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samedi 28 octobre 2023

Le Semeur.

 

(Luc 8, 5 à 15)

Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, amen.

 

Aujourd’hui, l’Eglise qui a vocation à être une icône de cette bonne terre dont parle le Seigneur et un terreau fécond capable d’engendrer avec nous et en nous la vie religieuse et spirituelle, nous invite à devenir jardin d’Eden, terre promise et même royaume de dieu, selon cette parole des saints Pères « Dieu s’est fait homme, pour que l’homme devienne dieu », car qui parmi les croyants orthodoxes pourrait penser que l’Incarnation du Seigneur a un autre but, c’est pourquoi en Matthieu 13, 38 nous entendons « la bonne semence ce sont les fils du Royaume de Dieu ».

 

Le Seigneur dit « la semence c’est la parole de Dieu » et un peu plus loin, IL s’écrie « entende, celui qui a des oreilles pour entendre », l’importance de l’écoute pour entendre est soulignée déjà dans la prière du « Shéma Israël » où il est dit « tu écouteras le Seigneur ton Dieu, lui seul tu écouteras », l’apprentissage d’une telle écoute se pratique au sein de la communauté des « Croyants » dans l’attention liturgique, elle est le cœur de la relation avec Dieu depuis les temps anciens de la Synagogue et se perpétue fidèlement aujourd’hui dans l’Eglise ?

 

Si donc, je veux non seulement écouter la « bonne parole » mais l’entendre au point de la faire mienne, il me devient évident que je dois être là où cette parole se révèle avec plénitude et pour nous orthodoxes ce lieu unique, saint et sacré est notre sainte Eglise du Christ, dont IL est le « Corps et la Tête », elle est l’école de la vie éternelle dans laquelle nous croyons que nous pouvons expérimenter « ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, mais que Dieu révèle à ses bien-aimés ».

 

Mais quelqu’un se voulant sage objectera « n’est-il pas écrit que le semeur sortit pour semer, comment donc sème t’il dans la seule Eglise », ne croyons-nous pas ou plus que la Création dès l’origine est toute entière Eglise et que l’humanité toute entière a vocation à s’unir pour devenir comme un seul être spirituel ?  Dès le début de la Genèse, le « bereshit bara elohim »,  peut « s’entendre » comme « au commencement Dieu créa le ciel, c’est à dire l’Eglise céleste et la terre, c’est à dire l’Eglise terrestre », Dieu n’a pas crée plusieurs humanité ni plusieurs créations, la parole divine créatrice est donc « une, sainte, catholique et apostolique » partout et pour tous, tel que nous le confessons dans le Credo, c’est aussi pourquoi saint Jean peut dire avec certitude en Jean 10, 16 « il y aura un seul pasteur et un seul troupeau ». Dieu n’est-il pas sorti de lui-même en s’incarnant comme homme sans pourtant se quitter un seul instant comme Dieu ? Si nous prions dans l’Eglise que « Ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel », n’est-ce pas pour témoigner de l’unité de toute l’œuvre divine, c’est aussi pourquoi saint Paul dit « il est grand le mystère du Christ et de l’Eglise ».

 

Le semeur sortit pour semer « une partie de la semence est tombée sur le bord du chemin, a été foulée aux pieds et les oiseaux du ciel ont tout mangé », l’oiseau ici est une métaphore de l’esprit de par sa volatilité et liberté apparente, mais ici ces oiseaux du ciel peuvent être vus comme des équivalents de ces esprits sous ciel dont parle saint Paul, ces esprits ennemis de toute l’humanité qui n’ont d’autre désir que de dévorer en nous et autour de nous toute nourriture spirituelle, ces mêmes oiseaux symbolisent également en nous la nuée des pensées parasites qui ne cessent de chercher à troubler notre esprit, c’est à dire, nous rendre sourds et ainsi incapables d’entendre la voix de Dieu. La sagesse populaire ne dit-elle pas des porteurs de mauvaises nouvelles que ce sont  « des oiseaux de malheur ou de mauvaise augure » ! L’oiseau est symbole comme l’esprit de ce qui est difficile à saisir, tous ces oiseaux-esprits qui tournent autour de l’homme, pour lui voler les graines de la prière sont des esprits déchus et pleins de haine envers le Dieu-Homme et l’homme-dieu en devenir.

Une autre partie de la semence est « tombée sur le roc, a poussé mais s’est desséchée par faute d’humidité », quelle est cette humidité essentielle pour faire pousser et croître la semence, le Psalmiste en Ps. 114, 8 nous donne une première lumière en nous disant « le Seigneur change le roc en source d’eaux » et Moïse lui-même n’a t’il pas frappé sur l’ordre de Dieu avec le bâton

sur le roc pour en faire jaillir l’eau vivifiante, mais ici, l’eau indispensable pour frapper le roc d’un cœur endurci est non seulement la parole divine, mais l’eau par excellence qui est celle du « très saint Baptême », seul capable de renouveler l’homme. En Samuel 2, 22, 3 nous lisons

« Dieu est le roc où je trouve refuge », roc inébranlable et inaccessible à toute hypocrisie et mensonge qui voudrait entrainer l’homme dans les chemins de la perdition.

 

Le semeur sortit pour semer « une partie de la semence est tombée au milieu des épines et en poussant avec elles, les épines l’ont étouffée », que font donc des épines ? Elles blessent plus ou moins profondément, déjà en Jérémie 4,3 nous lisons « ne sème pas dans les épines », car dit le texte « elles étouffent » étranges épines, mais si elles étouffent cela signifie qu’elles essayent d’empêcher notre « souffle » icône du Souffle originel insufflé par l’Esprit de Dieu dans les narines de l’homme de respirer librement et de nous laisser inspirer par toute parole sainte qui sort de la « bouche de Dieu ». C’est pourquoi, saint Paul en Galates 6, 8 nous enseigne que « quiconque sème dans la chair récolte la corruption, mais celui qui sème dans l’esprit récolte de l’Esprit la vie éternelle ». En Matthieu 7, 16 nous lisons encore « cueille-t-on des raisins sur des épines » ?  C’est donc à nous de choisir quelle sorte de vigne nous voulons planter et avec qui nous iront la vendanger pour ensuite ensemble la goûter en rendant grâce et louange au Divin vigneron.

 

Dans le verbe « entendre », nous pouvons discerner deux qualités incluses, à savoir tendre au sens de « aller vers » et tendre au sens de « tendresse », si donc, nous désirons recevoir ces « oreilles pour entendre la parole divine », il nous sera bénéfique d’apprendre à cultiver de manière liturgique notre relation à Dieu en « tendant vers Lui notre prière avec une vraie tendresse qui est le désir d’aimer Dieu et l’homme », et veiller à ne pas la mélanger avec les épines et les rocs de nos états d’âme fluctuants entre dépression et euphorie, la place juste  pour exprimer nos états d’âme devrait se dire dans la thérapie spirituelle que l’Eglise propose et qui est la confession libératrice de ce qui nous aliène.

 

Une autre partie a été « semée dans la bonne terre et porta beaucoup de fruits », cette terre est ici suffisamment bonne parce que l’homme ou la femme en a pris le plus grand soin pour la préparer à donner des fruits savoureux. L’homme lui-même est cette terre précieuse entre toutes, et l’Eglise est la vigne royale dans laquelle il est possible du cultiver avec l’aide de Dieu et de toute la Communauté sa vigne personnelle, en arrosant la terre aride des débuts par l’eau du Baptême et en la purifiant jour après jour des mauvaises herbes par la prière liturgique et personnelle.  Mais si comme le dit le prophète Isaïe en 24, 20 « la terre chancelle comme un homme ivre », alors l’homme lui-même tanguera incapable de trouver l’équilibre spirituel nécessaire pour cultiver la terre qui doit non seulement le nourrir, mais qu’il devait transmettre saine et sainte à sa postérité.

 

Que « celui qui a des oreilles pour entendre, entende », que notre Seigneur compatissant nous aide à nous préparer au don de ces oreilles, afin d’entendre les paroles du salut déjà dans ce monde pour la vie éternelle à venir.

 

Au Père créateur, au Fils unique qui veut faire de nous des fils et des filles de la terre sainte et sacrée du Royaume et à l’Esprit semeur de sagesse spirituelle, soit la gloire, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles, amen.

 

+ Syméon

dimanche 22 octobre 2023

La veuve de Naïm.

                                                       (Luc : 7, 11 à 16)

Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, amen.

Aujourd’hui, l’Esprit de Dieu qui continue de couver la sainte Église comme Il couvait la Création originelle de Son amour et de Sa lumière, nous emmène si nous le voulons à Naïn qui signifie la Bien-Aimée, pour assister à la résurrection du fils unique d’une jeune veuve. Cette belle bien-aimée vers laquelle s’avance notre Seigneur, c’est en même temps notre  Église, l’Humanité et notre Ame, Naïn représente surtout notre âme qui pleure de n’être pas aimée pour ce qu’elle est, à savoir l’œuvre de Dieu. Notre âme, pourrait s’appeler Naïn la veuve délaissée qui par manque d’amour se meurt sous les coups répétés de ses propres enfants, c’est à dire nos pensées, paroles et actes, non suffisamment purifiés dans la prière avec l’intelligence du cœur et l’humilité.  

 

L’Évangile nous dit : « Jésus, en voyant la veuve eut compassion d’elle et lui dit, ne pleure pas ». Quelle douleur dans le cœur aimant du Christ de voir cette jeune veuve éprouvée et comme abandonnée d’abord par la mort de son époux et maintenant de celle inattendue et incompréhensible de son fils unique. L’époux et le fils, c'est-à-dire tout ce qui faisait sens dans son existence, toutes les promesses et espérances qu’elle avait pu mettre dans ces deux êtres, tout semble soudain comme anéanti. Elle ne répond rien au Christ, mais le laisse s’approcher de son enfant défunt, il n’y a ici aucun hasard, car nous connaissons et confessons Dieu comme l’unique Maître absolu de l’histoire, du temps et de l’espace, de la vie et de la mort, sans pour autant limiter la liberté de l’homme. Cette femme a intériorisé sa souffrance et témoigne par son silence que ni les cris, ni le refus de la mort, ni même la foule qui accompagne le convoi funèbre, ne peuvent lui rendre son fils unique. Alors et sans comprendre elle laisse faire ce Jésus, elle reprend sa liberté et décide de donner sa confiance à ce Rabbin et voilà que le miracle espéré de la résurrection de son enfant s’accomplit là devant elle et au cœur de cette foule qui émerveillée s’écrie, un « grand prophète s’est levé parmi nous ». De même pour nous, en venant dans la sainte église du Christ, nous offrons au Seigneur la possibilité de nous rencontrer, de s’arrêter auprès de chacun et chacune d’entre nous, de nous dire « ne pleure pas » et de nous ressusciter de notre mort spirituelle.

 

Que dit le Christ au fils décédé : «  jeune homme, Je te l’ordonne, lève toi…» comment ressentons-nous ce mystère qui témoigne que la mort n’est pas une fatalité devant la puissance divine, que dans ce monde la résurrection est possible par la grâce de Celui qui est tout et qui peut tout. Comment ce mort à l’image de Lazare, peut-il entendre la voix du Christ, alors qu’il n’entend ni les larmes de sa mère ni les lamentations funèbres de la grande foule qui l’accompagne ! Mais que nous dit le Seigneur de lui-même : « Je suis la Résurrection et la Vie, celui qui croit en moi, fût-il mort, vivra », croyons-nous de toute notre âme, qu’il désire et peut véritablement ressusciter chacun et chacune d’entre-nous ? Certes, nul ne peut ressusciter sans mort préalable, car « si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il ne peut porter aucun fruit. ».  De quelle mort veut nous parler ici en premier le Christ ? De la mort en nous-mêmes au péché, de la mort à tout ce qui voudrait nous enfermer dans l’ignorance et détruire ou voiler en nous la présence divine.  

Voici que sur le commandement du Seigneur, ce mort se relève et s’assied, commence à parler là dans son cercueil, que dit-il donc ? Il se voit là assis dans un cercueil, vois sa mère, la foule, entend le Christ lui dire « jeune homme, lève-toi » ! Est-ce que cette scène inouïe nous semble aller de soi, est-ce que ce dont nous sommes ici les témoins privilégiés est limpide pour nous, en quoi cette expérience transforme-t-elle notre propre réalité ici et maintenant ? Cela mérite méditation et prière ! Alors, Jésus le remit à sa mère, là aussi, pouvons-nous imaginer ce qui se passe dans cette mère à qui Jésus remet son fils unique qui était mort et que voici ressuscité. De même que pour ce jeune homme, le Christ désire notre résurrection spirituelle, c’est pourquoi, il nous invite à prendre le chemin de la vie liturgique vivifiante que nous propose notre Mère l’Église, que « celui qui a des oreilles pour entendre, entende » nous rappelle le Seigneur.  

 

Nous vivons des merveilles et des miracles dans l’Église orthodoxe, et cela en particulier à chaque Divine Liturgie, mais si nous ne sommes pas présents spirituellement, alors nous sommes désincarnés et déjà moribonds, couchés dans le cimetière de notre âme. Dieu ne nous ressuscitera pas contre notre propre volonté, l’homme sans Dieu n’a aucun pouvoir, cessons de nous lamenter et de murmurer contre la réalité que Dieu permet. Pleurons comme cette veuve d’avoir perdu si souvent l’essentiel, notre véritable vie qui est la communion avec Dieu et avec notre frère. Au Nom de notre Seigneur, cessons de penser qu’il suffit de venir à l’Église, d’écouter des tonnes de conférences ou d’homélies mêmes spirituelles ou encore de lire des livres dits profonds, pour être sauvés. Refusons de nous laisser entraîner par le vieil homme en nous, sortons de ce brouillard psychique mensonger qu’est l’esprit de ce monde sans Dieu que dénoncent saint Paul et tous les saints Pères et saintes Mères, sommes-nous plus spirituels que nos saints Pères et Mères ?

 

Au contraire, accompagnons-nous les uns les autres par un cortège de valeurs spirituelles et non par des foules de pensées mortifères que nous distille si souvent à travers notre frère ou notre sœur et cela même dans la très sainte Église de Dieu, de manière hypocrite Satan l’ennemi de l’humanité. Alors le Christ viendra toujours plus à notre rencontre dans l’Eglise-Naïn et dans notre existence personnelle, et nous entendrons à chacune de nos morts au monde et au péché, le Sauveur nous dire : «  ne pleure plus, mais réjouis-toi », Lui notre Seigneur dont l’amour et la patience envers nous sont infinis. Apprenons à mourir à ce marasme dans lequel le péché veut nous entraîner, en voulant nous faire croire que nous sommes vivants et spirituels, évitons les pièges de l’illusion mentale, prions et supplions Dieu de venir poser Sa main sur nous. Arrêtons ce convoi permanent de pensées partielles et partiales qui nous enferment comme dans un cercueil, afin que le Christ nous ressuscite comme ce jeune homme et nous confie par son amour et sa vérité à celle qui nous engendre spirituellement, c'est-à-dire notre Mère, la sainte Église orthodoxe. Alors nous aussi émerveillés comme cette foule bigarrée devant tout ce que notre saint Christ accomplit pour nous, nous pouvons chanter « Dieu est parmi nous et avec nous ».

 

C’est dans l’Esprit de Vie, après notre mort au péché que nous pouvons passer de la vie à la Vie, étant devenu nous aussi des vivants par la Grâce de la Divine Trinité, à laquelle soit la Gloire dans les siècles des siècles, amen.

 

+ Syméon          

dimanche 15 octobre 2023

L’amour des ennemis.


(Luc, 6, 31 à 36)

Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, amen.



Aujourd’hui, notre sainte Eglise Orthodoxe nous enseigne comment mettre en œuvre non seulement dans l’Eglise mais surtout dans notre existence quotidienne, les valeurs évangéliques dont nous savons que le début, le milieu et la fin, s’enracinent dans cette source unique qui est « l’amour de Dieu pour l’homme, qui engendre l’amour de l’homme pour Dieu, pour l’Eglise et pour le prochain ». Le saint Evangile résume parfaitement cette ascèse de vie par cette parole simple mais d’une grande profondeur spirituelle, en nous disant : « ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites le également pour eux », et « montrez-vous compatissant, comme votre Père céleste est compatissant ». 

 

Dans Genèse 1, 26 et 31, nous lisons que Dieu dit « faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance… et… Dieu vit tout ce qu’IL avait fait, cela était très bon », cet homme-là, sorti des mains saintes de Dieu avait comme vocation de cultiver le Paradis selon la volonté divine et il ne connaissait pas le pouvoir destructeur de la haine du prochain. Le Christ dit « vous scrutez les Ecritures, vous faites bien, car elles parlent de moi », nous pouvons méditer sur la genèse de  l’homme au Paradis, là où commence pour lui sa cohabitation avec Dieu, contempler l’humanité  créée par Dieu avant la chute en Adam et ce que cette même humanité est devenue aujourd’hui. N’est-ce pas dans le Paradis qu’Adam et Eve ont été manipulé par celui qui est le seul ennemi non seulement de l’homme mais de Dieu lui-même, à savoir « Satanle premier tentateur et l’incarnation même de la haine envers l’homme ». 

 

Saint Paul nous rappelle que si nous possédons toutes les richesses matérielles du monde et  tous les savoirs du monde, mais si nous restons sans amour, alors nous ressemblons à une « timbale creuse », à une cacophonie inhumaine qui finit par nous rendre inaudibles à nous-mêmes et sourds aux autres. 

 

Saint Jean nous dit « celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas », cela signifie que mon amour pour Dieu est à la juste mesure de mon amour pour mon frère, mais le Seigneur demande plus, car il nous dit « aimez vos ennemis, faites du bien à ceux  qui vous haïssent, prêtez sans rien attendre en retour », voilà à quel niveau d’exigence et de plénitude le Seigneur situe notre vocation, n’est-ce pas là, l’ascèse même de la voie et de la vie orthodoxe, à l’image du Seigneur et dont l’Eglise a vocation à témoigner.  

 

Voilà la grande ascèse, le grand œuvre d’amour « aimez nos ennemis », que Dieu lui-même a déposé comme un trésor de bénédictions dans l’humanité depuis Adam et que seulement  l’incarnation du Seigneur peut nous permettre aujourd’hui d’accomplir, selon sa parole « sans Moi, vous ne pouvez rien faire ». Un chrétien orthodoxe peut-il avoir un seul ennemi au sein de l’humanité ? Ne sommes-nous pas les disciples de Celui qui nous a dit « aimez ceux qui vous haïssent, pardonnez à ceux qui vous persécutent, priez pour ceux qui vous font du mal », qui peut penser qu’il est possible d’aimer ainsi sans la grâce divine reçue dans l’Eglise. 

 

Pourtant nous voilà invités à vivre et à apprendre à aimer comme Dieu nous aime, Dieu nous demanderait-il l’impossible, il nous est demandé d’aimer et d’incarner la bonne nouvelle du salut de notre Dieu par la célébration de la prière personnelle et liturgique, pourquoi ? Parce que la « Nature divine étant consubstantielle aux Personnes divines », qui peut penser qu’une des Personnes divines ignore ce que vit chaque Personne divine, de même notre « nature humaine est consubstantielle à toute l’humanité », ce qui signifie que célébrer est une véritable œuvre d’amour qui se répand dans notre nature humaine consubstantielle et universelle.

C’est pourquoi, nos saints Pères peuvent dire « un tombe, tous tombent, un se relève, tous se relèvent », parce que la nature humaine est une, universelle et indivisible. Ne sommes-nous pas tous tombés en Adam et la nature humaine n’a t’elle pas été relevée par le Christ ? Mais peut-être penserons-nous, si la nature humaine est consubstantielle à toute l’humanité, pourquoi donc la grâce liturgique n’est-elle pas ressentie et efficiente partout ? Parce que la grâce divine s’arrête à la porte de la liberté de l’homme, qui peut ou non l’accueillir.

 

L’Eglise n’est-elle pas une icône spirituelle et réelle du Royaume de Dieu ? N’est-ce pas d’abord dans l’Eglise en présence de Dieu, que nous apprenons à nous aimer les uns les autres ? Mais si notre cœur, se laisse empoisonner par les tentations du Malin et de son complice le vieil homme, si notre cœur est « rempli de désobéissance envers Dieu, de jalousie, de pensées mauvaises, de haine, de paroles dissimulées remplies d’hypocrisie », alors notre existence devient caricaturale, notre détresse indicible, et notre soi-disant vie spirituelle se révèle comme une ténébreuse illusion psycho-charnelle. 

 

C’est pourquoi la divine providence, comme déjà signifié ailleurs, a déposé l’Eglise au cœur du monde, l’homme et la femme de bonne volonté au cœur de l’Eglise et Dieu s’est déposé au cœur même de l’homme, pour accomplir ensembles le salut de chacun, dans l’espérance de « sauver le bon et le mauvais larron ». Saint Paul désigne clairement qui est notre véritable ennemi et cet ennemi n’est pas d’abord extérieur à nous, oui, nous le connaissons et le subissons depuis la chute, c’est celui que l’Ecriture appelle le « vieil homme en nous », celui qui a cristallisé dans son âme tous les mensonges du monde déchu. C’est lui le serviteur impitoyable du « menteur et père du mensonge » qui refuse de se laisser convertir et nous considère comme des objets, qui nous persécute et nous dresse les uns contre les autres. C’est lui le ver empoisonné qui nous ronge de l’intérieur et veut nous entraîner dans les chemins de la perdition par la haine de Dieu et du prochain. Ce vieil homme chaotique et insensé n’a d’autre réalité que celle que nous lui accordons par nos pensées et nos actes qui sont contraires à la vie évangélique et orthodoxe, il est le visage difforme de toutes nos passions malsaines et il rempli de ténèbres nos âmes désorientées. 

 

Que faire alors, dirons-nous peut-être ? Nous tourner vers Dieu dans l’Eglise, pour ne plus succomber encore et encore aux pièges du vieil homme sans compassion, notre pratique religieuse consistera à ne plus être dupe de nous-mêmes, d’apprendre à discerner entre les illusions des ténèbres hérétiques et la lumière réelle de l’orthodoxie. Etre au clair avec moi-même, sortir de l’aveuglement des pensées mondaines et me tourner résolument vers la lumière divine, transmise par nos saints Pères dans la sainte Eglise de notre Seigneur Jésus-Christ. Vivre ma vie orthodoxe et me libérer Dieu bénissant, de mes ennemies intérieures que sont toutes ces pensées qui pullulent et s’agitent dans un chaos de fantasmes désincarnés. Retirer peu à peu tous ces masques trompeurs que l’ignorance transgressive, veut me faire porter au « nom du père du mensonge et prince de ce monde ». Apprendre à devenir une « personne » en refusant de jouer des personnages de mauvaise comédie sur une scène imaginaire, être un visage et non un masque, car comme le dit saint Irénée de Lyon  « la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant » et non l’individu caricatural et ennemi de lui-même et par extension de l’humanité.

 

Ne pensons pas que la compassion aimante ne s’adresse qu’à l’autre, ami, frère ou ennemi, non, elle s’adresse d’abord à nous-mêmes, pourquoi ? Parce que si nous nous laissons déborder par des pensées contraires à l’esprit évangélique à cause de l’endurcissement de notre cœur et l’ignorance de l’essentiel, alors nous continuons à faire survivre en nous le vieil homme et toutes ses folies. Nous devenons des êtres égarés, bourreau et victime de nous-mêmes, aliénés par nos propres limites existentielles, perdus dans les pensées prisonnières du temps et de l’espace éphémère de notre condition humaine, sans « contemplation réelle de l’à-venir ». 

 

Mais dans cet état contre nature, rien ne sert de nous accabler ou de faire porter à l’autre, le fardeau de nos limites, venons plutôt à l’Eglise pour confesser à notre Père céleste notre souffrance spirituelle, demandons avec confiance et humilité, à notre Dieu, Ami de l’homme, de nous illuminer par l’intelligence du cœur, afin de convertir l’épreuve tyrannique qui nous persécute en bénédiction et vie spirituelle. 

 

L’Esprit de Dieu plane sur nous et nous est donné par le saint baptême, pour que nous ne succombions pas aux tentations d’un monde aveuglé par des illusions aussi vieilles que le péché, demandons l’aide inestimable de l’Esprit et bénissons-nous selon sa grâce pour apprendre à aimer l’autre, car c’est « en aimant l’autre », ennemi ou non, que je peux moi-même accueillir l’amour de Dieu. Etre aimé de Dieu, n’est-ce pas être proche de Dieu, comme le fut Jean le bien-aimé, comme le furent tous les Saints, n’est-ce pas en venant dans l’Eglise que nous montrons à Dieu notre désir de lui être proche au point de « le manger et de le boire », afin de devenir un seul esprit avec Lui, sans confusion ni séparation.

 

Cette recherche persévérante de la communion avec le Seigneur, peut me révéler peu à peu qui je suis, me donner de connaître pourquoi j’existe et dans cette sagesse divino-humaine, dans ce don divin, je peux devenir celui qui aime et qui peut se laisser aimer. Car en toute vérité, ne peut se laisser aimer que celui ou celle qui désirera dans son cœur accueillir l’amour de notre Dieu. Ne pas apprendre à aimer, c’est se condamner à demeurer un individu dont l’existence n’a aucun sens réel, un arbre sans fruits, une fontaine qui se tarie, un jour sans soleil et des nuits sans étoiles, c’est s’interdire de devenir une personne humaine accomplie. C’est pourquoi, « l’ascèse d’amour » vécue par nos saints Pères et saintes Mères en Christ est la voie royale, la vocation fondamentale que l’Eglise orthodoxe doit transmettre à ses enfants, et que ceux-ci avec la grâce divine doivent transmettre à leur tour, à l’humanité et à toute la création divine. 

 

« Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le pour eux », cette parole du Christ ne peut être réalisée « qu’avec la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu le Père et la communion de l’Esprit Saint », alors que voulons-nous que les hommes fassent pour nous et que voulons-nous faire pour eux ? Notre espérance, pour nous orthodoxes n’est-elle pas que le Dieu-Homme, fasse de chacun d’entre nous un « christ aimant, saint, humble et sage », et notre prière tant personnelle que liturgique n’est-elle pas le témoignage que nous espérons cette même réalité spirituelle pour toute l’humanité. Sommes-nous donc des doux rêveurs et des très grands naïfs pour affirmer une telle espérance ? Si nous pensons cela, alors notre foi devient vaine, car nous ne serions préoccupés que par notre salut individuel, alors que la mission de l’Eglise est universelle.

 

« Soyez compatissant comme votre Père céleste est compatissant », qui peut croire qu’une telle œuvre spirituelle est accessible dans sa plénitude à l’homme psychique, relisons saint Paul et méditons ce qu’il nous enseigne concernant le chemin qui nous mène « de l’homme psychique à l’homme spirituel » et nous serons édifiés. L’Eglise n’a-t-elle pas comme vocation de nous guider à partir de ce que nous sommes et de ce que nous avons vers cet « homme spirituel », qui en nous « veille silencieux et caché avec le Christ en Dieu », jusqu’au jour de sa révélation ? Devenir un christ, icône véridique et vivante du Christ compatissant, voilà l’ascèse vivifiante que nos saints Pères et Mères ont réalisé dans leur existence là où la divine providence les a placé et en cela, ils ont participé au salut du monde. Que Dieu fasse de nous et avec nous un tel « christ », n’est-ce pas là, notre vocation dont témoigne L’Eglise depuis notre création originelle !

 

Au Père source de l’amour, au Fils qui l’a répandu dans l’humanité et à l’Esprit Saint qui nous garde dans l’amour, soit la gloire dans les siècles des siècles, amen.

 

+ Syméon

La Pêche Miraculeuse.


(Luc : 5, 1 – 11)

Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, amen.



Aujourd’hui, L’Eglise orthodoxe notre véritable barque spirituelle nous invite à voyager avec le Christ en elle afin d’entendre de lui les paroles de la vie éternelle pour mettre en œuvre avec nous notre existence religieuse et bénir notre devenir en vue de notre salut. De quoi parle le Seigneur ? De pêche qui de laborieuse et stérile devient douce et abondante, si nous la vivons avec le Christ.

 

Nous comprenons qu’il s’agit ici et pour nous d’une pêche spirituelle, qui pour porter de bons et savoureux poissons, nous demande à l’image du Christ de quitter tout ce qui nous enserre au point d’étouffer et la parole de Dieu et jusqu’à notre propre existence. Que fait le Christ ? Il monte dans une barque et nous invite à y monter avec lui pour nous éloigner du rivage, c'est-à-dire à distance des lieux communs, qui alimentent nos pensées, nos paroles ou nos œuvres, et  nous empêchent de nous renouveler en esprit et en vérité.

 

Imitons le Seigneur, car il est l’unique modèle de toute perfection et comme Lui, enseignons le saint évangile à notre cœur et à notre esprit qui gémissent de l’abandon dans lequel nous laissons notre existence spirituelle. Notre Saint Christ, voit la lassitude parfois extrême qui peut saisir chacun d’entre nous, lorsque comme ces pêcheurs, nous avons le sentiment que rien ne va, que nous sommes incapables de nous engendrer à la beauté de la vie religieuse, que nous avons lancé tant et tant de filets au sein de nos familles, amis ou couples et que sans cesse, tout nous semble stérile et inutile. 

 

Que dit le Christ ? Jette encore et encore le filet de l’espérance dans ta vie jusqu’à atteindre un jour ton cœur profond, et là tu verras émerveillé qui tu es vraiment depuis toujours et pour toujours dans la liberté intérieure. Le Seigneur est là, au bord du lac, il contemple sereinement ce qui se passe autour de lui, puis choisit une barque c’est-à-dire une orientation précise parmi celles qui sont possibles. Nous aussi nous devons apprendre à discerner dans quelle barque et avec qui nous y montons pour ne pas nous retrouver encore et encore dans les galères qui prennent un malin plaisir à se répéter. Le Christ ne s’est pas embarqué tout seul pour accomplir son œuvre, la solitude qui enferme serait ici le signe même de la stérilité spirituelle. Il embarque avec tous ceux et celles qui désirent le suivre, pour traverser ensemble les nuits et les jours de notre vie en Dieu et dans le monde. 

 

Le Christ dit à Pierre  « jette en eau profonde », c'est-à-dire quitte la superficie des êtres et des choses si tu veux pêcher la vraie vie qui est le fond même de ton être et de ta personne. Pierre répond comme pour se justifier, ce que nous faisons en permanence, mais qui nous demande de nous justifier, « nous avons pêché toute la nuit sans rien prendre ». Si nous cultivons sans cesse la nuit de nos ignorances, de nos doutes, de nos erreurs, nous risquons de mourir littéralement de faim spirituelle, mais si nous nous tournons résolument vers le Christ, alors pour nous aussi la pêche sera miraculeuse et si abondante que nous aurons naturellement le désir de la partager avec tous nos frères et sœurs qui le souhaitent. 

 

Les miracles spirituels se réalisent dans la communion des personnes et non dans le jugement des individus envers d’autres individus. Si nous estimons que l’autre n’est pas digne de participer à la pêche spirituelle dans l’Eglise dans telle ou telle fonction, qu’un tel ou une telle vu son histoire ne devrait même pas être reçu dans l’Eglise, alors Dieu lui- même avec toute Sa miséricorde et Sa compassion ne nous sert à rien, car notre attitude serait celle de braconniers qui volons non seulement notre frère ou notre sœur, mais dépouillons en quelque sorte Dieu lui-même de Sa divine générosité. Disons humblement nous aussi avec Pierre : « Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un pécheur », alors L’Esprit de toute grâce nous libèrera de tout jugement sur nous-mêmes et sur l’autre en nous donnant de nous recouvrir les uns les autres du manteau de l’amour fraternel et de la prière de compassion authentique.  

 

Regardons la vie dans l’Eglise du Christ, voici la barque du prêtre et celle du diacre au service de l’Autel, celle du chef de chœur et celle des choristes ensemble au service de la Communauté tout entière, celle des Fidèles unis à celle du chœur et à celle de l’Autel, les barques des saints et des anges qui s’unissent pour concélébrer avec nous, toutes ces barques pour accomplir une seule et unique œuvre divino-humaine qui est de célébrer les très saints Mystères du Christ, ceci n’est possible que dans l’amour de Dieu et du prochain, par la persévérance de l’ascèse évangélique.

 

Que dit le Christ encore à Simon-Pierre : « sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu vas pêcher ».  Cette parole est dite pour chacun et chacune d’entre nous, nous devons jeter le filet de l’amour de Dieu au fond de nous-mêmes pour y pêcher notre humanité et la sanctifier. Cette pêche de soi-même est une voie spirituelle bénie par le Seigneur, pour veiller sur ce que je suis de plus précieux dans le regard de Dieu. Veiller sur ce que je porte de plus beau et de plus vrai en moi, c'est-à-dire l’image de Dieu, c’est nourrir la vie divine en moi, oui je veille sur la présence divine en moi et nous comprenons avec tous les saints, que l’icône parfaite d’une telle veille c’est Marie-Théotokos.  

 

L’Eglise orthodoxe connaît toutes les conditions d’une telle veille et les donnent à qui veut s’en rassasier, il suffit de venir et de persévérer dans la célébration de la Divine Liturgie et de prolonger celle-ci dans l’existence quotidienne pour que la pêche devienne peu à peu abondante et savoureuse spirituellement et riche humainement. Voulons-nous une voie parfaite pour être sanctifié, alors apprenons à vivre selon l’amour du Christ. Saint Jean nous dit « Dieu est Amour » et saint Paul nous dit « tout passera sauf  l’Amour ». Prions Dieu de nous donner d’aimer ainsi, car autrement, je ne peux me réjouir de l’existence de l’autre, ni me réjouir de ma propre existence et je vais recommencer à persécuter l’autre et à me persécuter dans une farandole de folie sans issue existentielle et encore moins spirituelle.

 

Ne nous épuisons pas à lutter frontalement contre nos péchés et à désespérer de notre salut, mais apprenons à cultiver l’amour de Dieu et l’amour pour la vie selon l’Evangile du Christ. Souvenons-nous que nous sommes chacun et chacune un Christ en puissance et puisons dans cette vérité, l’ascèse qui est bonne pour nous. L’amour se nourrit d’amour et la Divine Liturgie est le Don même de l’Amour et cet Amour est porté et engendré par la lumineuse et splendide humilité de l’Eglise orthodoxe de notre saint Christ. 

 

La prière tournée vers Dieu, est la meilleure médiation pour être exaucé selon cette parole « demandez et vous recevrez », mais comment prier ? Ne pas penser la Divine Liturgie, mais la célébrer dignement ce qui signifie apprendre à « être présent à la présence divine dans notre prière personnelle ou liturgique », laisser la grâce nous enraciner dans la prière en vue d’acquérir par l’Esprit Saint la prière profonde et pour cela « être simple, être confiant et être attentif ». 

 

Etre simple, selon cette parole du Psaume 116, 6 « Dieu garde les simples », saint Paul en Ephésiens. 6, 5 « serviteurs, obéissez dans la simplicité de vos cœurs », c’est à dire prions sans aucune recherche de sensations intérieures ou extérieures et laissons à L’Esprit Saint le choix des fruits de cette expérience pour nous.

 

Etre confiant, selon cette parole du Psaume 73,28 « je mets ma confiance dans le Seigneur », c’est être dans la certitude que Dieu est là, non seulement il nous écoute et nous voit, mais il répond toujours de manière personnelle, inutile de crier comme si Dieu était lointain ou pire absent, IL est là.

 

Etre attentif, selon cette proclamation du prêtre ou du diacre pendant la célébration liturgique « soyons attentifs »,d’abord à nous-mêmes ne nous laissons pas détourner de l’essentiel, accueillons ce que l’Esprit dit à l’Eglise et à notre esprit, et dans cette attention à la présence divine, disons les mots de la prière simplement et avec confiance, revenons tranquillement à la prière à chaque fois que nous prenons conscience que nous nous sommes laissés dispersés par des pensées inutiles et stériles, juste revenir à la prière en nous signant sans nous juger ni juger la qualité de notre prière. 

 

La Tradition spirituelle de notre Eglise propose à notre liberté la « prière de Jésus », comme modèle pour apprendre à prier, mais pour que la prière porte des fruits selon Dieu, nous devons haïr le péché et non le pécheur, le péché est inhumain et donc étranger à l’homme créé par Dieu à l’origine. Mais ne luttons pas seul contre les péchés, ne nous isolons pas au cœur de l’Eglise ni au sein du monde, prions Dieu de nous donner la grâce de convertir en nous les ténèbres en lumière en apprenant à cultiver l’acte d’aimer, c’est à dire, pratiquer l’enseignement évangélique pour l’amour de Dieu et du prochain, « l’amour divino-humain est le vrai poisson seul désirable de la pêche spirituelle », dont nous parle l’Evangile de ce jour.  

 

C’est pourquoi, la barque de l’Eglise a vocation à pêcher l’homme dans la mer de l’humanité, elle nous emmène infiniment plus loin et plus profond que celle d’Ulysse à la recherche de la toison d’or dans le jardin des Hespérides, elle vogue bénie vers le Royaume de Dieu afin que nous soyons revêtus de la robe nuptiale en vue de nous rassasier autour de la table du Christ, par les poissons spirituels contenus dans la divine grâce pour la vie éternelle.

 

Au Père source de l’Amour, au Fils incarnation de l’Amour et au Saint-Esprit d’Amour, soit la Gloire, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles, amen. 

 

+ Syméon 

 

lundi 2 octobre 2023

La Cananéenne.

(Mat. 15, 21 à 28)

Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, amen.



Aujourd’hui, l’Eglise nous invite à travers l’exemple d’une femme païenne à ne pas nous laisser dépouiller de l’héritage spirituel et matériel que Dieu créateur a déposé dans l’être dès l’origine du monde. De quoi s’agit-il ? D’une histoire d’amour et de souffrance qui unit une mère à sa fille possédée par un démon qui rend son existence invivable, mais ne tombons pas dans le piège inhumain d’un jugement du genre, si elle est possédée, elle doit bien y être pour quelque chose, ce sont des païens donc quoi d’étonnant si leur vie est remplie de ténèbres.

 

Dieu aurait-il crée les uns bons et d’autres mauvais ? Qui peut vouloir adorer un tel Dieu ? Que lisons-nous dans le livre de la Genèse 1, 27 « Dieu créa l’homme à son image, homme et  femme IL

les créa » avec toute la sagesse, la beauté, la grâce et la liberté de devenir une personne divino-humaine accomplie par la pratique volontaire d’une ascèse spirituelle et religieuse, qui pour nous est la voie et la vie orthodoxe.  

 

Cette femme cananéenne créée à l’image divine, est appelée à devenir ressemblante à cette image originelle, elle porte en elle la grâce qui habite et accompagne toute l’humanité et qui la conduit aujourd’hui vers Jésus, qu’elle appelle « Seigneur et Fils de David », ces deux Noms désignent dans la théologie hébraïque, le « Messie » c’est à dire l’envoyé de Dieu prophétisé et qui a pour seule et unique vocation le salut de l’homme, car dit encore le Seigneur « Je ne suis pas venu pour juger le monde mais pour le sauver ». 

 

Voici donc, cette femme qui interpelle Jésus le Messie et lui dit « aie pitié de moi, Seigneur Fils de David, ma fille est fort malmenée par un démon », mais Jésus ne lui répond pas un mot, au point que ses disciples le priaient « fais lui grâce, car elle nous poursuit de ses cris », cette femme et mère crie vers le Seigneur par amour et compassion envers sa fille, elle n’est pas préoccupée de son confort personnel, non, elle vit le drame qu’éprouve son enfant, elle ressent la souffrance de sa fille, là où les disciples impatients demandent au Christ d’intervenir pour que cette femme cesse de les harceler par ses cris. 

 

Jésus répond « Je n’ai été envoyé que vers les brebis perdues de la maison d’Israël », mais la femme prosternée devant lui insiste « Seigneur, viens à mon secours », elle vit dans son âme l’épreuve de la possession et de la souffrance de sa fille avec la même acuité que son enfant, Jésus lui répond à nouveau et dit « il ne sied pas de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens », si nous ne voyons comme les disciples que les seules apparences de ce drame, la parole de Jésus nous apparaitra non seulement incompréhensible mais d’une grande dureté de cœur. Notre discernement partiel et partial ne peut sonder la profondeur de l’enjeu de la relation de Dieu et de cette femme, le Seigneur seul connait l’abîme du cœur de cette femme, il sait en esprit et en vérité que par son attitude d’apparente indifférence, il va renforcer le désir de cette mère d’être exaucée.

 

Alors, cette femme répond au Seigneur Jésus « oui, mais justement les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres », et Jésus l’ayant amenée à exprimer sa pensée lui répond en retour « O femme, grande est ta foi, qu’il t’advienne maintenant selon ton désir et dès ce moment sa fille fût guérie ». La guérison que le Seigneur Jésus veut donner à celui ou celle qui la lui demande, n’est pas le fruit d’un acte magique, le don de la guérison demande d’être incarné par la personne en souffrance et cela suppose un dialogue vrai qui tient compte de l’état réel de la personne éprouvée.

 

Peut-être quelques uns penseront, pourquoi toute cette mise en scène, le Christ ne pouvait-il pas guérir cette fille, juste en lui disant, Je le veux soit guérie ? Bien sûr, qu’il le pouvait même sans lui prêter la moindre attention ! Mais le Seigneur privilégie toujours la rencontre personnelle et si possible un dialogue qui permet de faire émerger la pensée, l’espérance et le désir profond de la personne humaine.

 

Ce qui caractérise cette femme païenne, c’est l’amour et la compassion qu’elle ressent pour sa fille possédée et l’humilité audacieuse mais pleine de confiance envers celui qu’elle appelle « Seigneur et Fils de David », ce drame qui éprouve notre humanité et aussi le beau témoignage qui montre que le miracle peut faire irruption dans notre humaine condition, le miracle n’est pas un droit que Dieu me devrait, mais une œuvre spirituelle qui unit Dieu et l’être humain. 

 

L’Evangile de ce jour montre que pour que la grâce vivifiante puisse s’incarner dans notre humble quotidien, elle demande notre participation qui ne consiste pas à vouloir réaliser des exploits ascétiques, mais à apprendre à mettre en œuvre de manière concrète ici et maintenant, la volonté divine qui nous est proposée dans l’Eglise et par l’Ecriture sainte. 

 

C’est pourquoi, le Psalmiste nous met en garde contre les faux dieux qui rôdent comme des voleurs d’âme à la recherche d’une proie naïve et qui sont « des idoles faites d’argent et d’or, œuvres de la main des hommes, idoles qui ont des bouches et ne parlent pas, des yeux et ne voient pas, des oreilles et n’entendent pas », menteurs sans scrupules et idoles déconnectées de toute expérience divino-humaine, de toute référence à Dieu, loups ravisseurs déguisés en moutons passés maitres pour envoûter les cœurs brisés. 

 

Voici donc, cette païenne méprisée par certaines castes de prêtres hypocrites qui se voient volontiers comme des modèles à suivre, réprimandée en plus par les disciples du Christ sous prétexte qu’elle leur casse les oreilles, mais malgré toute cette antipathie agressive cette femme reste debout dans l’espérance, car elle sait par une certitude intérieure qu’elle sera finalement accueillie, écoutée et exaucée par celui que l’Eglise confesse comme le véritable et unique Grand-Prêtre, à savoir notre saint médecin des âmes et des corps, le Christ, elle a ressenti au fond de son être que ce Jésus pouvait et voulait sauver sa fille malade. 

 

Jésus par l’image des petits chiens ne méprise pas cette femme ni aucun être, il désire éveiller celui ou celle qui le souhaite à l’existence d’une nourriture bien plus essentielle que des simples miettes, il se donne comme la véritable nourriture qui seule peut donner la vie éternelle. L’Eglise est le lieu où Dieu invite l’homme à sa table mystique afin de le nourrir à travers la sainte Cène par le Corps et le Sang du Seigneur et Sauveur et le préparer ainsi à accueillir dans le Royaume à venir son Dieu selon cette parole, alors « Dieu sera tout en tous ».

 

L’Eglise a vocation d’être à l’image de cette cananéenne, la voix qui prie et crie vers Dieu de libérer l’humanité de toutes les possessions qui oppriment l’homme et l’empêchent d’aller librement vers Dieu son Créateur. Dieu à travers l’épreuve de cette femme et de sa fille, nous invite à venir le rencontrer quelque soit notre situation individuelle, Dieu regarde notre cœur et notre désir et nous propose d’avancer dans la vie avec Lui. En Jean 14, 1, Jésus nous dit « que votre cœur ne se trouble pas » et en Jean 16, 22 « Je vous reverrai et votre cœur se réjouira », avec moi vous pouvez être plus grand que vos épreuves existentielles, car par ma grâce votre cœur ne sera jamais dans sa profondeur spirituelle soumis à une quelconque fatalité.

 

Au Père de l’humanité, au Fils devenu homme parmi nous et à l’Esprit-Saint qui nous humanise en esprit et en vérité, soit la gloire dans les siècles des siècles, amen.

 

+ Syméon