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dimanche 17 septembre 2023

Le plus grand commandement

(Mat. 22, 35 à 46)

                                         Au Nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, amen.



Aujourd’hui, l’Eglise nous rend témoins de la rencontre de Jésus avec un pharisien et nous invite à méditer sur le sens de la question posée par celui-ci et sur la réponse que Jésus lui donne, afin que nous puissions y puiser la sagesse divine pour notre vie orthodoxe.

 

L’Ecriture nous dit « un pharisien demande à Jésus pour l’embarrasser, Maitre, quel est le plus grand commandement de la Loi ? », voici donc un disciple puisqu’il appelle Jésus « Maitre », qui  questionne pour embarrasser le « Maitre », quel genre de dialogue peut-il espérer là où dès le début il met la suspicion qui juge et le désir inavoué de prendre en défaut le Maître. De plus, la vision religieuse de ce pharisien se limite à la loi mosaïque, comme si celle-ci, bien qu’inspirée, pouvait contenir toute la plénitude de la présence divine et de la présence humaine. 

 

Jésus pourtant lui répond avec bienveillance « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit…et ton prochain comme toi-même ». Là où ce docteur de la loi attend une réponse formelle conforme à la loi mosaïque qui est sa seule référence acceptable, Jésus lui répond en révélant la plénitude de vie et d’être déposée par Dieu dans l’homme depuis la création, là où le pharisien attend des mots tout faits conformes à sa vision religieuse, le Christ  lui propose d’aimer. Comment pourrait-on restreindre l’abîme du cœur, la profondeur de l’esprit, la créativité de l’âme, la grâce de la vie divino-humaine à une loi, qu’elle soit mosaïque ou d’une autre nature, là où seul l’amour incarné et humanisé dans une personne peut transcender l’individualisme incapable d’une relation en esprit et en vérité ? 

 

 « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur », le cœur comme icône de la présence de Dieu dans l’homme, est le lieu vivant qui réunit en lui toutes les puissances créées et incréées. C’est pourquoi, la prière hésychaste appelée aussi « prière de Jésus » qui engage l’homme tout entier, pourra avec la grâce de l’Esprit Saint devenir « prière du cœur ». Saint Paul nous dit en 1 Corinthiens  6, 15 « ne savez-vous pas que le Christ habite dans vos cœurs » et ailleurs il ajoute que la véritable « circoncision est celle du cœur », c’est pourquoi, le cœur enténébré nécessite une purification spirituelle pour s’ouvrir à la lumière qui l’habite et dissiper ses ténèbres. 

 

Dès la Genèse 8, 21, Dieu nous dit que « les pensées du cœur de l’homme sont mauvaises depuis son  enfance », et dans Matthieu 15,19 le Seigneur dit aux disciples « vous aussiêtes-vous encore sans intelligence...c’est du cœur que proviennent les mauvaises pensées, meurtres, adultères, débauches, faux témoignages, vols, diffamations », cette litanie morbide sera destructrice dans notre existence tant que nous ne veillerons pas avec intelligence sur notre cœur. Pour saint Théophane le reclus, « le cœur est le point de rencontre entre le divin et l’humain », le cœur désigne toute la vie intérieure et élever le cœur vers Dieu signifie élever tout l’homme vers Dieu. Ainsi, pour le Chrétien, amour et salut sont une seule et même réalité, puisque nous dit saint Paul, l’amour est ce qui ne passera jamais et que le salut est le fruitde l’amour. 

 

Saint Grégoire Palamas dit que « le royaume de Dieu est au-dedans de nous, c’est-à dire dans le cœur », ignorer le cœur serait alors comme vivre hors du royaume et par conséquent se priver de toute possibilité de rencontrer le Roi qui y règne et y demeure, à savoir notre Seigneur. Le désir de rencontrer Dieu ne peut pas être limité à une litanie de « belles paroles » nous devons  pratiquer avec assiduité l’œuvre ascétique divino-humaine que représente la célébration de la Divine Liturgie dans l’Eglise icône et guide spirituel véritable vers le Royaume de Dieu. 

 

Saint Matthieu 6,21 « ton trésor sera là où est ton cœur », n’est-ce pas pour cette raison que Marie, Mère de Dieu « méditait toutes ces choses dans son cœur », son trésor unique n’était-il pas son Fils et Seigneur Jésus, ne sommes-nous pas à notre tour invités à méditer dans notre cœur pour rechercher sans cesse la communion avec notre trésor divino-humain : notre Seigneur Jésus-Christ. 

 

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ton âme », l’âme est pour la plupart des religions ou des philosophies un principe animé et animateur, qui s’unit au corps afin d’accomplir ainsi tous les actes de l’existence tant générale que particulière. Notre propos n’est pas d’analyser l’âme, mais de nous appuyer sur la Tradition orale et écrite, pour en percevoir la beauté et la montrer à l’œuvre dans l’homme en vue de son salut. Pour cela, il est bon de scruter la vie de l’âme avec justesse par la grâce de l’Esprit de Vérité, afin d’éviter toute fausse interprétation des écrits inspirés, ce qui serait une plaie profonde pour notre âme et une théologie hérétique ou plutôt une non théologie.

 

Dans Matthieu  (16, 26), nous lisons « que profitera-t-il à un homme de gagner le monde entier, s’il y perd son âme, que donnera un homme en échange de son âme » ? Ce qui signifie que parmi les innombrables merveilles que Dieu a créées dans l’univers entier, il n’en existe pas une seule qui vaille non pas seulement le salut de l’âme, mais l’âme tout court. 

 

Marie est le signe de la beauté lumineuse de l’âme lorsqu’elle chante « mon âme magnifie le Seigneur et mon esprit est ravi de joie en Dieu mon Sauveur, car IL a regardé l’humilité de sa servante ». Marie nous révèle que la louange est pour l’âme le plus beau témoignage de son amour pour Dieu son Créateur, c’est cette même louange aimante que nous désirons offrir à notre Dieu par la célébration de la Divine Liturgie et de notre prière personnelle. 

 

Saint Maxime le Confesseur parlant de l’âme nous dit « l’âme est pure quand, délivrée des passions, l’amour de Dieu fait sa joie », le monde peut-il remplir de joie et d’amour notre âme,  l’âme vivifiée trouve sa joie et sa lumière dans la louange divine, les psaumes en sont le beau témoignage universel. L’âme a vocation de témoigner de Dieu, mais pour cela l’âme se doit d’être active dans l’accomplissement des commandements du Christ, car autrement sa vie spirituelle ne sera pas authentique et ne pourra pas participer véritablement au salut dans l’homme. 

 

Le Seigneur Jésus nous montre combien l’âme est précieuse, en demandant « est-il permis de sauver une âme le jour du Shabbat ? », car il venait un jour de Shabbat de guérir un homme dont la main était desséchée et cela lui a été reproché avec indignation. Jésus souligne avec force que sauver une âme est équivalent à sauver l’homme tout entier et que sauver une âme ou une vie est plus élevé que la stricte observance rituelle du Shabbat. Cette compassion de notre saint et charismatique Rabbin Jésus qui ose sauver l’homme à la main desséchée un jour de Shabbat, est insupportable aux zélateurs intransigeants de la loi et rien que la loi. 

 

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ton âme », nous ne pouvons pas encore réaliser ce commandement avec plénitude, mais nous pouvons et c’est là notre ascèse, cultiver l’attitude conforme à la vertu que nous désirons acquérir. Ne soyons pas dans l’illusion de croire que nous sommes déjà des êtres de paix, de joie ou de vérité, car ces états spirituels transcendent l’homme déchu, mais cultivons une attitude paisible et Dieu y mettra sa Paix, une attitude joyeuse et Dieu y mettra sa Joie, une attitude véridique et Dieu y mettra sa Vérité, faisons au mieux notre travail d’homme et de croyant. Par la prière, posons dans notre âme et devant Dieu notre désir « d’aimer Dieu de toute notre âme », et ensuite apprenons à faire vivre ce désir et croyons avec foi que Dieu nous donnera en temps opportun ce que nous espérons.

L’homme par lui-même ne peut-être présence à Dieu, quelle que soit l’intensité de son ascèse, car en « vain te lèves-tu tôt et te couches-tu tard, en vain manges-tu le pain des douleurs, alors que le Seigneur comble son bien-aimé pendant qu’il dort » PS. 127.

 

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton esprit », saint Paul dans 1 Corinthien 2, 11 écrit : « qui connaît les choses dans l’homme, si ce n’est l’esprit de l’homme qui est en lui ? », par grâce, notre esprit peut malgré la chute discerner ce qui est en lui, ce discernement nous est donné pour nous séparer de tout ce qui voudrait nous empêcher d’aimer Dieu, saint Matthieu nous dit « l’esprit de l’homme est par nature bien disposé ». Parce qu’il est porteur des  saintes énergies spirituelles et contemplatives déposées en lui depuis sa création originelle,  mais pour les activer, il nous faut comme nous le recommande encore Paul « nous purifier de toute souillure de la chair et de l’esprit », à méditer car il n’y a là aucune contradiction

 

Par ce qui précède, nous comprenons que l’esprit de l’homme étant créé, n’est pas exempt de la possibilité de pécher, il ne possède pas d’impassibilité originelle, cette impassibilité peut être acquise si comme le dit saint Paul en 1 Corinthiens 6, 17 « l’esprit de l’homme est uni à l’Esprit de Dieu et devient ainsi un seul esprit avec lui ». L’Evangile de vie de ce jour, nous montre que la communion réelle du cœur, de l’âme et de l’esprit n’est possible que dans une synergie avec Dieu, ce qui pose la question de la « personne » au sens de la théologie des saints Pères, dont la finalité est l’union sans confusion avec Dieu et la communion sans séparation avec l’homme.

 

C’est pourquoi l’Eglise est le lieu béni, saint et sacré dans lequel, nous pouvons recevoir la grâce de nous connaître en esprit et en vérité, comme nous y engage saint Paul et toute la Tradition patristique, cette renaissance n’est-elle pas au cœur, dans l’âme et dans l’esprit de la « personne », qui désire suivre vraiment le Seigneur par la médiation de la voie et de la vie orthodoxe et dont l’hésychasme montre un chemin possible.

 

Quelqu’un a demandé à saint Païssios, pourquoi il était allé comme moine au mont Athos, il a répondu pour devenir un « être humain », d’abord s’humaniser en se nourrissant de la sève évangélique déposée dans l’orthodoxie, et se souvenir de cette parole de feu du Seigneur qui dit « sans Moi vous ne pouvez rien faire »  

 

L’ascèse orthodoxe consiste à révéler le mystère de la « personne », l’hypostase de la théologie des Pères de l’Eglise, cet homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, est illuminé par la  lumière divine qui justement est cette transfiguration qui fait « l’homme vivant à la gloire de Dieu » selon saint Irénée de Lyon. 

 

La personne purifiée dans son cœur, son âme et son esprit, deviendra  par la grâce une icône sainte et sacrée des Personnes divines, même si selon saint Jean « ce que nous serons n’a pas encore été manifesté », l’Eglise nous transmet ce que Dieu a dit et fait, mais Dieu seul nous fait par grâce ce qu’IL est par nature. L’homme spirituel transcende la crainte, il est aimant, saint,

humble et sage, mais le vieil homme tremble voyant s’ébranler ses fausses certitudes. Dans l’être humain créé à l’image et à la ressemblance des Personnes Divines, la personne humaine est cet « homme caché au fond du cœur dans l’incorruptibilité d’un esprit doux et paisible qui est d’un grand prix devant Dieu » (1P. 3,4). 

 

Au Père, source divine de la sagesse, au Fils incarnation de la sagesse et à l’Esprit de sagesse, soient la gloire dans les siècles des siècles, amen. 

 

+ Syméon

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