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dimanche 7 avril 2024

Vénération de la Sainte Croix

 

(Marc, 8, 34 à 9, 1)

                              Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, amen.

 


Aujourd’hui, c'est-à-dire toujours, puisque nous savons que chaque jour est une icône de l’éternité, notre sainte Eglise orthodoxe nous invite à faire librement l’expérience du renoncement. Renoncer à ce qui passe et trépasse, c'est-à-dire nous-mêmes pour acquérir ce qui demeure pour toujours, encore nous-mêmes mais dans notre réalité éternelle divino-humaine.

 

Pour acquérir par la grâce divine notre véritable vocation à la vie divino-humaine, nous devons apprendre à renoncer à rester des individus coupés de leur dimension spirituelle. Si nous nous détournons de Dieu et de l’Eglise, il nous sera impossible de renoncer à tout ce qui en nous et autour de nous, ne cesse de nous harceler pour nous faire abandonner notre vie et notre voie orthodoxe. Pourquoi trouvons-nous si difficile voire impossible de renoncer à ce qui de toute façon ne nous appartient absolument pas, à savoir nous-mêmes, nos proches et nos biens ? Parce que notre foi est encore faible, nous nous laissons séduire par les tentations du monde déchu, alors qu’en vérité notre cœur profond désire la vie divino-humaine, nous ne savons pas comment faire confiance à la divine providence par manque de maturité spirituelle.  

 

Pour un chrétien orthodoxe, la source de son être et de sa vie est la Divine Trinité, qui n’est accessible que par la médiation de notre Seigneur de gloire éternelle qui est notre modèle absolu. C’est Lui qui le premier a renoncé totalement à rester dans l’immuable sérénité au sein de la Divinité, et le signe parfait de ce renoncement est son « Incarnation » parmi nous.

 

La sainte Croix que nous vénérons aujourd’hui dans l’Eglise, est le signe par excellence de l’accomplissement par le Fils de Dieu Lui-même, de son propre enseignement, à savoir : « tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toutes tes forces…et ton prochain comme toi-même ». La Croix est le visage paradoxal de l’Amour de Dieu pour son prochain qui est l’humanité, l’amour peut-il donner plus que sa propre vie, le Christ n’a t-Il pas donné sa vie pour nous ? Mais là où, cette même Croix n’est pas accueillie, l’errance humaine sans Dieu, va perpétuer le visage tourmenté et défiguré de l’humanité déchue.

 

Le renoncement à soi-même n’est pas le reniement de soi-même, mais si je ne renonce pas au vieil homme, l’homme nouveau ne pourra pas être engendré. Ce que Dieu propose à la liberté de l’homme, c’est de renoncer à ce qui l’aliène, de renoncer à porter des masques mensongers sur des scènes imaginaires, pour que puisse rayonner le visage de l’être humain véritable. Le Seigneur dit « celui qui me voit, voit mon Père », de même l’homme en qui habite Dieu, à l’image de saint Paul peut dire « ce n’est plus moi, mais Christ qui vit en moi ». Renoncer à cultiver toutes sortes de personnages plus ou moins artificiels au détriment de la personne, de l’hypostase au sens des Pères de l’Eglise, seule la personne est icône de la Divine Trinité.

Renoncer à croire à l’éphémère et au superficiel, témoigner que notre vocation est la vie éternelle, en baptisant par nos œuvres spirituelles et religieuses, l’humanité et la Création entière, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

 

La Croix comme visage de l’Amour est une antinomie impossible à contempler selon nos limites humaines, mais avec la grâce divine, le Christ nous invite à renoncer à ce qui est limité, afin d’acquérir la plénitude des Dons de l’Esprit de Dieu. La Croix bénit toutes les dimensions de l’être et de la vie, de l’orient à l’occident, du nord au sud, de la profondeur à la hauteur, et sème ainsi le germe de la Résurrection dans l’humanité.

 

Dieu seul aime parfaitement, puisque l’Amour est sa nature même, alors comment faire pour apprendre à aimer comme le Christ ? Renoncer au péché qui empoisonne notre âme, nous détourner des illusions et mirages qui sentent la mort et qui jamais ne pourront engendrer la moindre résurrection. C’est pourquoi le Seigneur nous dit « que sert à l’homme de gagner le monde entier, s’il y perd son âme », l’âme est une création divine et non une œuvre humaine, elle porte l’éternel et non la finitude, elle est crée pour exhaler le parfum de la vie céleste et non la mauvaise odeur du péché.

 

Nous savons que la sainte Eglise orthodoxe est le lieu spirituel au cœur duquel nous apprenons à connaître la « hauteur, la profondeur et la largeur » de l’Amour de Dieu pour l’humanité et dont la Croix est le symbole dans toute sa plénitude. Cette croix qui  plantée au centre de l’Autel du sacrifice non sanglant, est le trône spirituel sur lequel la Divine Trinité assiste à la célébration de la Divine Liturgie et des Saints Mystères du Christ. Notre sainte et splendide Eglise orthodoxe est l’icône qui unit l’Arbre de vie paradisiaque et la Croix, une seule et même réalité spirituelle et liturgique.

 

Le Christ nous avertit : « qui veut sauver sa vie la perdra… » quelqu’un parmi nous peut-il se sauver lui-même ? La seule manière de ne pas perdre sa vie, c’est de la vivre dans toute sa plénitude, par la communion avec Dieu en Jésus-Christ, par la célébration de la Divine Liturgie, qui est le resplendissement de la gloire divine et la transfiguration de l’homme et de la Création.  

 

La Croix est la voie sur laquelle nous expérimentons la « douloureuse joie » dont témoignent les saints et qui aboutit au temps fixé pour chacun par la providence divine à la béatitude éternelle dans le Royaume de Dieu. Ce chemin nous est révélé peu à peu au sein de notre présence vivante dans l’Eglise qui représente elle-même les portes royales par lesquelles l’homme prodigue et racheté, se jette dans les bras du Père Céleste que sont le Verbe et l’Esprit. N’est-ce pas ce que nous révèle l’icône du fils prodigue ?

 

Le monde a été ensanglanté et couronné d’épines dès la chute adamique, tout comme le Seigneur sera couronné d’épines, mais c’est par la sainte épine spirituelle, c’est à dire la Croix, que Dieu va restaurer l’humanité et la création dans la plénitude de la vie, de la vérité et de la beauté céleste du Royaume de Dieu.

 

Les hommes accumulent des savoirs et pensent ainsi devenir des êtres vivants et entiers, mais c’est tout le contraire qui leur arrive, ils se dispersent, s’affaiblissent et finissent trop souvent par mourir sans espérance. La conscience endormie de l’homme sans Dieu, devient le tombeau des « âmes mortes » dont parle Gogol, la paresse spirituelle rend l’homme insensible à l’essentiel qui est « la présence très sainte et sacrée de l’Esprit Saint Consolateur ». L’homme sans Dieu perd sa véritable humanité et finit par s’étioler au sein d’une existence privée de ses racines et vidée de sa sève spirituelle, il devient comme inexistant, en perte d’humanité et sans relation créatrice avec et dans le réel.

 

Saint Jean nous dit « vous êtes dans le monde, mais vous n’êtes pas du monde » tout comme le Seigneur est venu dans le monde sans être du monde, c’est pourquoi, L’Esprit de Dieu nous donne aujourd’hui, la connaissance de la voie royale qui mène à la vie éternelle et qui est tout simplement la Croix de notre Seigneur Jésus-Christ. La Croix du Seigneur de gloire, n’est pas pour l’humanité un instrument de torture, mais l’arbre de vie qui porte des grappes de fruits savoureux, pour nourrir d’amour, de vérité et de beauté l’humaine condition. Mais il appartient à ma liberté de cueillir le raisin de la grâce qui m’est proposée et d’en faire ma nourriture et ma boisson et ainsi de me restaurer peu à peu, et devenir un « être vivant ».

 

L’expérience et le fruit béni de notre croix personnelle, nous amènera en son temps de l’extérieur vers l’intérieur, alors nous connaitrons que la célébration de la Divine Liturgie, est l’expression même de la puissance sanctifiante, libératrice et salvifique de la Croix du Christ, qui nous fait passer de la mort à la vie éternelle.

 

Au Père qui a planté l’Arbre de Vie dans le Paradis, au Fils qui l’a planté par la Croix dans l’Eglise et dans le monde entier et à l’Esprit Saint qui l’a planté transfigurée dans le Royaume de Dieu, soit la Gloire dans les siècles des siècles. Amen.

 

+ Syméon

 

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