicité d’aller vers Jésus le Dieu vivant, pour demander Sa bénédiction dans la sainte et sage Eglise orthodoxe, dans laquelle, vit et œuvre toujours avec chacun d’entre nous, l’Esprit de Dieu. Notre Seigneur en déliant cette femme, met devant les yeux de tous ce qui devrait être l’évidence pour tout prêtre et pour toute l’humanité, à savoir la qualité divino-humaine originelle inaliénable de la « personne humaine », créée à l’Image et à la Ressemblance de la Divine Trinité.

 

Combien d’humiliations cette femme a-t-elle subie de la part de prêtres ou du regard de tant de gens indifférents à son sort, combiens sont prompts à penser que ce qui lui arrive est sans doute mérité à cause de ses péchés. Mais voilà que le Seigneur Jésus va vers elle, avec un cœur aimant et pose sur elle, ses mains saintes, car elle aussi est une fille d’Abraham, elle aussi est appelée à recevoir le « Messie » promis par les Prophètes. Que se passe t-il alors ? Jésus en la délivrant, la relève et la voilà debout, face à face avec lui le Dieu-Homme, il la restaure dans sa pleine beauté et pleine liberté des enfants de Dieu. Il lui donne à nouveau toute sa place dans l’espérance d’Israël, dans la Synagogue et dans la vie. Et voici que cette femme, qui peut regarder Jésus dans les yeux, se voit telle que Dieu lui-même la voit, elle y découvre l’amour de Dieu envers elle et se met à rendre gloire à Dieu. 

 

« Mais le chef de la Synagogue, indigné de ce que Jésus eût opéré une guérison le jour du Shabbat, prit la parole et dit à la foule : il y a six jours pour travailler ; venez donc vous faire guérir ces jours-là, et non pas le jour du  Shabbat ».

 

Aujourd’hui, le Seigneur nous éveille et nous enseigne clairement, qu’une Synagogue ou une Eglise sans compassion est comme un corps mort et desséché, que ce soit dans les monastères ou dans les paroisses, malheur à nous prêtres, si les habitudes religieuses et les formes ritualisées prennent le dessus sur la nouveauté de l’Esprit au détriment de la personne humaine. La Tradition orthodoxe vécue pleinement est libératrice, mais devient stérile spirituellement si nous nous laissons lier pieds et poings sous la contrainte de Satan, si nous sommes des prêtres hypocrites ou si le vieil homme en nous fait la loi. Accepter le joug pervers du vieil homme en nous, nous empêche d’accéder à la grâce du Seigneur, nous courbe sous un joug inhumain jusqu’à terre comme cette femme, au point d’en oublier que notre vocation est de contempler le ciel, c'est-à-dire de nous redresser de tout notre être et par toute notre vie en Dieu.

 

L’Eglise, c’est à dire, chacun d’entre nous a pour vocation de relever celui ou celle qui parmi nous est courbé vers la terre et cela quelle qu’en soit la cause, aller comme le Christ les uns vers les autres dans l’Eglise, où nous sommes pour apprendre à vivre l’Evangile, nous souvenant que nous sommes par la volonté divine, « rois, prêtres et prophètes », et si nous ne pouvons plus rien individuellement, nous tourner ensemble comme un seul cœur, vers Dieu qui peut l’impossible. L’Evangile poursuit encore : « hypocrite, lui dit Jésus, est-ce que chacun de vous ne délie pas de la crèche son âne ou son bœuf le jour du Shabbat pour le mener à l’abreuvoir ? Et cette fille d’Abraham que Satan tenait enchaînée depuis dix-huit ans, ne fallait-il pas la délier de ses chaînes le jour du Shabbat » ?

 

Le saint Shabbat, que ce soit dans la Synagogue ou dans l’Eglise consiste à donner l’hospitalité à Dieu, que signifie donner l’hospitalité à Dieu ? Cela signifie accomplir la parole du Christ : « ce que vous aurez fait à l’un de vos frères, c’est à Moi que vous l’avez fait », accueillir Dieu, c’est d’abord accueillir l’homme. Le Shabbat est aussi une icône du repos de Dieu après la Création, d’où cette invitation de Dieu lui-même à nous arrêter après une semaine de travail, car le Shabbat spirituel sera le repos éternel et vivifiant dans le Royaume de Dieu au sein de la Divine Trinité. Le Shabbat religieux, ce repos si précieux en Dieu, est un mystère ecclésial qui touche au plus profond de la vie humaine et nous prépare dans l’Eglise à la rencontre de Dieu avec l’homme. Mais nous savons que le Shabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le Shabbat, ceci signifie que la « personne », telle que créée par Dieu à l’origine est supérieure à toutes les fonctions, y compris religieuses et rituelles, et c’est le sens de cette autre parole du Seigneur : « Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis ».

Le Shabbat est donc un jour de délivrance voulu par Dieu, qui peut imaginer parmi nous que le repos du Shabbat spirituel dans le Royaume de Dieu, puisse être compatible avec la présence de l’humanité défigurée et aliénée par Satan ou le péché ? Qui peut imaginer que le repos du Shabbat puisse être une contrainte spirituelle, le Shabbat en Dieu rend semblable à Dieu, la liberté de Dieu libère l’homme, et l’Eglise du Christ peut-elle moins que la Synagogue dans laquelle ce même Christ était à l’œuvre ? La personne à qui le Seigneur donne de vivre le «  saint Shabbat spirituel », est couronnée de gloire, de lumière et de sainteté, cette personne illuminée fera spontanément ce qu’a fait la femme délivrée : rendre gloire à Dieu et bénir son prochain ».

 

En vérité, Dieu s’est incarné pour relever l’humanité courbée, tentée, tombée et asservie par la malice satanique? La nostalgie divine envers l’homme son bien-aimé est toujours actuelle depuis la chute et l’expulsion de nos ancêtres du Paradis, notre Père Céleste espère toujours le retour de l’humanité prodigue. C’est pourquoi, la Divine Trinité engendre la sainte et si précieuse Eglise orthodoxe-Corps du Christ, afin qu’en elle, la parole créatrice du Seigneur retrouve tout son sens. Pour qu’en elle, l’Eglise, par la grâce du Fils et de l’Esprit, l’humanité se redresse peu à peu, retrouve sa vocation à la déification, et se dirige vers la vie éternelle dans le Royaume de Dieu. Alors venons dans l’Eglise pour célébrer, louer et adorer Dieu, le prier encore et encore, de nous donner de cultiver le repos spirituel intérieur, afin que nous puissions vivre et être à même d’incarner en nous l’enseignement de Jésus, notre unique Seigneur et Maître.

 

Au Père de l’humanité, au Fils médecin de nos âmes et de nos corps, au Saint Esprit notre baume spirituel, soit la gloire dans les siècles des siècles, amen.

 

+ Syméon

 

 

 

dimanche 11 décembre 2022

Le thésauriseur

                                                                                     (Luc 12, 16 à 21)

Au Nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, amen.



Aujourd’hui, au milieu de nous, le Seigneur dit cette parabole : « Il y avait un homme riche dont les terres avaient beaucoup rapporté, et il se demandait en lui-même : que vais-je faire ? Car je n’ai pas d’entrepôt où loger ma récolte ». 

 

Saint Paul dit dans l’épître de ce jour: «  Jadis vous étiez ténèbres, mais aujourd’hui vous êtes lumière dans le Seigneur », l’homme de cette parabole est toujours dans les ténèbres, pourquoi ? Parce que son âme est attachée passionnément à la terre, Il s’ampute ainsi de sa dimension spirituelle et en oublie sa vocation contemplative qui pourrait le relier à Dieu et à sa propre et véritable humanité. Il reproduit à sa manière l’antique adoration du veau d’or dans le désert. Quel est en vérité, le péché engendré par le veau d’or ? C’est l’adoration des idoles sans vie de ce monde, qui s’opposent à la rencontre de l’homme avec Dieu, de l’homme avec l’Eglise, et par extension de l’homme avec lui-même.  

 

Mais tout comme cet homme se glorifie de ses richesses matérielles, d’autres se glorifient de leurs richesses spirituelles, sans même se demander si ce sont d’authentiques richesses selon la grâce divine. Ainsi le premier comme les autres oublient cette parole : « qu’as-tu que tu n’aies reçu, et si  tu l’as reçu, pourquoi faire comme si tu ne l’avais pas reçu », ailleurs le Seigneur ajoute : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille, qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu ». 

 

Pourtant, l’inquiétude est là, à bas bruit dans leurs cœurs, provoquant anxiété et mal-être, le premier n’a comme seul souci que celui de « stocker » ses biens dans un entrepôt, pour pouvoir s’en gaver à volonté. Les autres, se croyant spirituels, finissent par transformer leur âme en musée en l’encombrant de jolis bibelots religieux aussi inertes qu’inutiles. C’est contre eux que l’Ecriture sainte témoigne en disant « vanité, rien que vanité, tout est vanité », car leur agitation furieuse ne porte aucun fruit spirituel.

 

Cet homme richissime se dit : « mon âme, tu as de grands biens en réserve pour de nombreuses années ; repose-toi, mange, bois, réjouis-toi » ! Mais saint Paul encore dans l’épître dit : « discernez ce qui plaît au Seigneur, et ne prenez aucune part aux œuvres stériles des ténèbres » ! L’avenir que se projette cet homme, est tout entier restreint à la jouissance matérielle de ses biens, il ne parle pas non plus de les partager, il se plonge corps et âme dans les ténèbres d’une grande solitude dans laquelle, une « vie renouvelée dans ce monde ne l’interpelle pas, pas plus qu’une possible vie » après la mort ne semble effleurer son esprit. 

 

Le Psalmiste inspiré par l’Esprit de Dieu, nous rappelle : « en vain te lèves-tu tôt, et te couches-tu tard, en vain manges-tu le pain des douleurs, alors que le Seigneur comble son bien-aimé, pendant qu’il dort » ! Que signifie « pendant qu’il dort » ? Cela signifie que ce « bien-aimé » est en état de paix intérieure, d’hésychia réellement vécue, sans inquiétude aucune quant à savoir s’il est riche matériellement ou spirituellement, étant libre de préoccupations inutiles, il devient disponible à la grâce divine et peut commencer à expérimenter avec l’apôtre Paul « ce n’est plus moi qui vit, mais Christ qui vit en moi ». 

 

Et nous les pauvres, réunis ici dans la sainte Eglise au Nom de Dieu, mais sommes-nous de vrais pauvres, quand expérimenterons-nous cette parole « ce n’est plus moi qui vit, mais Christ qui vit en moi » ? Si l’homme dans sa pensée, son âme, son corps, n’est rempli que du désir des seules  nourritures terrestres ou pire rempli de lui-même, où donc, le Christ trouvera t-il un peu de place en lui ? Comment un tel homme, peut-il espérer « ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur, mais que Dieu donne à ceux qui l’aiment » ! 

 

Ne sommes-nous pas venus ici, dans l’espérance de vivre l’expérience réelle du « Christ qui vit en moi », grâce au Don indicible « du Corps et Sang du Seigneur ». Nous avons essayé en amont de nous préparer à recevoir la très sainte « Eucharistie » avec une conscience éveillée et un cœur silencieux tout entier donné au Seigneur, pour « goûter combien le Seigneur est bon et doux » par la foi en sa divine présence. Si le Seigneur vient ainsi vivre en nous, c’est pour nous initier à une ascèse qui  permet la récolte du fruit de la vie sainte et spirituelle : « être son bien-aimé », être l’ami de la Divine Trinité, vivre l’amitié divine, n’est-ce pas là ce que nous espérons obtenir non seulement dans le Royaume de Dieu, mais déjà en prémices dans ce monde.

 

Il nous faut apprendre à discerner avec l’intelligence du cœur, quelle richesse nous devons cultiver sans jamais nous lasser, et cette richesse divino-humaine, ce trésor de grâce éternelle, c’est de cultiver « l’amour de Dieu et du prochain ». Acquérir la « grâce d’aimer », qui a dit que c’est facile, est pourtant l’œuvre spirituelle et existentielle de « l’être orthodoxe ». Ouvrage à remettre sans cesse sur le métier de l’humaine condition, car nous ne serons jamais plus grand que « L’Amour, c’est à dire, la Divine Trinité ». Non, les richesses de ce monde ne sont pas du tout maudites mais bien bénies, si elles sont mises au service de l’humanité au nom de Dieu, et non perverties par des pensées insensées, soumises aux peurs et réactions irrationnelles de nos âmes désorientées et de nos désirs impératifs et insatiables. 

 

Mais, la véritable et unique richesse que Dieu lui-même désire, n’est- ce pas tout simplement « l’homme lui-même », aussi unique que Dieu lui-même, notre vocation n’est-elle pas de devenir par grâce ce que Dieu est par nature, à savoir une « personne déifiée » ! La très sainte nativité approche, alors  préparons-nous à apporter à « L’Enfant Divin, non seulement la myrrhe, l’encens et l’or », mais offrons lui notre corps pour qu’il en fasse son temple, notre âme pour qu’il en fasse sa prière, notre esprit pour le contempler et notre cœur pour l’aimer. Voilà les richesses qui ne seront perdues ni en ce monde ni dans le Royaume de Dieu.

 

Mais notre saint Dieu, que dit-il à cet homme sans intelligence spirituelle : « insensé, cette nuit même, tu vas mourir, et ce que tu as amassé, qui l’aura » ? Le Seigneur nous montre ici, que celui qui est riche à l’image de cet homme, est en vérité dans une grande misère et déjà près de la mort, que son âme est malade et déjà agonisante, pourquoi ? Parce que ce qui nourrit un tel « individu », ce sont de fausses nourritures, incapables de le préparer à la vie éternelle, afin que Dieu le sauve. Ainsi se vérifie cette autre parole du Christ : « à celui qui n’a pas, on enlèvera même ce qu’il croyait avoir », à sa mort, cet homme aura tout perdu en se perdant lui-même, seul ce qui est donné par Dieu durera et ce « Don », n’est ce pas Dieu lui-même, Dieu seul ? 

 

C’est pourquoi saint Paul écrit : « éveille toi, toi qui dors, lève toi d’entre les morts, et sur toi luira le Christ ». C’est à dire, sors de tes modes de fonctionnement morbides et mortifères, cesse de te complaire dans tes richesses matérielles ou faussement spirituelles, libère-toi de tes illusions infantiles et va vers l’unique source de la vie, le Seigneur Christ qui t’illuminera de sa beauté et de sa vérité. 

 

Saint Paul ajoute : « cherchez dans l’Esprit votre plénitude », cette plénitude est-elle difficile à trouver ? Certes non, la réponse est simple, trop simple pour les riches ou ceux qui pensent être riches, surtout spirituellement et selon leurs propres critères, la plénitude de l’Esprit s’acquiert en toute simplicité et vérité dans la sainte Eglise du Seigneur. Toute l’œuvre du salut est réalisée à chaque Divine Liturgie, là « pour nous, avec nous, en nous », cette plénitude est toute entière je le répète, dans le « don du Corps et du Sang de notre Seigneur », auquel devrait nous préparer jour après jour notre ascèse évangélique. 

 

 

Le Seigneur termine cette parabole et dit : « ainsi en est-il de celui qui thésaurise pour lui-même, au lieu de s’enrichir en vue de Dieu ». Que signifie s’enrichir en vue de Dieu ? Cela signifie l’acquisition de « L’Esprit-Saint », ce qui d’après saint Séraphim de Sarov est le « but » de la vie chrétienne et le cœur de la voie spirituelle de l’orthodoxie. 

 

Mais si nous voulons avoir le saint et véritable discernement spirituel pour connaître où nous en sommes dans notre vie en Christ, dans l’Eglise et dans le monde, alors regardons où nous en sommes par rapport aux dons de l’Esprit Saint dont parle saint Paul. Que dit-il, les dons de L’Esprit de Dieu sont : « l’amour, la joie, la paix, ladouceur, l’humilité, la maîtrise de soi… », goûtons-nous déjà un peu de ces fruits célestes ? Voilà les richesses qui jamais ne périrons, mais qui comme des lumières spirituelles vivifiantes nous accompagnerons par grâce divine, jusqu’au don parfait qui est l’amour de Dieu. 

 

Prions Dieu de nous garder libres de toute pensée passionnée, concernant nos éventuelles richesses spirituelles et /ou matérielles, écoutons simplement saint Paul, qui nous invite « en tout temps et à tout propos, à rendre grâce à Dieu le Père, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ ».

 

Au Père Créateur de l’Univers, au Fils qui nous fait cohéritiers de tous ses biens divino-humains et au Saint Esprit qui fait fructifier en nous les richesses célestes, soit la gloire dans les siècles des siècles, amen. 

 

+ Syméon

 

 

 

 

 

dimanche 4 décembre 2022

Le Bon Samaritain

                                                                        (Luc 10, 25 – 37)

Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, amen.


 

Aujourd’hui, l’Eglise orthodoxe nous invite à recevoir la connaissance de la voie royale qui mène à la vie éternelle. Cette Voie unique mais universelle, c’est le Seigneur lui-même et pour y cheminer avec certitude, malgré nos états d’âme, accomplir cette œuvre si simple en apparence et pourtant si complexe à réaliser dans notre existence, « aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre esprit, de toutes nos pensées et de toutes nos forces… et notre prochain comme nous-mêmes », n’est-ce pas là, l’œuvre même de tout « bon samaritain » !

 

Comme l’a dit le Christ à la Samaritaine, il nous dit aussi aujourd’hui : « si vous saviez le Don de Dieu et qui est Celui qui vous parle », vous vous précipiteriez vous aussi de tout votre désir de vie et d’amour dans mes bras à moi, votre Dieu. Et moi, votre Père, je vous porterai dans mes entrailles jusqu’à engendrer chacun et chacune d’entre vous comme un saint Christ, alors s’accomplirait pour vous aussi la prophétie du Psalmiste : « voici que Dieu se promène au milieu des dieux », car l’amour serait devenu votre nature par ma grâce et la communion réelle avec moi, votre Dieu. 

 

Notre cœur se serre et nos yeux s’inondent de larmes, car cet homme « roué de coups et à moitié mort » dont nous parle aujourd’hui le saint Evangile, oui, cet homme allongé là au milieu de nous, c’est aussi chacun d’entre nous, frappé plus ou moins violemment par ces brigandes que sont les passions destructrices. C’est pourquoi L’Esprit Saint lui-même, le divin Consolateur, nous a transporté ici dans cette auberge hospitalière, notre humble, petite mais si précieuse chapelle orthodoxe, pour y rencontrer le Bon Samaritain divin, notre Seigneur Jésus-Christ, afin qu’il nous guérisse et nous restaure dans la pleine beauté divino-humaine qui est la véritable nature de la personne crée à l’image et à ressemblance de Dieu.

 

Comment pouvons-nous être un bon Samaritain les uns pour les autres, ici et maintenant, dans notre petite chapelle ? D’abord et paradoxalement, en commençant par la compassion évangélique envers nous-mêmes, car si nous ne veillons pas sur nous-mêmes au Nom de Jésus, comme Marie a veillé sur le trésor vivifiant qu’elle portait, alors notre ascèse est inutile et notre « foi » est vaine. Cette veille spirituelle est le don divin déposé par l’Esprit Saint dans l’Eglise orthodoxe, dans laquelle œuvre la communauté des croyants, affamée et assoiffée de l’essentiel, pour engendrer une existence qui vaille la peine d’être vécue. 

 

Ne sommes-nous pas « sel de la terre et lumière du monde » ? Nous sommes ici, chacun et chacune le corps et le cœur, la prière et la pierre vivante, la foi et l’espérance de notre sainte petite Eglise, oui, nous sommes le « petit troupeau » très aimé de Dieu. Si nous connaissions en esprit et en vérité ce qu’est l’Eglise, des fleuves d’eaux vives couleraient en nous et de nous vers le monde, pour abreuver d’amour et de sagesse l’humanité désorientée, saint Paul nous rappelle que « l’Eglise est le Corps du Christ dont il est aussi la Tête », elle est la graine infiniment précieuse semée dans la terre de l’humanité afin d’y produire avec abondance les fruits de la grâce divine et de nourrir ainsi tous les affamés et assoiffés de la véritable justice. 

 

Alors, ne laissons pas nos états d’âme parasiter la célébration liturgique, déposons ce qui nous tourmente dans la confession devant Dieu. Donnons-nous comme une offrande à notre Dieu, en célébrant la Divine Liturgie ensemble dans l’amour et la vérité avec Dieu et parmi les hommes. Pour aimer Dieu de tout notre être, il faut nous souvenir de la parole du Seigneur qui nous dit « sans moi, vous ne pouvez rien faire », et donc le prier de nous donner la communion réelle avec Lui pour espérer 

l’union parfaite à venir, dire au Seigneur sans nous lasser « ô Christ, donne-moi ton esprit ».

 

 

 

Nous sommes élus pour vivre comme des êtres liturgiques dont la vocation est d’emprunter le chemin qui mène à la vie éternelle. Ne voyons-nous pas combien le temps nous est compté, combien les modes du monde sont éphémères, que rien de ce monde ne nous accompagnera dans le Royaume de Dieu, sinon ce que nous aurons semé et récolté spirituellement dans notre vie personnelle en nous comportant comme des bons samaritains les uns envers les autres. Allons-nous ignorer l’appel de Dieu « Adam, où es-tu », et continuer à dévorer l’arbre du bien et du mal qui mène à la mort, alors que l’Arbre de la vie qui est le Seigneur nous tend sans cesse les mains de la compassion selon sa parole sainte et sacrée « Je suis la Résurrection et la Vie » ?  

 

Cet homme parterre à demi-mort, c’est aussi une image de l’Eglise martyrisée par toutes les tyrannies politiques extérieures, mais c’est encore plus le témoignage des blessures que reçoit le Corps du Christ qui est aussi le Temple de l’Esprit Saint comme l’enseigne l’apôtre Paul, blessures cruelles que peuvent lui infliger ses propres enfants, lorsqu’ils oublient qu’ils sont fils et filles de la Lumière divine. Si nous laissons nos états d’âme prendre le dessus, alors le risque est réel que l’Eglise devienne un lieu de ténèbres psychiques qui s’opposent consciemment et inconsciemment à la volonté de Dieu. Alors la nouveauté de l’Esprit de Dieu est occultée ou défigurée, et les esprits mondains viennent non seulement se délecter de nos blessures, mais accusent l’Eglise d’être un repaire de démons et de marchands du temple. 

 

L’Eglise terrestre représente les portes saintes qui donnent accès à l’Eglise céleste dont Marie est la porte spirituelle, tout comme notre cœur est la porte sainte et sacrée qui permet le passage vers le saint des saints de notre temple intérieur qui se trouve au cœur de notre cœur. Là se trouve le Christ, l’Epoux de notre âme pour nous unir à lui, en présence des deux Témoins divins que sont le Père et l’Esprit Saint. Mais ces noces célestes se préparent de manière liturgique par des fiançailles terrestres que nous scellons avec notre Bien-Aimé dans l’Eglise orthodoxe, en présence, des anges et des saints pour construire notre vie et notre unité en Dieu, avec Dieu et pour Dieu. 

 

Etre prêtre, lévite ou même samaritain ne sauve personne, « Dieu seul est le Sauveur », mais il nous appartient si nous désirons devenir orthodoxes d’accomplir les œuvres évangéliques, afin de nous accompagner mutuellement pour traverser au mieux les épreuves existentielles et les nombreux barrages édifiés en permanence par les esprits mauvais en nous et autour de nous, en nous souvenant toujours de cette parole du Seigneur « ne crains pas petit troupeau, crois seulement ».

 

Prions donc Jésus, notre saint Dieu, de nous unir à lui seul pour nous préparer à recevoir par une vie orthodoxe et l’intelligence du cœur, la grâce sanctifiante qui nous donnera « ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, mais que Dieu révèle à ceux qui l’aiment ». Ce grand mystère spirituel nous sera donné à vivre avec la Nativité, que nous nous préparons à concélébrer avec les saints et les anges de Dieu, avec les humbles pasteurs et les sages mages, avec l’étoile qui illumine la grotte de Bethléem et toute la Création. Que l’Eglise, étoile divino-humaine, grotte sainte et sacrée, illumine et transfigure l’univers par la célébration liturgique et se prépare à chanter bientôt « Christ est né, venez, adorons-Le » !

 

Que la très sainte Mère de Dieu, dont nous célébrons aujourd’hui la présentation au Temple de Jérusalem, intercède pour nous et avec nous auprès de son divin Fils pour le salut de l’humanité et la restauration de la création dans sa pleine beauté originelle.

 

Au Père du bon Samaritain, au Fils qui est le véritable Samaritain pour l’humanité et à l’Esprit qui nous bénit et nous sanctifie, soit la Gloire dans les siècles des siècles, amen. 

 

+ Syméon