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samedi 28 décembre 2024

INTRODUCTION A LA TRADITION ORTHODOXE :

 

 

INTRODUCTION A LA TRADITION ORTHODOXE :

L’EGLISE

« Je crois en l’Eglise Une, Sainte, Catholique et Apostolique. »

 


La contemplation du Mystère de l’Eglise de Dieu est vitale pour le Chrétien parce qu’elle est aussi son propre « mystère », lieu de sa libération de tout esclavage en Jésus-Christ. Nul ne peut confesser que Jésus est Seigneur sans l’Esprit-Saint, de même, nul ne peut méditer le Mystère de l’Eglise et le vivre réellement sans ce même Esprit-Saint.

 

L’Eglise est au cœur du monde, elle est le cœur du monde, elle contient le monde et transcende le monde, qualités que nous reconnaissons à Dieu lui-même, ce faisant, nous confessons la grandeur de l’Eglise. L’Eglise de Dieu est Icône de l’économie divine dans le monde, miroir où chacun  peut acquérir la grâce de voir la Face de Dieu sans mourir. Ce don nous est accessible d’abord en Christ, par la médiation de Marie Mère de Dieu, des Apôtres et de tous les Saints à travers l’œuvre liturgique qui engage tout l’homme. L’Eglise est le lieu vivant où avec Moïse, nous devons nous déchausser, Terre Sainte où tout l’univers retrouve son unité. Elle est l’Epouse du Christ et notre épouse, Corps du Christ et notre corps, et nul ne hait son propre corps.

 

Rien ne peut s’incarner sans exister d’abord en Dieu, ne disons-nous pas que « Ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel », ainsi l’Eglise terrestre est dans sa nature spirituelle semblable à l’Eglise céleste, construite non selon une vision  humaine limitée, mais selon le modèle révélé par Dieu dans le Christ et l’Esprit. Tout ce qui a vie reçoit son être de Dieu et l’existence est d’amener cette vie divino-humaine à sa perfection dans le respect et la vocation reçue à incarner à  en vue de sa déification ultime par la grâce de Dieu.

 

Il est inscrit dans l’homme créé par Dieu une économie spirituelle qui lui permet d’aller librement vers la réalisation parfaite de sa vocation qui est d’être déifié et de s’unir à la Divine Trinité. De même, le cosmos est appelé à être transfiguré et spiritualisé mais non déifié. Autrement dit, chaque créature créée par Dieu a une vocation spécifique selon son essence, sa semence et son espèce qui consiste en ce que cette « tout ce qui existe loue le Seigneur » car vivre c’est louer la Divine Trinité. (Ps. 103)..

 

 Je crois en l’Eglise :

Cet acte de foi  que nous confessons concernant l’Eglise procède du même Esprit avec lequel nous confessons au début du Credo : Je crois en Dieu le Père, en Jésus-Christ, en l’Esprit -Saint… Il est donc aussi essentiel de croire en l’Eglise qu’en Dieu lui-même, car nous ne pouvons pas vivre l’un sans l’autre. Certes, il y a une hiérarchie dans notre confession puisque nous commençons par le Père, le Fils et l’Esprit Saint ...mais le Credo est un tout indissociable.

 

La première attitude qui nous est demandée est de croire en l’Eglise. Nous ne disons pas « nous croyons », mais «  je crois ». Il s’agit là d’une responsabilité personnelle à assumer, dans un même esprit que celui dans lequel nous nous donnons le baiser de paix et disons « paix à toi et à l’Eglise », mais en ayant toujours présent à l’esprit l’inséparabilité de l’homme et de la communauté.

 

Nous confessons par l’Eglise une réalité qui est d’abord spirituelle mais qui désire s’incarner selon la bénédiction du Christ dans l’histoire du monde et dans l’humanité. L’Eglise d’invisible est devenue visible, elle est créée, là et à venir dans le devenir liturgique divino-humain. L’Eglise est le Corps du Christ mais ce corps contient la plénitude de la divinité en Lui. C’est pourquoi nous affirmons que l’Eglise peut être contemplée comme incréée selon la divinité du Christ et créée selon l’humanité du Christ.

 

Ce « Je crois » pour confesser véritablement doit être l’Icône du « Je Suis » par lequel le Christ affirme son antériorité et sa supériorité par rapport à Abraham devant les Pharisiens et les Juifs. Est-il nécessaire de confesser et de croire en une réalité qui serait déjà pleinement présente ? Nous croyons donc en une réalité certes palpable et expérimentable dans l’Eglise incarnée, puisque nous chantons « goûtez combien le Seigneur est doux », signe réel et précurseur du monde à venir.

 

 Une

La première qualité que nous reconnaissons à cette Eglise que nous confessons est qu’elle est « Une », ce qui est tout simplement un des noms attribués à Dieu. Concernant l’Eglise historique, nous voyons bien qu’elle est non pas Une mais multiple, non pas unie mais désunie.

Dans l’unique Eglise du Christ, sont contenues des églises particulières qui ne reçoivent pas leur unité d’elles-mêmes  mais de leur confession orthodoxe fixée au sein de la Tradition et des Conciles et proclamée dans les Actes des Apôtres sous la forme de : « L’Esprit- Saint et nous… », elle est donc Une dans l’unité de la Foi. Toute Eglise locale, quelle que soit son importance, qui ne confesse  pas la Foi de l’Eglise « Une  et Universelle » s’exclue elle-même du Corps du Christ ce qui est vrai aussi pour tout Chrétien.

 

Nous devons confesser l’Eglise par la foi et les œuvres, « en vérité, en vérité, je vous le dis : celui qui croit en moi fera, lui aussi, les œuvres que je fais et même de plus grandes ». La Vérité qui est le Christ lui-même nous enseigne ici que la foi et les œuvres doivent êtres unies et présentes dans la vie de l’homme comme un témoignage à la Vérité et à la Lumière et comme étant faites en Dieu.

 

Sainte :

 

L’Ecriture témoigne tout particulièrement de la Sainteté de Dieu et l’Eglise incarnée est appelée à témoigner de celle-ci par le Christ dans l’Esprit -Saint et au sein des chrétiens. Lorsque nous pénétrons dans l’Eglise de Dieu, Corps du Christ, nous entrons dans la Vie en Dieu, nous sommes en contact de manière immédiate avec Sa Sainteté que nous le voulions ou non, que nous en soyons conscients ou non.

 

Dans la confession de la Sainteté de Dieu, nous ne pouvons trouver de meilleur témoignage que celui de l’Eglise lorsque nous chantons en son sein : « Saint, Saint , Saint est le Seigneur Tout – Puissant, le ciel et la terre sont remplis de Ta gloire, Hosanna au plus haut des cieux. Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Hosanna au plus haut des cieux  ».

 

A ce chant magnifique répond en unisson celui des chœurs célestes qui proclament : «  Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu, le Tout- Puissant, celui qui était, qui est et qui vient ! », de la terre au ciel et du ciel à la terre, de ce monde au monde à venir est proclamée la Sainteté de Dieu.

 

Catholique :

 

L’Eglise est catholique c’est à dire  universelle au sein de laquelle naissent toutes les Eglises historiques en leur temps et lieu par l’œuvre de l’Esprit-Saint et des hommes. L’universalité de l’Eglise réside et prend sa source dans la réalité spirituelle qui est le Christ lui-même, ce qui s’exprime premièrement dans l’unité de la Foi de laquelle découlent les pratiques rituelles particulières.

 

La catholicité répond à la parole du Christ que les vrais adorateurs du Père, voulus par Lui, L’adorent en esprit et en vérité  fondement de l’incarnation de la Foi. Dans cette optique, le mono ritualisme que parfois on entend exiger pour toute la chrétienté, apparaît non seulement utopique mais encore comme une déformation hérétique de l’esprit des Conciles œcuméniques.

 

L’Eglise n’est pas catholique parce qu’elle serait prêchée dans le monde entier, mais elle le devient dans l’unité de la Foi, reçue et transmise par le Christ et dans l’Esprit-Saint au sein de la Tradition apostolique.

 

L’Eglise est catholique-universelle également dans le sens où le Corps du Christ qui comprend premièrement tous les Chrétiens, contient aussi en lui toute l’humanité. La catholicité du salut est proposée à tout homme, bien que non imposée, car en Christ nous sommes affranchis de toute servitude et appelés à lui répondre en homme libre.

 

Ainsi, au sein même du Corps du Christ, le Chrétien est co-responsable du devenir de toute l’humanité et de toute la création, ce qui est  souligné tout particulièrement par la parole du Christ : « vous êtes le sel de la terre et la lumière du monde »

 

Apostolique.

 

L’Eglise possède toutes les qualités divines précitées, mais il est indispensable qu’elle soit reconnue et reçue à travers la Tradition Apostolique, ces hommes qui ont confessé et témoigné par leur vie et leur mort que Jésus-Christ est le Fils de Dieu. Depuis vingt siècles, les Chrétiens confessent la Foi reçue par le Christ  à travers les Apôtres, les Pères de l’Eglise, la succession ininterrompue des Evêques. C’est pourquoi notre Credo commence par : « Je crois ».

 

Cette Tradition Apostolique est indispensable et incontournable au point où Saint Paul nous prévient que même si un ange nous apparaissait pour nous annoncer un autre Evangile, nous devrions le refuser. La Tradition Apostolique par son enseignement nous rend conforme si nous la vivons à la réalité spirituelle dont elle est issue elle-même et qui remonte toujours au Christ.

 

Les douze Apôtres représentent douze voies de réalisation spirituelle par lesquelles le Chrétien peut expérimenter concrètement, ici et maintenant le Royaume des cieux. Marie, Mère de Dieu, peut-être appelée Apôtre des Apôtres car elle représente la synthèse en plénitude des Douze.

 

Il n’existe pas d’autre Nom sous le ciel… Tout nom reçu dans une tradition religieuse est une icône de ce Nom unique qui nous sauve et nous fait participer à Lui. Citons simplement sans les développer deux exemples concernant le don d’un nouveau nom en vue d’une réalisation spirituelle : 1 : Celui que l’on reçoit ou demande lors de la confession de la Foi orthodoxe. 2 : Celui que l’on reçoit lors de l’engagement monastique ou de la prêtrise. Pour conclure brièvement, citons le Christ  qui dit : «  et, sur le caillou, un nouveau nom écrit, que nul ne connaît sinon celui qui le reçoit. »

 

Pour terminer cette très sommaire étude sur le  Mystère de l’Eglise, nous pouvons contempler l’Eglise comme au cœur du monde. En elle l’homme comme son cœur et au cœur de l’homme la Divine Trinité par Qui tout a été fait, par Qui tout subsiste et en Qui tout s’accomplit.

 

 

LA TRADITION

 

La Tradition authentique est une et vivante et porte en elle toutes les traditions particulières. Nous nommons la nôtre chrétienne parce qu’elle est spécifique et par excellence le lieu où tout s’accomplit selon le Christ qui est la Tradition en chair et en os.

 

La Tradition chrétienne s’enracine dans la Divine Trinité et c’est de  là qu’elle nous est transmise à travers la Révélation dans l’Eglise de Dieu. Certainement, le Christianisme ne peut d’aucune manière récuser ce qu’il reçoit du Judaïsme en tant que  celui-ci est le précurseur qui annonce la venue et l’œuvre du Messie.

 

En remontant toujours plus vers la source de toute vie et par là de toute tradition, nous nous retrouvons en Adam qui est le Prototype créé de la Tradition originelle. Et par le Nouveau Adam, nous sommes tournés vers la Face de Dieu.

 

Ainsi la Tradition ne se limite pas au peuple chrétien, mais contient la totalité principielle des existences passées, présentes et à venir. Autrement dit, il n’existe de Tradition qu’en Dieu et toute  tradition dont le principe serait ailleurs est fausse et limitée.

 

Nous devons contempler et vivre la  Tradition, l’Eglise et la Révélation comme un être unique. On peut dire qu’il y a là une Icône de la Divine Trinité où chacune est tournée vers l’autre tout en gardant sa totale valeur personnelle. La Tradition est le Christ lui-même, l e Verbe créateur qui se prononce sans cesse avec l’Esprit au sein de l’Eglise, de la Création et de l’homme.

 

L’Eglise reçoit sa légitimité par le témoignage de la Tradition mais aussi par tous ceux qui la confessent et la vivent en Elle au Nom de la Divine Trinité.

 

Dans ce sens, ce qui est dit hors de l’Eglise est également dit hors du Christ, c’est à dire hors de la Tradition. En réalité, on peut nuancer un peu, car si le Corps du Christ comprend toute l’humanité, celle-ci par là-même se trouve au sein de l’unique Tradition. La seule question qui se pose alors est au fond celle de la confession et de la reconnaissance de l’identité entre le Christ et la Tradition.

 

La Tradition n’est pas seulement pour les hommes mais elle est aussi le lieu de vie du monde angélique, de la communauté des Saints, la synthèse du monde visible et invisible, des morts et des vivants et même de toute la création.

 

Mais il ne suffit pas que tout ce qui existe soit inclus dans le corps vivant de la Tradition de manière passive, il est indispensable que l’homme vive celle-ci consciemment en y accomplissant ce qui y est donné par la Révélation du Seigneur.

 

Cette nécessité de vivre en conformité avec l’enseignement de la Tradition n’enlève ni n’infirme la liberté de l’homme. Au contraire, il reçoit là tous les moyens pour acquérir la liberté authentique en esprit et en vérité.

 

Ainsi à chaque instant nous recevons au sein de la Tradition, dans l’Eglise et dans la vie, la révélation qui nous est personnellement proposée pour réaliser notre vocation de fils de Dieu. Cela ne doit pas nous isoler mais au contraire fortifier et cimenter notre communion avec les hommes et la création en Dieu.

 

La Tradition ne justifie en rien l’existence individuelle mais elle pousse vers l’universalisme des personnes qui est l’union de tous en Dieu. La Tradition n’est pas un passé mort ou devenu inopérant mais un passé-présent qui nous actualise dans notre vie en Christ, dans l’Eglise et dans le monde.

 

La Tradition chrétienne est comme le cri de Dieu : Souviens-toi qui tu es et ce à quoi tu es appelé, ô homme ! Au fond, ce cri que chaque homme entend dans la profondeur de ses entrailles et qu’il cherche à apaiser, même par la fuite.

 

Dans son fond et sa réalité ontologique, la Tradition échappe à tout rationalisme analytique ou synthétique, elle est du domaine du Mystère, pas du mystérieux. Mais le Mystère est ce qui paradoxalement veut le plus se donner à connaître et de fait est connaissable et reconnu en le vivant.

 

Ainsi, dans la mesure où nous sommes unis au Christ, nous pouvons dire avec confiance que la Tradition témoigne de nous et annonce notre devenir d’homme par la grâce surabondante vers l’homme déifié.

C’est pourquoi le Chrétien orthodoxe ne peut absolument pas accepter le moindre compromis concernant sa foi avec une autre tradition, mais son attitude doit être véritable, fraternelle et respectueuse.

 

La Tradition primordiale dans son principe n’est ni orale ni écrite, elle est vivante et s’enseigne ou mieux «  s’enseigne » comme vie. Par suite du péché adamique, cette première réalité ne disparaît pas mais se voile sous la Parole et sous l’Ecriture. Mais la Parole n’est pas faite pour être écrite et l’Ecriture n’a de sens que parlée.  Ces deux possibilités sont  plus pauvres dans leur forme que la révélation originelle.

 

La Tradition et l’Ecriture sont l’endroit et l’envers d’une seule et même réalité, l’Eglise du Christ. La Tradition et l’Ecriture n’ont pas pour but de se vérifier l’une l’autre, mais de s’unir pour témoigner de l’amour du Christ pour l’homme.

 

La Tradition n’est pas vécue dans l’Eglise comme une série de dogmes pétrifiés et pétrifiants, mais comme levain de renouvellement du Chrétien en Christ par l’Esprit – Saint.

 

La Tradition s’adresse dans ce sens à l’homme qui est un être vivant appelé à s’épanouir en elle et à l’élargir de génération en génération vers toujours plus de plénitude. La Tradition est ce qui se maintient dans les générations successives de Chrétiens en Christ et dans l’Eglise, par une épiclèse permanente à l’Esprit Saint.

 

Dans son sens plénier, la Tradition est le patrimoine spirituel de toute l’humanité où celle-ci puise toute son évolution réelle.

 

Dans la Tradition se révèle la richesse infinie des bienfaits divins, ce qui contribue à l’enrichissement permanent du Chrétien et à travers lui du monde entier.

 

Nous arrêtons là notre réflexion sur  la Tradition, malgré ses lacunes inévitables. Nous proposons simplement de la spécifier un peu plus à travers la Tradition Apostolique et Patristique ce qui nous permettra de renforcer notre structure de travail tout en nous situant au sein de la Tradition ininterrompue.

 

 

 

 

 

 

dimanche 22 décembre 2024

Le thésauriseur

 

                                                                                                                               Dimanche, 22 décembre 2024.

(Luc 12, 16 à 21)

Au Nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, amen.

 


Aujourd’hui, au milieu de nous, le Seigneur dit cette parabole : « Il y avait un homme riche dont les terres avaient beaucoup rapporté, et il se demandait en lui-même : que vais-je faire ? Car je n’ai pas d’entrepôt où loger ma récolte ».

 

Saint Paul dit dans l’épître de ce jour: «  jadis vous étiez ténèbres, mais aujourd’hui vous êtes lumière dans le Seigneur », l’homme de cette parabole est toujours dans les ténèbres, pourquoi ? Parce que son âme est attachée passionnément à la terre, Il s’ampute ainsi de sa dimension spirituelle et en oublie sa vocation contemplative qui pourrait le relier à Dieu et à sa propre et véritable humanité. Il reproduit à sa manière l’antique adoration du veau d’or dans le désert. Quel est en vérité, le péché engendré par le veau d’or ? C’est l’adoration des idoles sans vie de ce monde, qui s’opposent à la rencontre de l’homme avec Dieu, de l’homme avec l’Eglise, et par extension de l’homme avec lui-même.  

 

Mais tout comme cet homme se glorifie de ses richesses matérielles, d’autres se glorifient de leurs richesses spirituelles sans même se demander si ce sont véritablement des richesses spirituelles. Ainsi le premier comme les autres oublient cette parole : « qu’as-tu que tu n’aies reçu, et si  tu l’a reçu, pourquoi faire comme si tu ne l’avais pas reçu », ailleurs le Seigneur ajoute : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille, qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu ».

 

Cet homme richissime se dit : « mon âme, tu as de grands biens en réserve pour de nombreuses années ; repose-toi, mange, bois, réjouis-toi » ! Mais saint Paul encore dans l’épître dit : « discernez ce qui plaît au Seigneur, et ne prenez aucune part aux œuvres stériles des ténèbres » ! Cet homme sans discernement spirituel, se rassure et pense que ses richesses matérielles éphémères peuvent le mettre à l’abri de la souffrance humaine. Une « possible vie éternelle », après la mort à ce monde, ne semble pas l’effleurer, il est déjà absent à lui-même. D’autres pensent, ne suis-je pas une personne qui prie souvent, qui croit en Dieu, tout le monde peut voir que Dieu me comble de Ses grâces, n’ai-je pas renoncé à « presque » tout pour Lui ?

 

Pourtant, l’inquiétude est là, à bas bruit dans leurs cœurs, provoquant anxiété et mal être, le premier n’a comme seul souci que celui de « stocker » ses biens dans un entrepôt, pour pouvoir s’en gaver à volonté. Les autres, se croyant spirituels, finissent par transformer leur âme en musée en l’encombrant de jolis bibelots religieux aussi inertes qu’inutiles. C’est contre eux que l’Ecriture sainte témoigne en disant « vanité, rien que vanité, tout est vanité », car leur agitation vertigineuse et stérile ne porte aucun fruit spirituel qui puisse embellir l’humaine condition.

 

Le Psalmiste inspiré par l’Esprit de Dieu, nous rappelle : « en vain te lèves-tu tôt, et te couches-tu tard, en vain manges-tu le pain des douleurs, alors que le Seigneur comble son bien-aimé, pendant qu’il dort » ! Que signifie « pendant qu’il dort » ? Cela signifie que ce « bien-aimé » est en état de paix et de repos intérieur, d’hésychia et sans inquiétude aucune quant à savoir s’il est riche matériellement ou spirituellement, il peut confesser avec l’apôtre Paul « ce n’est plus moi qui vit, mais Christ qui vit en moi ».

 

Et nous les pauvres, réunis ici dans la sainte Eglise au Nom de Dieu, mais sommes-nous de vrais pauvres selon Dieu, quand expérimenterons-nous cette parole « ce n’est plus moi qui vit, mais Christ qui vit en moi » ? Si l’homme dans sa pensée, son âme, son corps, n’est rempli que de nourritures terrestres ou de lui-même, où donc, le Christ trouvera t-il un peu de place en lui ? Comment un tel homme, peut-il espérer « ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur, mais que Dieu donne à ceux qui l’aiment » !

 

Ne sommes-nous pas venus ici et maintenant, pour vivre l’expérience réelle du « Christ qui vit en moi », grâce au Don indicible du très saint « Corps et Sang du Seigneur ». Recevons la sainte Communion avec conscience et dans un cœur silencieux tout entier donné au Seigneur, alors nous pourrons  goûter nous aussi combien le Seigneur nous comble de sa divine présence. Car si le Seigneur vient ainsi vivre en nous, c’est pour nous initier à l’ascèse qui contient la plénitude du fruit de la vie sainte et spirituelle : « être son bien-aimé », être l’ami de la Divine Trinité, vivre l’amitié divine, n’est-ce pas là ce que nous espérons obtenir non seulement dans le Royaume de Dieu, mais déjà en prémices saintes et sacrées dans ce monde.

 

Il nous faut apprendre à discerner avec sagesse et intelligence du cœur, quelle richesse, nous devons cultiver sans jamais nous lasser, et cette richesse, ce trésor de grâce éternelle, l’unique absolument nécessaire, c’est de cultiver « l’amour de Dieu et du prochain ». Acquérir la « grâce d’aimer », est l’œuvre spirituelle et existentielle de « l’être orthodoxe », œuvre divino-humaine à l’image et à la ressemblance de Dieu. Ouvrage à remettre sans cesse sur le métier de l’humaine condition, car nous ne serons jamais plus grand que « l’Amour, c’est à dire, la Divine Trinité ». Voyons-nous, au moins un peu, l’abîme infranchissable qui nous sépare alors des richesses sans cœur de ce monde ? Non, les richesses de ce monde ne sont pas maudites mais bien bénies, si elles sont mises au service de l’humanité au nom de Dieu, et non selon des pensées insensées, soumises aux peurs et réactions irrationnelles de nos âmes désorientées.

 

Mais, la véritable et unique richesse que Dieu lui-même désire, n’est- ce pas tout simplement « l’homme lui-même », aussi unique que Dieu lui-même, notre vocation n’est-elle pas de devenir par grâce ce que Dieu est par nature, à savoir une « personne déifiée » ! La très sainte nativité approche, alors  préparons-nous à apporter à « l’Enfant Divin, non seulement la myrrhe, l’encens et l’or », mais offrons lui notre corps pour qu’il en fasse son temple, notre âme pour qu’il en fasse sa prière, notre esprit pour le contempler et notre cœur pour l’aimer. Voilà les richesses qui ne seront perdues ni en ce monde ni dans le Royaume de Dieu.

 

Mais notre saint Dieu, que dit-il à cet homme sans intelligence spirituelle : « insensé, cette nuit même, tu vas mourir, et ce que tu as amassé, qui l’aura » ? Le Seigneur nous montre ici, que celui qui est riche à l’image de cet homme, est en vérité déjà agonisant, que son âme est malade et désorientée, pourquoi ? Parce que ce qui nourrit un tel « individu », ce sont des fausses nourritures,  « humaines trop humaines » incapables de le préparer à la vie éternelle, afin que Dieu le sauve. Ainsi se vérifie cette autre parole du Christ : « à celui qui n’a pas, on enlèvera même ce qu’il croyait avoir », à sa mort, cet homme aura tout perdu en se perdant, seul ce qui est donné par Dieu durera et ce « Don », n’est ce pas Dieu lui-même, Dieu seul ?

 

C’est pourquoi saint Paul écrit : « éveille toi, toi qui dors, lève toi d’entre les morts, et sur toi luira le Christ ». C’est à dire, sors de tes modes de fonctionnement morbides et mortifères, cesse de te complaire dans tes richesses matérielles ou spirituelles, va libre vers l’unique source de la vie, le Christ qui t’illuminera de toute sa beauté et de toute sa vérité. Pour incarner cette lumière de la vie divino-humaine, notre existence doit devenir liturgique et vivifiée par l’ascèse orthodoxe seule en mesure de nous sanctifier par la sagesse qui dansait devant Dieu et faisait la joie de Dieu d’après le livre de la Genèse.

 

Saint Paul ajoute : « cherchez dans l’Esprit votre plénitude », cette plénitude est-elle difficile à trouver ? Certes non, la réponse est simple, trop simple pour les riches ou ceux qui pensent être riches, surtout spirituellement et selon leurs propres critères, la plénitude de l’Esprit s’acquiert en toute simplicité et vérité dans la sainte Eglise du Seigneur. Toute l’œuvre du salut est réalisée à chaque Divine Liturgie, là « pour nous, avec nous, en nous », cette plénitude est toute entière je le répète, dans le don du Corps et du Sang de notre Seigneur.

 

 

Le Seigneur termine cette parabole et dit : « ainsi en est-il de celui qui thésaurise pour lui-même, au lieu de s’enrichir en vue de Dieu ». Que signifie s’enrichir en vue de Dieu ? Cela signifie l’acquisition de « L’Esprit-Saint », ce qui d’après saint Séraphim de Sarov est le « but » de la vie chrétienne et de la voie spirituelle de l’orthodoxie.

 

Mais si nous voulons avoir le saint et véritable discernement spirituel pour connaître où nous en sommes dans notre vie en Christ, dans l’Eglise et dans le monde, alors regardons où nous en sommes par rapport aux dons de l’Esprit Saint dont parle saint Paul. Que dit-il, les dons de L’Esprit de Dieu sont : « l’amour, la joie, la paix, la douceur, l’humilité, la maîtrise de soi… ». Goûtons-nous déjà un peu de manière réelle quelques uns de ces fruits célestes ? Voilà les richesses qui jamais ne périrons, mais qui comme des étoiles spirituelles nous accompagnerons par grâce divine, jusqu’au don parfait qui est l’amour de Dieu.

 

Prions Dieu de nous garder libres de toute pensée passionnée, concernant nos éventuelles richesses spirituelles et /ou matérielles, écoutons simplement saint Paul, qui nous invite « en tout temps et à tout propos, à rendre grâce à Dieu le Père, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ ».

 

Au Père Créateur de l’Univers, au Fils qui nous fait cohéritiers de tous ses biens divino-humains et au Saint Esprit qui fait fructifier en nous les richesses célestes, soit la gloire dans les siècles des siècles, amen.

 

+ Syméon

 

 

 

 

 

samedi 14 décembre 2024

Les deux Commandements

 

Dimanche, 15 décembre 2024.

(Luc 10, 25 – 31)

Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, amen.

 

 

Aujourd’hui, l’Eglise Orthodoxe nous invite à recevoir la connaissance de la voie royale qui mène à la vie éternelle. Nous savons déjà que cette Voie, c’est le Seigneur lui-même et que l’unique manière d’y cheminer avec certitude, est d’accomplir cette œuvre si simple en apparence et pourtant si complexe, qui est le commandement du Christ : « d’aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre esprit, de toutes nos pensées et de toutes nos forces, et notre prochain comme nous-mêmes ».

 

Si je dois aimer Dieu de tout mon être et par toute ma vie, est-il encore possible d’aimer quelqu’un d’autre et surtout d’aimer en plus ce fameux prochain dont parle le Seigneur ? Nous savons que Dieu seul aime parfaitement, puisque l’Amour est Sa nature même et que Dieu ne peut se renier lui-même, alors me direz-vous peut-être comment faire ? Nous pouvons même si nous n’en avons pas encore l’expérience, comprendre au moins intellectuellement que celui ou celle qui aime Dieu de tout son être, n’aura aucune peine à aimer son prochain, car un tel amour pour Dieu rend l’homme semblable à Dieu. Et cet homme acquiert ainsi des qualités divines qui dans un même mouvement de vie, l’unissent indissolublement à Dieu et tout naturellement le tournent vers le prochain, car nous connaissons que les Personnes Divines sont éternellement tournées les unes vers les autres et en même temps dans l’éternité libres entre elles et librement tournées vers l’homme.

 

Comme l’a dit le Christ à la Samaritaine, il nous dit aussi aujourd’hui : « si vous saviez le Don de Dieu et qui est Celui qui vous parle », vous vous précipiteriez vous aussi de tout votre désir de vie et d’amour dans mes bras à moi, votre Dieu et je vous porterai dans mes entrailles jusqu’à faire de chacun d’entre vous un saint Christ, et alors s’accomplirait pour vous aussi la prophétie du Psalmiste : « voici que Dieu se promène au milieu des dieux », car l’amour serait devenu votre nature par Ma grâce.

 

Ne voyons-nous pas que cet homme allongé parterre là au milieu de nous, c’est chacun d’entre nous, qui a été frappé plus ou moins violemment par ces bandits maudits que sont nos péchés et nos passions destructeurs, que cette auberge est la si précieuse Eglise Orthodoxe. Quand comprendrons-nous enfin, non avec la tête seule ou avec l’affectif seul, mais avec notre être tout entier que nous sommes indispensables les uns aux autres, pour œuvrer ensemble au salut de chacun.

 

Comment pouvons-nous être un bon Samaritain les uns pour les autres, ici et maintenant, dans notre petite chapelle-auberge ? Saint Paul dit à Thimotée : « enseigne et insiste à temps et à contre temps ce que tu as reçu dans l’Eglise ». Permettez-moi d’insister à temps et à contre temps sur la grâce des grâces que l’Esprit de Dieu a déposé dans la Création pour y couver d’amour chaque Fidèle, qui est le cœur même de cette Eglise. Si nous connaissions en esprit et en vérité ce qu’est l’Eglise, nous lui donnerions sans aucune hésitation le meilleur de nous-mêmes.

 

Ecoutons de tout notre être, ce que l’Esprit de gloire et de splendeur nous donne pour que chacun puisse se pencher humblement et avec une véritable compassion vers son frère blessé par les épreuves de la vie. Expérimentons de l’intérieur – du cœur de notre cœur – que la Divine Liturgie est la thérapie parfaite pour restaurer l’humanité blessée à mort dans l’homme et défigurée par la voracité du vieil homme et du Malin.

 

Voulons-nous connaître et surtout nous mettre à l’œuvre comme le bon samaritain pour obtenir de Dieu la guérison de notre être tout entier, et ne pas oublier si vite ce que ce même Dieu ne cesse de nous rappeler avec douceur et une infinie patience ? Cette œuvre de recréation de nous-mêmes passe par la mise en pratique des dons et des fonctions que Dieu a donnés sans retenue à chacun d’entre nous dans l’Eglise, et c’est à cette réalité concrète que nous sommes appelés à répondre, car elle est la condition sine qua non pour engendrer les bénédictions divines pour la guérison de notre âme, et au-delà de la restauration progressive de la Création dans sa véritable vocation paradisiaque.

Prions Dieu de nous accorder de réaliser au mieux notre vocation spécifique, car c’est ainsi que chacun participe au salut de chacun, autrement dit, que le prêtre le soit pleinement, que le chef de Chœur le soit pleinement, que chaque Choriste le soit pleinement, que le peuple Royal le soit pleinement. Si chacun est ainsi présent à sa vocation, comment ne pas espérer alors une célébration de la Divine Liturgie dans toute sa plénitude et avec naturellement les grâces qui y sont offertes.

 

Ne mettons pas nos états d’âme ailleurs qu’à leur juste place, c'est-à-dire dans la confession de nos péchés devant Dieu. Donnons le meilleur de nous-mêmes comme offrande à la Divine Trinité, en célébrant la Divine Liturgie ensemble dans l’amour et la vérité devant Dieu et parmi les hommes, et dans ce même mouvement spirituel donnons aussi le meilleur à notre prochain. Vous comprenez sans peine que pour aimer Dieu de tout son être, il faut cultiver par la prière et l’ascèse évangélique la communion avec Dieu dans l’espérance de l’union parfaite à venir dans le Royaume, refuser la division et la séparation en nous et entre nous pour ne pas engendrer la mort spirituelle et parfois la haine de Dieu et de l’Eglise. 

 

Le Christ dit clairement au légiste ce qu’il doit faire pour recevoir en partage la vie éternelle, mais nous qui nous disons Chrétiens et orthodoxes, quelle responsabilité que la nôtre devant Dieu et l’humanité. Nous sommes élus pour vivre comme des êtres liturgiques et des précurseurs qui savent montrer le chemin qui mène à la vie éternelle et qui est la seule réalité désirable pour un Chrétien orthodoxe. Ne savons-nous toujours pas combien le temps nous est compté, combien les modes du monde sont éphémères, que rien de ce monde ne nous accompagnera dans le Royaume de Dieu, sinon ce que nous aurons semé et récolté spirituellement dans notre vie personnelle et ecclésiale.

 

Nous savons que l’Eglise terrestre représente les portes saintes qui donnent accès à l’Eglise céleste dont Marie est la porte spirituelle, tout comme notre cœur est la porte sainte et sacrée qui permet le passage vers le saint des saints de notre temple intérieur qui se trouve au cœur de notre cœur, et c’est là que se trouve l’Epoux pour nous unir à lui, en présence des deux Témoins que sont le Père et l’Esprit. Mais ces noces célestes se préparent par des fiançailles terrestres que nous scellons avec notre Bien-Aimé dans l’Eglise orthodoxe, ce qui nécessite aussi que nous nous unissions spirituellement entre nous, mais aussi avec les anges et les saints pour construire cette unité en Dieu, avec Dieu et pour Dieu.

 

Cet homme parterre à demi-mort, c’est une image de l’Eglise martyrisée par toutes les tyrannies politiques, mais c’est encore plus le témoignage des blessures que reçoit le Corps du Christ qui est aussi le Temple de l’Esprit Saint comme l’enseigne l’apôtre Paul, blessures cruelles que peuvent lui infliger ses propres enfants, lorsqu’ils oublient qu’ils sont fils et filles de la Lumière divine. Si nous laissons nos états d’âme prendre le dessus, alors le risque est réel que l’Eglise devienne un lieu de ténèbres psychiques qui s’opposent consciemment et inconsciemment à la volonté de Dieu. Alors la nouveauté de l’Esprit de Dieu est occultée ou défigurée, et les esprits mondains viennent non seulement se délecter de nos blessures, mais accusent l’Eglise d’être un repaire de démons et de marchands du temple.

 

Voilà ce que l’Esprit Saint nous donne à méditer aujourd’hui pour le mettre en œuvre ici et maintenant, sans attendre que nous nous estimions être enfin prêts à nous soumettre à l’inspiration divine. Pardonnez-moi, mais s’il avait fallu attendre que l’humanité donne un « accord » unanime et d’une seule voix à la venue de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, celui-ci ne serait toujours pas là. Alors disons amen à la volonté de Dieu et venons à l’Eglise pour le rencontrer avec nos frères et sœurs, secouons-nous pour ne plus accepter les pensées psychiques qui nous mentent et nous donnent des faux arguments pour ne pas venir à l’Eglise, assumons pleinement notre désir religieux, car « être orthodoxe, c’est le devenir » dans la persévérance spirituelle quotidienne malgré nos états d’âme.

 

Au Père de l’Epoux, au Fils qui est le véritable Epoux de l’humanité et à l’Esprit qui bénit et sanctifie pour l’éternité cette union divino-humaine, soit la Gloire dans les siècles des siècles, amen.

 

+ Syméon

 

 

 

dimanche 8 décembre 2024

Marthe et Marie

 

                                                                                (Luc 10, 38 à 42 et 11, 27 à 28)

                                          Au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen.

 

 

Aujourd’hui, l’Eglise nous propose de méditer sur la Dormition de la très sainte Mère de Dieu, Dieu bénissant nous espérons pouvoir en dire quelques modestes paroles dans une homélie à venir. Nous proposons de nous limiter en ce jour, à quelques réflexions sur l’attitude de Marthe et Marie, les saints Pères, y voient une représentation de l’action et aussi de la contemplation.

 

Marthe et Marie sont sœurs, elles sont donc unies par une alliance parentale indissoluble, de même, nous pouvons considérer que l’action et la contemplation sont unies ensembles pour une alliance au service de la vie religieuse et spirituelle. Le Seigneur dit « Marthe, Marthe, tu te soucies et t’agites pour beaucoup de choses…pourtant, une seule chose est nécessaire », que signifie cela pour nous et surtout à quoi doit aboutir notre vie spirituelle ? Nous devons nous aussi veiller comme Marthe de manière à pouvoir accueillir le Seigneur et ensuite comme Marie nous asseoir à ses pieds et apprendre à l’écouter dans une rencontre personnelle avec Lui.

 

Comment et où ferons-nous cela de manière concrète ? Dans l’Eglise, c’est là que nous sommes en présence de Dieu, et comment Dieu se révèle t’il, par la médiation de la célébration de la Divine Liturgie, comment nous parle t’il, à travers les lectures et en particulier dans l’écoute attentive du saint Evangile de vie. Accueillir Dieu demande notre présence par la prière liturgique qui doit être sans agitation, car l’agitation de Marthe nous renvoie par métaphore à celle de nos pensées, qui ne cessent de nous parasiter et finissent par rendre impossible de nous asseoir aux pieds du Christ, nous privant alors de l’unique nécessaire, la communion ici et maintenant avec notre Seigneur.

 

Le Seigneur dit « Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée », le Christ souligne ici, qu’il nous appartient de faire le bon choix dans notre existence afin que notre part ne nous soit pas enlevée. Le Seigneur ne dit pas que Marie l’aime plus que Marthe, il ne dit pas non plus qu’il est lui-même la meilleure part. Ce que le Seigneur souligne, c’est que Marie a choisi la meilleure part pour elle, elle a choisi ce qu’elle a ressenti intérieurement comme le plus désirable dans la venue de Jésus le Prophète. Le Seigneur ne dit pas que Marie est meilleure que Marthe ou  que la contemplation est meilleure que l’action, non, IL loue simplement le discernement de Marie, pourquoi ? Parce qu’elle sait se libérer du monde extérieur en se centrant sur le Christ, elle ressent de l’intérieur que rien d’autre n’a plus d’importance que la présence de ce prophète venu dans leur maison. Elle sait aussi que c’est lui seul qui décide de toute rencontre avec lui, ceci souligne qu’il faut rester humble, car en vérité, l’action et la contemplation sont nécessaires, mais insuffisants par eux-mêmes pour nous faire rencontrer le Christ en esprit et en vérité. Dieu reste libre souverainement dans toutes ses œuvres divino-humaines.

 

Le don de la meilleure part, ne dépend ni de Marthe ni de Marie, ni de l’action ou de la contemplation, même si les deux sont nécessaires, mais de la seule grâce divine. C’est pour cela que l’Evangile souligne que « Jésus entra dans un village et une femme le reçut dans sa maison », Dieu garde l’initiative de visiter qui il veut, quand il veut et comme il veut. Dieu reste l’initiateur de toutes ses œuvres, que ce soit dans l’Eglise, chez nous ou en nous. Il est écrit qu’une « femme du nom de Marthe le reçut dans sa maison », celle-là même à qui le Christ dit « de ne pas se soucier ni de s’agiter », pourquoi ? Parce que lorsque Dieu est là, l’action et la contemplation deviennent secondaires, seule l’expérience de la rencontre divino-humaine avec Dieu devrait être notre unique nécessaire.

Cette narration évangélique est en réalité un des signes précurseur et prophétique de cette autre parole merveilleuse du Seigneur « voici je me tiens à la porte et je frappe, si quelqu’un m’entend et ouvre, Nous entrerons moi et mon Père pour dîner avec lui », c’est aussi pour cela que saint Paul nous rappelle que nous sommes « temple de l’Esprit Saint » pour y accomplir notre vocation véritable « accueillir Dieu ». La Bonne Nouvelle évangélique nous est transmise de génération en génération, par l’action et la contemplation liturgique, pour cette seule et unique raison, nous préparer à la rencontre personnelle avec le Seigneur.

 

Marie ne reste pas inerte dans sa contemplation, elle voit le Seigneur qui entre, elle se lève et va vers lui pour s’asseoir à ses pieds et l’écouter de tout son être, ce qui est une véritable action sainte et sacrée. De même, le Christ bénit Marthe, mais lui montre que son action est utile pour autant qu’elle la rapproche de Dieu. Que ferons-nous alors nous-mêmes pour vivre l’expérience spirituelle de Marthe et de Marie ? La réponse nous est donnée à la fin de l’Evangile par le Seigneur lui-même qui dit « heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et l’observent ».

 

Cette parole révèle exactement le sens de l’expérience de Marthe et de Marie, qui nous est proposée. Quelle sera ici, notre ascèse de vie et l’action la plus nécessaire, n’est-ce pas la célébration régulière de la Divine Liturgie qui sera préparée et soutenue par notre prière personnelle dans un esprit de service et de contemplation envers notre Seigneur. Nos saints Pères et saintes Mères, ont pris cette parole du Seigneur à la lettre et l’ont vivifiée par leur esprit, et aujourd’hui nous aussi avec eux, nous essayons d’écouter et de mettre en pratique l’enseignement que le Seigneur a déposé comme un trésor spirituel dans l’Eglise.

 

Marie, Mère de Dieu et notre Mère spirituelle, nous donne la clé de l’action bénie par l’Esprit Saint par cette parole qu’elle nous adresse à travers sa présence aux noces de Cana, que dit-elle ? « faites tout ce qu’IL vous dira », faire ce que le Seigneur nous dit, signifie ici pour nous apprendre à vivre de manière orthodoxe, voilà l’action qui porte en elle la véritable ascèse contemplative.

 

« Tout Don parfait, vient de toi Père des lumières, et nous te rendons gloire ainsi qu’à ton Fils unique et à ton Esprit Saint, amen », nous pouvons comprendre que la contemplation selon Dieu ne peut être qu’un don de Dieu, aussi tout comme nous apprenons l’action selon Dieu à travers la célébration liturgique, nous pouvons aussi en Dieu et dans l’Eglise apprendre à contempler de manière éveillée, la présence divine à travers la Divine Liturgie. Ainsi, agir pourra être pour nous concélébrer et contempler sera pour nous être attentif aux paroles et aux actes liturgiques, puisque nous confessons la présence de Dieu dans la Divine Liturgie et les saints Offices de l’Eglise, et Dieu bénissant, nous apprendrons peu à peu, par les prières de nos saints Pères et saintes Mères, à veiller et à nous tourner vers l’unique nécessaire, notre Seigneur Jésus-Christ.

 

« Sans moi, vous ne pouvez rien faire », nous dit le Seigneur, qu’il nous accorde la grâce de vivre   avec simplicité, modestie et de manière liturgique notre relation avec Lui, avec l’Eglise, avec   l’humanité et avec la création, selon notre vocation et notre réalité existentielle là où nous vivons.

 

Béni soit notre Dieu, Père, Fils et Saint Esprit, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles, amen.

 

+ Syméon

 

 

 

dimanche 1 décembre 2024

Guérison du possédé Gérasénien.

 

(Luc 8, 26 à 39,1)

Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, amen.

 

 

Aujourd’hui, L’Evangile nous fait rencontrer un homme possédé par une légion de démons, et qui malgré sa détresse inhumaine vient à la rencontre de Jésus. Voici donc un homme, notre semblable, un être humain créé lui aussi à l’image et à la ressemblance de Dieu, qui malgré son aspect terrifiant  fait toujours partie de notre humanité. L’Ecriture relève qu’il est nu, dans l’errance et qu’il habite dans les tombeaux.

 

L’homme sans Dieu est un homme nu, errant et enfermé dans une solitude tragique, et comme dit l’Evangile ailleurs « même ce qu’il croyait avoir lui sera enlevé ». L’homme sans Dieu, même riche de tous les biens de ce monde, reste dépossédé de l’essentiel, car en vérité, rien ne lui appartient ni son existence dans ce monde, ni son existence dans le monde à venir. L’homme sans Dieu, est un individu soumis à tout un réseau de pensées qui l’enserrent dans un filet partiel et partial, dans lequel tous les faux dieux de ce monde, cherchent à l’assujettir en lui faisant miroiter dans la lucarne terne des illusions, qu’ils pourront satisfaire tous ses désirs. Ces faux dieux reprennent à leur compte la ruse du malin envers Adam et Eve, et veulent nous faire croire que grâce à eux, nous serons des dieux à la place de Dieu et surtout sans Dieu.  

 

Satan est à l’affût pour isoler les hommes entre eux ou pour leur faire miroiter des alliances illusoires, son seul désir consiste à dépouiller l’homme de son humanité, de lui dérober tout ce qui pourrait lui rappeler l’existence de Dieu. Dieu propose à l’homme son bien-aimé, la sainte Eglise comme une communauté de vie, dans laquelle il pourra trouver à la place de la nudité diabolique et du désert brûlant et sans âme, les vêtements spirituels que sont les saints sacrements, pour trouver ou retrouver la guérison de l’âme et du corps. Dieu propose à l’homme la sainte Eglise, qui est le Corps du Christ, dans laquelle l’homme peut devenir vivant et libre, par la communion au très saint Corps et au très saint Sang du Seigneur.

 

Satan lui, impose à l’homme une caricature misérable de l’existence, il cherche à imposer à l’homme une soumission corps et âme à sa volonté perverse, il veut faire de l’homme un mort-vivant et l’enfermer dans le cauchemar du péché. Si Satan arrive à éloigner un orthodoxe de l’Eglise du Christ, alors le malheur de cet homme peut devenir un abîme de souffrances pour lui comme pour ses proches.

 

L’homme doit apprendre à s’habiller de Dieu et pour cela il lui est très utile de venir à l’Eglise où il pourra trouver les vêtements spirituels qui lui permettront non seulement de résister aux démons mais même de les ignorer ou les vaincre avec la grâce de Dieu. Saint Paul nous énumère les vrais vêtements spirituels proposés aux hommes et aux femmes de bonne volonté, que sont : « l’amour, la paix, la joie, la patience, la sagesse, la maitrise de soi, etc.». Contre de telles grâces, la clique satanique ressemble à une gesticulation ridicule, stérile et pathétique.  

 

Le Christ nous dit : « Je Suis le Chemin, la Vérité et la Vie » et Satan qui est tout entier menteur et père du mensonge, veut nous faire croire qu’il n’existe aucun chemin qui puisse sauver l’homme, pire, il veut nous faire croire qu’il est « lui » l’unique et véritable chemin pour l’humanité. Pour cela, il nous promet monts et merveilles, alors qu’il n’est rien devant Dieu et qu’il ne possède aucun bien pas même le plus petit, sa richesse c’est le néant absolu. Satan s’enrichit sur notre dos et exploite toutes nos faiblesses, il essaye de pomper notre âme, il veut en faire son objet pour nous manipuler et nous soumettre à sa domination perverse. Il connaît chacun de nos manques et ne cesse de nous tendre piège après piège, pour nous faire tomber sous l’esclavage de sa haine absolue envers Dieu et envers l’humanité. Il est le mal absolu, il ne peut trouver un semblant d’existence qu’à travers nous, si nous avons le malheur de succomber à ses tentations impures et mortifères.

Le Christ est la «  Vérité » et il propose à l’homme de se nourrir de cette vérité pour acquérir la parfaite sagesse créatrice, qui lui permettra d’être une personne libre et spirituelle, une personne nouvelle engendrée par l’amour, la grâce et la lumière divine. Satan est le grand hérétique, l’Anti-Christ, celui qui essaye sans cesse d’inoculer le poison mortel du péché dans le cœur des hommes, il ne cesse de tenter l’humanité depuis les jours d’Adam jusqu’à aujourd’hui.

 

Le Christ est la « Vie » et il propose à l’homme cette vie en plénitude non seulement dans ce monde mais pour l’éternité, car comme le dit saint Irénée de Lyon « la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant ». Satan est la puissance maléfique et pathologique, qui pour nous tromper n’hésite pas à mettre les masques de la séduction mensongère, et là où Dieu nous donne la vie, Satan veut nous entrainer vers la mort.

 

Les « soi-disant sages de ce monde », que dénonce avec force et justesse saint Paul, sont les premiers à se précipiter dans les abîmes de leur ignorance et se croient quelque chose lorsqu’ils arrivent à entraîner dans leur chute, les humbles et les simples qui eux possèdent, cachée en eux la vraie sagesse divine. La sagesse de Dieu est donnée à tout homme et toute femme de bonne volonté qui la demande au Seigneur, cette sagesse Dieu l’a déposée comme un trésor inestimable dans l’Eglise du Christ. Nous sommes bien sûr, libres d’accepter ou de refuser ce don de lumière et de vie, mais qui peut penser un seul instant que l’état naturel de la personne humaine, ce sont les ténèbres de l’âme, qui ont pour seul programme, de détruire l’humanité et la création.

 

L’Ecriture sainte nous dit : « ils trouvèrent l’homme, dont étaient sortis les démons, assis aux pieds de Jésus, vêtu et dans son bon sens ». Que signifie, ils le trouvèrent assis ? Cela signifie, que nous ne pouvons trouver aucune paix dans l’agitation extérieure qui ne cesse de nous secouer dans tous les sens, il nous faut nous asseoir, nous arrêter et méditer sur notre existence, sur le sens réel que nous désirons donner à notre vie et à nos œuvres. L’Eglise est le lieu unique où rencontrer Jésus devient possible, le lieu où nous pouvons nous asseoir auprès de lui, pour entendre les paroles de la vie éternelle. Je ne cesse de le répéter, venir à l’Eglise et faire la fête spirituelle, c’est à dire célébrer ensemble la Divine Liturgie, voilà ce qui pourra peu à peu, nous donner l’assise profonde au cœur de nous-mêmes, nous rendre pleinement humain, nous transfigurer et nous préparer à « être fils et fille du Père céleste » pour la déification dans le Royaume de Dieu.  

 

Que signifie, ils le trouvèrent vêtu ? Cela signifie, qu’il avait retrouvé toute son humanité, il était redevenu une personne humaine, Satan l’avait dépouillé de son humanité, mais Dieu l’a revêtu à nouveau de « splendeur et de majesté » comme dit le Psalmiste. Car en vérité, que voulons-nous donc rajouter à l’homme crée par Dieu ? Existe-t-il donc des pensées, des paroles ou des actes qui feraient l’homme plus grand, plus sage ou plus beau, que l’homme créé à l’origine par Dieu ! Seul Satan, un hérétique ou un fou, peut fantasmer et délirer au point de croire qu’il est un dieu capable de créer un être humain. Satan ne crée rien, il ne sait que détruire, et si comme dit l’Ecriture la « folie de Dieu est plus sage que la sagesse des hommes », à quoi ressemble alors la « folie démoniaque », à rien, absolument rien qui ne soit digne de la « personne humaine ».

 

Que signifie, ils le trouvèrent dans son bon sens ? Cela signifie, qu’il a retrouvé à nouveau le vrai discernement, car « être dans le bon sens, c’est être orienté vers Dieu à travers le Seigneur Jésus, c’est être à nouveau guidé par l’Esprit-Saint ». Etre dans le bon sens, c’est apprendre à s’approprier la vie en esprit et en vérité, être dans le bon sens, c’est vivre selon l’Evangile du Christ, être dans le bon sens, c’est venir dans la Maison du Père qui est la sainte Eglise.

 

L’Evangile de ce jour termine en nous disant : « l’homme dont les démons étaient sortis  priait Jésus de le garder avec lui, mais Jésus le renvoya libre en disant : Retourne chez toi et raconte tout ce que Dieu a fait pour toi. L’homme s’en alla et proclama par la ville entière tout ce que Jésus avait fait pour lui ».

Que signifie ce passage de l’Ecriture ? Il nous montre comment Dieu et Dieu seul agit envers l’homme son bien-aimé, il commence par restaurer l’homme dans toute sa dignité humaine, puis IL le laisse libre de vivre sa vie au milieu des siens et de son quotidien habituel.

 

A l’opposé, Satan détruit la dignité humaine et veut maintenir sa possession, en emprisonnant l’homme dans le désert et la solitude qui finit par engendrer la folie et le désespoir. Jésus lui dit « retourne chez toi et raconte tout ce que Dieu a fait pour toi », c’est à dire sois un témoin de la miséricorde divine au milieu des hommes, mais cela signifie aussi et surtout, « reste en toi-même, ne te laisse plus disperser et dépersonnaliser par les pensées malignes ».

 

Cette dernière parole du Christ, donne en vérité le sens spirituel et religieux de la vocation unique et véritable de l’Eglise, témoigner de la présence et de l’œuvre de Dieu parmi les hommes. C’est pourquoi, comme je l’ai déjà dit ailleurs, « Dieu a posé l’Eglise au cœur du monde, l’homme au cœur de l’Eglise et enfin Dieu s’est posé au cœur de l’homme ». Alors, peut se réaliser la vocation divino-humaine qui engage Dieu et l’homme, et qui est la communion et l’union indicible du témoignage qui confesse l’amour absolu de Dieu pour l’homme et la possibilité pour l’homme d’aimer Dieu de toute son âme, de tout son esprit et de toutes ses forces.

 

Au Père qui a crée l’homme, au Fils qui as sauvé l’homme et à L’Esprit Saint qui déifie l’homme, soit la gloire dans les siècles des siècles, amen.

 

+ Syméon