(Marc, 8, 34 à 9,1)
Au Nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, amen.
Aujourd’hui, l’Eglise célèbre dans la joie spirituelle, l’Exaltation de la Croix vivifiante, selon cette parole « je ferai de toi le sujet de ma joie », nous ferons donc de la croix du Seigneur le sujet de notre joie par notre foi que sa croix est pour nous l’arbre de vie déposée par Dieu dans l’Eglise et dans notre vie.
Le Seigneur nous dit « si quelqu’un veut me suivre, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive ». Suivre le Christ est donc une décision personnelle, qui demande un
engagement sans faille dans la fidélité envers Dieu, malgré les épreuves qui peuvent plus ou moins nous crucifier dans notre existence quotidienne. Ailleurs le Christ nous dit que « son joug est doux et son fardeau est léger », n’est-ce pas contradictoire ? A quel moment, notre croix devient-elle un fardeau brutal et lourd, la croix devient insupportable dès que nous prétendons la porter tout seul, c’est à dire, sans le Christ et sans l’Eglise.
Pour nous chrétiens orthodoxes, la source de notre être et de notre vie est la Divine Trinité et la croix nous a redonné la grâce de renouer cette communion avec Dieu selon cette parole du Christ à Marie sa Mère et à Jean le bien-aimé « femme voici ton fils, et à Jean, voici ta mère », ce qui signifie que Jésus nous remet à sa Mère icône de l’Eglise comme des fils et des filles, et nous invite à prendre, à notre tour l’Eglise comme notre Mère très aimante à l’image de Jean, qui prend Marie chez lui.
Que celui qui veut me suivre renonce à lui-même, prenne sa croix et me suive, n’est-ce pas le Seigneur qui le premier à renoncer en quelque sorte à rester dans l’immuable sérénité au sein de la Divine Trinité ? Ce renoncement originel est la source même de notre salut, le Fils est resté Dieu tout en devenant homme, de même, sommes-nous appelés à renoncer au vieil homme pour devenir par grâce dieu et d’abord véritablement homme. C’est ce grand don et mystère spirituel qui nous est proposé, et que l’Eglise fête aujourd’hui par l’Exaltation de la précieuse croix du Seigneur.
Nous comprenons que la très sainte Croix que nous exaltons et vénérons dans l’Eglise, est le signe parfait de l’accomplissement par le Fils de Dieu de son propre enseignement, à savoir « tu aimeras le Seigneur ton Dieu…et ton prochain comme toi-même ». La croix est identique à l’amour absolu de Dieu pour son prochain qui est l’humanité rachetée par le Christ. Mais cette croix est aussi le fruit inhumain des passions humaines, qui ont fini par crucifier le Seigneur des seigneurs, notre saint Christ.
Le renoncement à soi-même, que Dieu propose à la liberté de l’homme, c’est de renoncer à ce qu’il n’est pas et qui le rend étranger à lui-même, à savoir une caricature de l’humanité dans laquelle ne rayonne plus la beauté divino-humaine sur le visage de l’homme. La croix comme visage de l’amour divin est une réalité impossible à contempler sans la foi en un Dieu qui aime et qui souffre en Christ de l’éloignement et de l’exil douloureux de l’homme crée à l’image et à la ressemblance de Dieu.
Nous savons que Dieu seul aime parfaitement puisque l’Amour est sa nature même, comment ferons-nous pour aimer et Dieu et notre prochain ? Beaucoup parmi nous se demandent et se tourmentent même avec cette pensée « comment savoir si j’aime Dieu, puisque je ne ressens en moi aucune preuve ni sentiment particulier qui pourrait enfin me rassurer » ?
Le Seigneur répond lui-même, que dit-il en Jean, 14, 23 « si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera, nous viendrons et nous ferons une demeure chez lui », aimer Dieu signifie donc pour nous, accomplir les commandements évangéliques, sans rechercher et encore moins attendre des états spirituels particuliers ou privilégiés, devenir un christ est notre vocation, la grâce du comment appartient à la volonté divine.
C’est dans notre Eglise orthodoxe, que nous apprenons et recevons la grâce de garder le grand trésor de la parole divine, qui est notre témoignage personnel d’amour envers Dieu, c’est dans l’Eglise que nous est révélée quelle est « la longueur, la largeur, la hauteur, et la profondeur de l’amour de Dieu » et la croix en est la réalité dans toute sa plénitude. La croix comme arbre de la vie, est plantée en même temps au centre de l’autel du sacrifice non sanglant et au centre de l’autel du cœur de chacun d’entre nous, c’est pourquoi, nous pouvons en goûter les fruits spirituels par la communion au Corps et au Sang de notre Dieu.
Le Christ nous dit : « qui veut sauver sa vie la perdra », y aurait-il plusieurs sauveurs, l’homme peut-il se sauver lui-même, pour ne pas perdre notre vie nous sommes encouragés à la vivre pleinement, et cette plénitude ne peut être donnée que par le Créateur de la vie, quant à nous, pour accueillir une telle vitalité divine, il est de notre responsabilité de garder la « parole de Dieu et de la vivre ».
Le Seigneur ajoute : « que sert donc à l’homme de gagner le monde entier, s’il ruine sa propre vie » ? Et que peut donner l’homme en échange de sa propre vie » ? La croix est pour nous, le signe de la victoire de la vie et de la lumière divine sur les ténèbres infernales et les œuvres impies de l’homme séparé et de Dieu et de lui-même, l’homme sans Dieu est un homme sans avenir dans ce monde ni dans le monde à venir.
Certes, par notre croix nous expérimentons aussi la « douloureuse joie », nous savons combien parfois, aimer peut paradoxalement faire souffrir avec l’impression d’en mourir, mais le Seigneur nous a donné l’Eglise qui est aussi notre corps spirituel divino-humain, dans laquelle, il a envoyé « L’Esprit de toute consolation », afin qu’IL nous descende lui-même avec douceur de la croix de nos épreuves existentielles.
Saint Paul nous dit « le langage de la croix, en effet, est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui se sauvent, pour nous, il est puissance de Dieu », la croix est donc un langage, une voix qui s’adresse à moi et pour entendre le sens de ce langage, il nous faut apprendre à nous laisser aimer de Dieu plutôt que de croire que nous pouvons par notre seule volonté, aimer Dieu. Aimer à la « folie » selon l’expression populaire, c’est en vérité ne pas aimer du tout, car une telle manière de vouloir aimer ne laisse aucune place à l’autre et lui ôte toute possibilité de trouver sa liberté personnelle, n’est pas « fol en Christ qui veut ».
En Proverbe 3,18 nous lisons « la sagesse est un arbre de vie », dont les racines plongent depuis l’arbre de la croix dans les profondeurs insondables et indicibles du cœur de l’homme, nous chantons durant les Matines dominicales « voici que par la Croix, la joie a pénétré le monde entier », c’est pourquoi, peut s’unir en nous le chant religieux qui relie le ciel et la terre par une communion qui nous élève vers Dieu et nous tourne aussi vers l’humanité, à travers la célébration de la sainte et Divine Liturgie.
Dans Gal. 6, 14 saint Paul nous dit « pour moi, je ne me glorifie de rien si ce n’est de la croix de notre Seigneur Jésus-Christ », Paul n’était-il pas apôtre et colonne de l’Eglise naissante, un martyr spirituel pour la gloire de Dieu, n’a t-il pas vu le Seigneur se révéler à lui sur le chemin de Damas, n’est-il pas monté au troisième ciel où il a entendu des paroles ineffables ?
Pourtant la gloire personnelle que Paul revendique avec puissance, c’est celle de la croix du Christ, cette même croix devant laquelle nous nous prosternons et que nous exaltons tous d’un seul cœur et d’une seule âme aujourd’hui dans l’Eglise, pourquoi ? Parce que le Seigneur sur la croix, porte l’humanité et désire la déposer sauvée au sein de la Divine Trinité, selon cette parole « tout est accompli » et « sois sans crainte petit troupeau, car il a plu à votre Père de vous donner le Royaume », encore faut-il que l’homme désire vraiment faire partie de ce saint « petit troupeau », c’est à dire de l’Eglise du Seigneur Jésus.
Le Seigneur par sa croix veut réconcilier tous les hommes, mais pas sans l’amen de l’homme, réunir ce qui était séparé, faire un homme nouveau en unissant le juif et le païen, c’est pourquoi Paul nous dit cette parole si forte «…pour créer en lui le Christ, un homme nouveau, faire la paix et les réconcilier avec Dieu, tous deux, juifs et païens en un seul corps, par la croix ».
Si à priori la croix du Christ devait réconcilier juifs et païens, à fortiori ne devrait-elle pas nous réconcilier entre nous chrétiens orthodoxes, l’Eglise et toute Paroisse orthodoxe est le Corps du Christ dont nous sommes les membres, nous qui confessons la même « foi envers la Croix du Seigneur», notre foi dans la croix salvatrice à l’œuvre en nous est nous le croyons, la grande lumière de grâce répandue pour la vie du monde.
« Sauve ton peuple, Seigneur et bénis ton héritage, accorde à tes fidèles victoire sur les ennemis et sauvegarde par ta croix les nations qui t’appartiennent », voici le merveilleux tropaire que chante l’Eglise de ceux qui sont fidèles par leur foi et leur vie orthodoxe envers le Seigneur. Le salut n’est pas le fruit d’un hasard, mais celui d’un engagement réel qui nous demande de porter notre croix en communion avec la Croix du Christ, afin de convertir par la voie et la vie orthodoxe tous nos ennemis intérieurs opposés à notre salut en Dieu.
Que la grâce du Seigneur nous bénisse et nous fortifie afin que nous puissions accomplir notre vocation orthodoxe et avec toute l’Eglise chanter d’un seul cœur et d’un seul esprit « devant ta Croix, nous nous prosternons ô Maitre, et ta sainte Résurrection nous la chantons ».
Au Père qui a planté l’Arbre de Vie dans le Paradis, au Fils qui l’a planté par la Croix dans l’Eglise et à l’Esprit Saint qui l’a planté dans le Royaume de Dieu, soit la gloire dans les siècles des siècles, amen.
+ Syméon
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