(Matthieu 22, 2 à 14)
Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, amen.
Aujourd’hui, l’Eglise nous invite à venir festoyer à la table royale, sainte et sacrée du Royaume des Cieux pour nous nourrir non par des aliments périssables, mais de la nourriture essentielle qui est Dieu lui-même dans le « Don de son Corps et de son Sang ».
L’Evangile dit « un roi fît un festin de noces pour son fils », les noces signifient ici une invitation donnée par un père qui voulait témoigner de son amour pour son fils et partager cet amour avec tous ceux et celles qui étaient conviés au banquet nuptial...mais les invités ne voulurent pas venir.
Ce roi terrestre peut être vu comme une icône du Roi céleste qui nous invite sans cesse lui aussi à venir au festin nuptial et liturgique, et combien sommes-nous à décliner l’invitation pour des motifs futiles et si souvent mondains, le fameux « je n’ai pas le temps », j’ai tant de choses à faire comment pourrais-je être disponible et surtout le dimanche, le « seul jour où je ne travaille pas ».
A qui est donc promis le Royaume des Cieux ? Aux « pauvres en esprit et aux persécutés pour la justice », ceux dont l’esprit est riche des pensées et œuvres mondaines se ferment donc eux-mêmes le Royaume tout comme ceux qui cultivent l’injustice. De quelle injustice est-il question ici ? De celle qui consiste à persécuter et à laisser persécuter les « croyants qui viennent librement au festin liturgique », et de tous les actes contraires à la liberté religieuse.
Comment ceux et celles qui refusent les invitations aux festins liturgiques et qui empêchent y compris par la force ceux qui veulent y aller, comment pourraient-ils être parmi ceux dont l’Apocalypse en 19,9 dit « heureux les invités au festin de l’Agneau », comment pourraient-ils se rallier à la parole de l’Ange du Seigneur qui en Apocalypse 19, 17 crie « venez, ralliez le grand festin de Dieu » ? Malheurs donc à tous les faux prophètes qui enseignent à se nourrir des hérésies indigestes véhiculées dans les savoirs partiels et partiaux du monde.
Mais Dieu a préparé un festin pré-réparateur qui peut restaurer tout homme ou femme dans sa dignité originelle, c’est ce que nous montre la parabole du « Fils prodigue », là aussi, c’est un « père » plein d’amour qui a toujours espéré le retour de son « fils » et que fait-il après la conversion intérieure de son fils, sinon un » grand festin » pour celui qui était en proie à la mort par le péché et qui aujourd’hui ressuscite dans les bras de son père, « mettez-lui une robe blanche et un anneau d’or au doigt, venez et festoyons, car mon fils qui était mort est vivant ».
Cette conversion indispensable et permanente de tout prodigue que nous sommes tous plus ou moins nous prépare à participer avec « crainte de Dieu, foi et amour » à la sainte Cène qui elle-même nous prépare à la communion spirituelle du banquet céleste dans le Royaume des Cieux où nous serons nourris d’Esprit à esprit, car alors « Dieu sera tout en tous », ce « tous » étant le « petit troupeau » qui aura suivi l’Agneau de Dieu tel que prophétisé en Luc 12, 32 qui dit avec force « sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père s’est complu à vous donner le Royaume ».
L’Evangile poursuit « le roi entra...aperçut là un homme qui ne portait pas la tenue de noces et lui dit, mon ami, comment es-tu entré ici sans avoir une tenue de noces ? L’homme resta muet », il existe un autre passage de l’Ecriture dans lequel le Christ lui-même interpelle un homme en l’appelant « mon ami, fais ce que tu as à faire », « mon ami » parole extraordinaire d’amour du Dieu-Homme adressée à Juda. Le Seigneur ne dit pas à Juda, va me trahir, non, il lui dit « « fais ce que tu as à faire », c’est à dire, fais en esprit de vérité ce qui est justice pour ton salut, Juda avait donc le choix de choisir entre la vie et la mort. Épreuve redoutable que celle du mystère de l’iniquité qui montre à quelle hauteur spirituelle de grâce l’homme uni à Dieu est appelé à s’élever pour ne pas succomber à la tentation.
L’Evangile poursuit « les serviteurs s’en allèrent par les chemins, ramassèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, les mauvais comme les bons, et la salle des noces fut remplie de convives », voici donc là devant nous, « l’Eglise, salle des noces » dans laquelle sont invités les bons et les mauvais pour festoyer allègrement dans l’Eglise, nous y trouvons différentes sortes de nourritures, par exemple, l’enseignement du Seigneur « Chemin, Vérité et Vie », rien n’empêche un « mauvais » d’être touché par la grâce ou un « bon » d’être déchu de la même grâce, oui, l’ascèse est une nécessité, nous savons que le « Royaume appartient à ceux qui se font violence pour y entrer ».
La « tenue de noces » est en relation directe avec l’amour de l’homme pour Dieu et l’amour de l’homme pour son frère, car, il n‘est possible de vivre dans le Royaume que par ce qui dure éternellement, et saint Paul nous enseigne que « l’amour est ce qui reste », ni les savoirs, ni les langues ne resterons, ce qui passe est éphémère et ne peut prétendre à la qualité de « tenue de noces », le Royaume de Dieu n’est pas le royaume du monde des apparences passagères, c’est pourtant paradoxalement « dans le monde sans être du monde » que nous sommes invités à mener le bon combat de la vie spirituelle.
Voici que le Roi et Père céleste nous invite à travers les saints, les prophètes et les anges sans cesse au festin eucharistique, mais tout comme la prière personnelle est incomplète sans la prière liturgique, le Seigneur lui-même nous invite à nous rendre dans cette autre salle où nous pourrons participer au festin qui est la communion personnelle avec la Divine Trinité, que nous dit-il ? « si tu veux prier, retire-toi dans ta chambre, c’est à dire rentre en toi-même et reste uni avec toi-même et non désuni, ferme la porte, c’est à dire sois silencieux, veille, vois et écoute, alors prie ton Père dans le secret de ton cœur et dit Lui « notre Père ».
La prière du Notre Père donnée par le Seigneur est la réponse parfaite à notre désir de vivre en Dieu, avons-nous vraiment expérimenté que le Fils a sertie Marie sa Mère comme la pierre précieuse la plus désirable au cœur même du Notre Père, où donc ? Dans le verset « que Ta volonté soit faite », ne partage-t-elle pas ainsi avec son Fils Jésus l’obéissance parfaite au Père. Le Seigneur et Fils unique dit « non pas ma volonté, mais la tienne Père » et l’humble Marie dit à l’Archange Gabriel « qu’il me soit fait selon la volonté du Père », humilité indicible du Fils et de sa Mère. Si Marie est ainsi sertie au cœur du « notre Père », c’est pour que nous allions vers son Fils et notre Dieu et Père par sa médiation, elle qui unit le ciel et la terre dans ses saintes entrailles en la personne de Jésus.
Que dirons-nous maintenant devant le mystère des deux festins spirituels qui en vérité ne font qu’un ? Nous pouvons dire, « Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur », non pas dans une sorte d’auto-flagellation morbide et masochiste dont Dieu ne veut pas, mais avec la prise de conscience de cette parole immense de saint Paul « il est grand, le mystère du Christ et de l’Eglise », nous pouvons même paraphraser cette parole et dire « il est grand, le mystère du Christ et de l’homme », la pleine révélation de ce mystère est le trésor de grâce déposé par l’Esprit Consolateur au cœur de l’Eglise, lieu saint et sacré du festin ecclésial et personnel.
Au Père qui nous invite au festin des noces spirituelles de son Fils unique, au Fils qui est la véritable Manne vivifiante et à l’Esprit qui gémit en nous de manière ineffable, soit la gloire dans les siècles des siècles, amen.
+ Syméon