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dimanche 20 février 2022

Homélie du 20/02/2022 : Le fils prodigue...

 



Le Fils prodigue.

(Luc 15,11 à 32)

Au Nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, amen.

Aujourd’hui, l’Eglise nous fait rencontrer le « fils prodigue », beaucoup d’entre nous, ont fait une expérience analogue à la sienne, tout quitter avec nos richesses que nous pensions inépuisables, pour comme on dit, faire la vie et découvrir le vaste monde, l’adage populaire nous rappelle pourtant que « celui à qui Dieu ne suffit pas, rien ne suffira jamais », Adam comme le prodigue seront les protagonistes de ce drame, aux répercutions universelles engendrées par notre désir d’émancipation légitime mais ici dérouté sur des voies aux issues incertaines et parfois irréversibles.


Cette parabole lumineuse dévoile avec réalisme ce qui nous advient lorsque nous avons comme seul bagage, quelques rêves dont l’évangile de ce jour nous montre qu’ils peuvent devenir un vrai cauchemar. Le prodigue vit comme Adam un même désir, s’émanciper de la présence paternelle pour enfin, faire ce qu’ils pensent être le meilleur pour eux, mais sans prendre le temps d’assimiler suffisamment de sagesse, pour discerner comment ils vont se construire une vie qui vaille la peine d’être vécue.


Nous pouvons ainsi quitter toutes sortes de maisons paternelles, il arrive aussi que nous quittions l’Eglise avec toutes les richesses reçues à travers notre saint Baptême, pour expérimenter « d’autres lieux qui seraient plus spirituels, moins exigeants, où foisonnent les « maitres », qui pour nous initier nous ordonnent de récurer leur porcherie », afin de nous faire croire que par l’obéissance servile envers eux seuls, nous pourrons acquérir la véritable humilité sans laquelle personne ne sera sauvé.


Le prodigue « affamé et assoiffé » d’expériences nouvelles demande son dû à son père et s’en va sans hésiter vers une terre inconnue, mais ressent bientôt que non seulement son héritage se dilapide mais surtout que lui-même se vide et se retrouve dans une immense solitude, que seule la compagnie de quelques porcs semblent troubler, par des grognements de satisfaction lorsque le prodigue les nourrissaient de caroubes. Aussi longtemps, que le visage de son père lui restait plus ou moins en mémoire, il pouvait encore même inconsciemment se sentir en communion par la pensée avec lui, mais la misère qui le domine maintenant va le vider de son énergie et rendre son existence insupportable.


L’Ecriture sainte souligne que le fils prodigue n’est même pas nourri de « caroubes », c’est à dire de la nourriture pour les cochons, mais ici caroube est aussi un terme générique dans lequel, nous pouvons mettre tout ce qui nourrit les instincts les plus bas de l’humanité, tout ce qui veut rabaisser l’homme et le limiter à sa seule nature instinctive. Se nourrir de caroubes, c’est littéralement s’affamer et s’assoiffer, car une telle malbouffe inadaptée amène l’homme à une nausée non seulement physique mais surtout spirituelle et va rendre son existence inhumaine.


La divine providence ne cessant de veiller sur l’homme son bien-aimé, une prise de conscience de la réalité est donc toujours possible, l’espérance de ressortir de cet état de « ténèbres et d’ombres de la mort », reste accessible mais nécessite pour le prodigue une profonde méditation, afin de discerner dans quel tragédie son exil volontaire l’a embourbé.

Si le fils prodigue a su revenir à lui et rentrer en lui-même, c’est que dans la profondeur de son cœur palpite le désir de la vie gravée dans son être depuis sa création originelle, et donc la possibilité de retrouver le vrai discernement spirituel qui lui montre à nouveau son chemin d’humanité et le sens réel de la vie au sein même du monde.

Le croyant qui coupe la communion avec le ciel en lui, c’est à dire avec son esprit, ne sait plus discerner le véritable chemin de liberté vivifiante, il ne se souvient plus que « l’Esprit, prie en nous de manière ineffable », les fausses nourritures mondaines en font un poids mort, qui ne sait plus que survivre à la périphérie de sa vie et de son être.


La figure opposée à celle du fils prodigue est celle de « l’avare », c’est à dire du repli égocentré et en même temps boulimique qui consiste à accumuler le plus de biens possibles, pour une jouissance en solitaire, où n’existe que peu ou pas du tout de place pour la rencontre avec l’autre, que ce soit Dieu ou l’homme. La voie orthodoxe est celle du « juste milieu » qui unit le fils ou la fille à notre Père Céleste, qui unit l’homme à l’homme, mais aussi l’homme à toute la création, par la grâce de l’acquisition de l’héritage spirituel déposé par Dieu dans l’humanité dès sa création originelle, et que la sainte Eglise orthodoxe a vocation à transmettre et à faire fructifier.


Le fils prodigue prenant conscience de l’impasse existentielle qui l’étouffe et qui pourrait même le tuer, rentre comme dit l’Ecriture « en lui-même » et discerne avec acuité intérieure ce qu’il était et ce qu’il est devenu, ce face à face avec une réalité sans compassion envers lui, va l’obliger à se remettre en cause et à voir que seule un changement radical pourra le désaliéner de ses attaches morbides et mortifères. La conversion du cœur peut alors ouvrir cet espace à l’intime de la personne, d’où peut jaillir à tout instant la grâce d’un repentir salutaire, repentir qui n’est pas un jugement moral ou dur et impitoyable envers soi-même, mais un profond retournement de l’homme vers l’espérance d’un chemin salutaire que la grâce divine va accompagner. C. Andronikof résume avec réalisme la situation du prodigue, à savoir que « sa structure pneumatique se décompose et devient opaque aux énergies divines », le prodigue s’exile hors de lui-même et se retrouve étranger dans un pays inconnu et où la miséricorde divine se retire, la déchéance volontaire de son statut de fils, entraine une occultation de la grâce, que seule une véritable conversion pourra rétablir.


Le fils prodigue nous dit l’Evangile « rentre alors en lui-même et se dit, je vais retourner vers mon père et lui dire, j’ai péché contre le ciel et contre toi » et « son père, l’aperçut de loin et fut pris de compassion ; il courut se jeter à son cou et l’embrassa tendrement », il aura suffit au prodigue de rentrer en lui-même pour mettre en mouvement toute la grâce divine et ainsi sortir des ornières de la perdition pour retrouver le chemin du salut, selon cette parole de son père « mon fils était mort, et le voici revenu à la vie ».


Je ne puis m’empêcher de vous proposer à nouveau la contemplation de ce merveilleux et profond tableau représentant le retour du « fils prodigue » peint par Rembrandt. Devant cette œuvre splendide, iconique et baignée de lumière intérieure et mystique, tout est hospitalité, douceur infinie et cœur brûlant d’amour entre le « père et son fils revenu ». Fête extraordinaire et joie des âmes et des corps qui s’étreignent sans aucune parole, deux regards aimants et contemplatifs sous les mains apaisantes et accueillantes du père, deux « Personnes » uniques enlacées dans la paix, la joie et la tendresse au-delà des paroles. Le festin royal offert par ce père à tout fils prodigue repenti et revenu à la vie, est une « icône qui préfigure la Sainte Cène » et « l’Esprit de Dieu nous invite comme aujourd’hui à y participer, afin de réjouir nos âmes et nos corps et remplir l’Eglise d’allégresse et de joie spirituelles en louant et en chantant sans fin et partout la Divine Trinité.


Au Père qui pardonne, au Fils qui bénit et à l’Esprit qui nous donne les richesses du Royaume et les faits fructifier avec nous, soit la Gloire dans les siècles des siècles, amen.


+ Syméon
































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