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samedi 30 mars 2024

Dimanche de saint Grégoire Palamas

 

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen. 


En ce second dimanche de carême je ne voudrais pas passer sous silence le message qu'aujourd'hui même précisément saint Grégoire Palamas veut nous communiquer. Il a été au XIVe siècle le porte-parole, l'expression charismatique du grand courant spirituel qu'on appelle hésychasme.

L'essentiel de ce mouvement porte sur la recherche de l'unité profonde de l'homme dans le cœur, le développement de la pratique et de l'enseignement de la Prière du cœur, qui est l'invocation incessante du nom de Jésus. Il affirme que l'homme peut dans son être entier se transfigurer, se transformer et devenir visionnaire de Dieu, de sa grâce, de sa gloire, de sa lumière, anticipant la vision éternelle du Royaume dans la vie actuelle de l'Église.

Saint Grégoire Palamas n'est qu'un porte-parole d'un courant qui prend son origine dès la naissance de l'Église, qui s'est développé avec les siècles et continue à notre époque.

Ce courant, que nous appelons hésychasme, n'est rien d'autre au fond que la certitude que lorsque le cœur de l'homme est réellement purifié, l'homme tout entier est illuminé ; la certitude que le salut communiqué à l'homme concerne l'homme tout entier, son corps comme son âme et son esprit. Rien dans la vie de l'homme ne doit rester étranger à la grâce et à l'illumination du Saint-Esprit.

Au sein de ce grand courant spirituel, les Pères de l'Église rattachent toute l'histoire

de l'humanité, toute l'histoire sainte d'Israël, toute la sainteté infuse dans l'Ancienne

Alliance qui ensuite fleurit en abondance dans l'Église. À travers l'expérience même de cette transformation du cœur, c'est la présence de la Trinité qu'ils découvrent dans le tabernacle de notre cœur.

Dans cette histoire globale du salut, la Mère de Dieu occupe une place prépondérante.

Saint Grégoire Palamas, dans un de ses sermons sur la fête de l'Entrée au Temple de

la Mère de Dieu dit qu'on peut l'appeler « la mère de la prière perpétuelle ». Si la Mère de Dieu a été digne de devenir celle qui donnerait sa chair humaine pour faire naître en elle le Verbe et Fils éternel de Dieu, c'est qu'elle était profondément et totalement remplie de la grâce de l'Esprit Saint, c'est qu'en elle aboutit tout le chemin préparé par la grande cohorte des élus, des saints, des justes et des pauvres de Dieu dans l'Ancien Testament.

En lisant les psaumes et les prophètes ainsi que le livre mystérieux du Cantique des Cantiques, nous trouvons le pressentiment ou la préfiguration des expériences des saints et des justes qui ruminent, murmurent et gémissent au fond d'eux-mêmes le nom de Dieu, la parole de Dieu et méditent ses commandements. Je voudrais vous lire quelques versets du long psaume 118, celui qu'on peut appeler le psaume de la prière ou de la méditation intérieure. Ce psaume est chanté dans son entier aux matines du Samedi Saint, pendant l'office de l'Ensevelissement du Sauveur, aux matines des défunts et lu chaque jour dans l'office de minuit monastique, 131). Ce dernier verset rappelle le premier hirmos d'un canon à la Mère de Dieu. Ces versets soulignent la profondeur et l'urgence de la méditation de la parole de Dieu dans le cœur humain : « Dans mon cœur j'ai caché tes paroles » (Ps 118,11), dans mon cœur comme dans un lieu mystérieux et secret qui n'est connu que de Dieu et de moi. « J'ai médité tes paroles que j'ai grandement aimées » et « dans la nuit je me suis souvenu de ton nom Seigneur » (Psaume 118, 55) car la véritable prière n'est pas seulement une prière diurne, mais aussi une prière nocturne qui s'accomplit même pendant le sommeil. Certes les Saints, les spirituels, les moines sont appelés à prier tout le temps et particulièrement à se lever la nuit. Mais les chrétiens qui ne peuvent pas le faire peuvent s'endormir dans la prière, pour se réveiller dans la prière. De sorte que la prière s'incorpore au souffle de la respiration, au battement de notre cœur, et que peu à peu la prière s'installe pour ne plus nous quitter.

« Dans la nuit, je me suis souvenu de ton Nom, Seigneur » dit le psalmiste, tandis que la fiancée du Cantique dit « Je dors, mais mon cœur veille » (Ct 5,2). Cette phrase a souvent été méditée dans la tradition spirituelle de l'Église orthodoxe. Ou encore « Que tes paroles sont douces à mon palais, plus que miel à ma bouche » (Ps 118, 103). Non seulement les paroles sont douces, mais la Parole, mais le Nom de Dieu, le nom du Seigneur. « J'ai ouvert la bouche et j'ai aspiré l'Esprit, parce que j'ai désiré ardemment tes commandements » (Ps 118) qui dit : « J'ouvrirai la bouche et elle se remplira de l'Esprit ».

Oui, quand nous ouvrons la bouche pour respirer, nous aspirons et faisons entrer en nous l'air ; mais quand nous ouvrons la bouche pour prier, nous aspirons et faisons entrer en nous l'Esprit. Ces quelques exemples montrent l'expérience profonde emmagasinée dans la prière du peuple d'Israël. Et toute cette expérience cumule et se rassemble et se concrétise dans la Mère de Dieu. Car toutes ces paroles, tous ces versets psalmiques, nous pouvons penser que la Mère de Dieu les a murmurés sans fin dans son cœur. C'est pourquoi elle mérite bien le terme qu'elle se donne devant l'archange Gabriel : « Je suis la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon ta parole. » Dans cette parole s'exprime le « oui » de la Vierge Marie, le fiat, l'amen qui est adhésion totale du cœur de Marie à la volonté de Dieu. De même, lorsque remplie de joie lors de sa rencontre avec Élisabeth, elle chante le Magnificat avec les mêmes mots d'humilité : « Le Seigneur a jeté les yeux sur l'humilité de sa servante. »

La vierge Marie, la future Mère de Dieu se considère comme une servante. Plus tard, elle découvrira ce que c'est qu'être une servante à l'image de son Fils, venu, « non pour être servi, mais pour servir et pour donner sa vie en rançon pour la multitude. » Elle découvrira jusqu'où peut aller ce service, qui est en réalité offrande de tout l'être. Cette offrande totale ne peut se réaliser que dans un cœur embrasé, contrit et brisé par l'amour de Dieu.

Marie réalise en elle la vocation qui est celle de tout homme, celle pour laquelle nous avons été créés sur la terre et qui se résume dans le mot de « serviteur ». Comment ne pas citer ici un autre psaume, que nous lisons dans les vêpres quotidiennes : « Comme les yeux des serviteurs sont fixés sur les mains de leurs maîtres, comme les yeux de la servante sont fixés sur les mains de sa maîtresse, ainsi nos yeux sont tournés vers le Seigneur notre Dieu jusqu'à ce qu'il ait compassion de nous, » (Ps 122,2). Tout est donné dans cet humble regard du serviteur ou de la servante vers la main, – même pas vers le visage ou les yeux – de son maître. Ainsi lorsque nous levons les yeux vers le Seigneur, nous n'attendons, nous ne demandons, nous ne recevons rien d'autre que sa compassion, sa miséricorde et sa grâce. C'est là l'attitude de la Mère de Dieu, la servante du Seigneur. Avant même l'apparition de l'Archange, avant même cette vocation extraordinaire de devenir toute entière le Temple du Seigneur, elle avait déjà transformé son cœur en un autel, dont elle est elle-même le prêtre et l'offrande. En invoquant le Saint Nom, elle le faisait déjà vivre en elle. Chaque fois que nous prions, que nous appelons le Seigneur, il vient habiter en nous. Cette présence ineffable se réalise, avant même la venue du Sauveur, dans le cœur  des justes de l'Ancienne Alliance.

Lorsque l'Archange vient lui annoncer la Bonne Nouvelle de la naissance en elle du Sauveur d'Israël, du Fils du Très-haut, elle sait que désormais le Nom qu'elle prononçait sans cesse dans son cœur, le nom de Yahvé, du Seigneur Dieu va s'unir, se confondre avec le nouveau Nom que l'Ange lui a dit de donner à ce fils, le nom de Jésus. Le nom de Jésus, elle le murmurera à mesure qu'elle sentira grandir dans son sein cette présence nouvelle d'un enfant qui est aussi le Sauveur. Le nom de Jésus et le nom de Dieu ne feront plus qu'un en elle. Marie réalise à travers sa virginale consécration au Seigneur sa maternité pour sa vie entière et pour l'éternité.

C'est une maternité à la fois naturelle et surnaturelle, puisque celui qui naît d'elle naît sans semence d'homme. Mais c'est une maternité élargie à l'humanité entière par son obéissance jusqu'au pied de la Croix du Sauveur. « 'Femme, voici ton fils.' Et à partir de ce moment Jean la prit chez lui. » (Jn 19,27).

Cette maternité universelle de Marie est le prototype de notre existence. Nous devons tous devenir le sanctuaire de la présence de Dieu, nous devons tous, à l'image de la Mère de Dieu, engendrer en nous le Sauveur, le Dieu qui naît en nous d'abord comme un petit enfant fragile, comme l'amour est fragile. Mais il grandit et se fortifie en nous fortifiant. C'est en cela que nous entrons dans la grande famille de Dieu, à travers la prière lorsque la prière atteint notre cœur profond, que nous nous sentons blessés par l'amour de Dieu, happés par son Nom, désirant uniquement la prière et rien d'autre que prononcer le nom de Jésus, le nom du Seigneur, d'invoquer sa miséricorde et sa compassion sur nous et sur le monde entier.

Alors, même vivant dans le monde, nous sommes remplis de Dieu, nous vivons notre vie en Christ, dans l'union réciproque, nous aspirons et expirons l'Esprit en joie, en grâce, en douceur, en compassion sur le monde, à l'image de la Mère de Dieu et des saints.

Amen.

+ Boris Bobrinskoy

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