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dimanche 28 février 2021

Homélie du 28/02/2021 : Le fils prodigue...




 Le Fils Prodigue

(Luc 15,11 à 32)

Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, amen.

Aujourd’hui, l’Eglise nous propose une méditation sur le sens spirituel de la paternité en Dieu et selon Dieu. L’Evangile nous fait vivre de l’intérieur ce que signifie « être père, mais aussi être fils ou fille », et nous propose de méditer sur la relation qui unit le fils prodigue à son père. Mais surtout et au-delà, nous interroge à travers l’histoire du « fils prodigue » sur notre relation personnelle avec notre Père Céleste, mais aussi avec l’Eglise-Corps du Christ.  


Le fils prodigue s’exile volontairement de la maison paternelle, et se retrouve étranger en terre inconnue aux mœurs étranges, dans laquelle livré à lui-même, il fait l’expérience de l’avidité du monde, de la rapacité des profiteurs, des mensonges au sein de l’humanité déchue, de l’individualité stérile, et de sa soumission envers des prostituées qui dévorent allègrement son héritage. Le fils prodigue expérimente alors cette parole forte du Seigneur « à quoi bon pour un homme de gagner le monde entier, s’il y perd son âme ». Le monde dont parle ici le Christ est celui contre lequel saint Jean nous met en garde en nous disant « vous êtes dans le monde mais vous n’êtes pas du monde », c’est à dire du monde façonné par les ténèbres des mensonges qui séduisent et perdent l’humanité, qui épuisée finit par s’identifier aux fausses promesses distillées par les œuvres corrompues du vieil homme.


L’Ecriture sainte souligne que le fils prodigue n’est même pas nourri de « caroubes », c’est à dire de la nourriture pour les cochons, mais ici caroube est aussi un terme générique dans lequel, nous pouvons mettre tout ce qui nourrit les instincts les plus bas de l’humanité, tout ce qui veut rabaisser l’homme et le limiter à sa nature biologique. Se nourrir de caroubes, c’est littéralement s’affamer et s’assoiffer, car une telle malbouffe inadaptée amène l’homme à une nausée non seulement physique mais surtout spirituelle et va rendre son existence inhumaine. 


La figure opposée à celle du fils prodigue est celle de « l’avare », du radin égoïste comme on dit vulgairement, les deux attitudes sont pathologiques parce qu’elles finissent par isoler les individus de la communauté humaine et s’opposent à toute vie spirituelle. La voie orthodoxe est celle du « juste milieu » qui unit le fils ou la fille à notre Père Céleste, qui unit l’homme à l’homme, mais aussi l’homme à la création, par l’acquisition de l’héritage spirituel transmis par la grâce divine à toute l’humanité et que la sainte Eglise orthodoxe a vocation à faire fructifier. 


L’Evangile nous dit alors : « le fils prodigue rentra en lui-même », cette intériorisation va lui permettre de discerner, que lui qui voulait l’héritage pour aller faire sa vie, est entrain de s’effondrer dans un chaos qui menace de le tuer. Ce choc salutaire va lui donner la force de se retourner en esprit vers son père, de faire une « conversion intérieure profonde » au cœur de laquelle il peut à nouveau ressentir dans son être le frémissement de la présence vivifiante de son Père. Il peut alors commencer le long et difficile chemin du retour vers la Terre promise qui au-delà mais à travers ce monde, est le Royaume de Dieu, là où « l’Esprit de toute grâce lui donnera les véritables richesses qui sont spirituelles », et qui ne peuvent lui être offertes que par Dieu notre Père.


Si comme le fils prodigue, nous entrons en nous-mêmes, à l’écoute de notre cœur profond, nous verrons que nous aussi nous sommes plus ou moins et prodigue et avare, comment ? Prodigue, parce que nous recevons jour après jour,  « la vie, le mouvement et l’être » mais nous oublions que ce don est une grâce divine, reçue pour partager ses fruits en communion avec Dieu, l’Eglise et l’humanité et non par avarice et pour notre seul plaisir et bénéfice individuel. Si le fils prodigue a su revenir à lui et rentrer en lui-même, c’est que dans la profondeur de son cœur palpite le désir de la vie gravée dans son être depuis sa création originelle, et donc la possibilité de retrouver le vrai discernement spirituel qui lui montre à nouveau son chemin d’humanité au sein même du monde.  


L’Eglise orthodoxe, l’Eglise de notre saint Christ est spirituellement une icône du Royaume de Dieu, c’est pourquoi, elle a pour unique vocation de faire de nous des « christ », c’est à dire des personnes aimantes, saintes, humbles et sages, porteuses de la plénitude de la vie et de l’être. Et

nous comprenons que « être orthodoxe, c’est le devenir, de même être un christ, c’est le devenir », on ne naît pas orthodoxe accompli, on peut le devenir avec la grâce divine par une véritable mise en pratique de la voie spirituelle orthodoxe telle que la propose notre sainte Eglise.


Sans la grâce divine, selon la parole du Seigneur qui nous dit « sans Moi, vous ne pouvez rien faire », l’humanité ressemble à une marionnette désarticulée, livrée à la folie de modes stériles, ignorante de l’essentiel, obsédée par de petits plaisirs minuscules incapables de nourrir en nous, le désir naturel de l’homme vers le beau, le vrai et l’éternel. « Qui parmi nous, connaît un seul homme qui se soit sauvé lui-même par lui-même » ? Livrés à nous-mêmes, par nous-mêmes, nous mourrons littéralement de faim et de soif par ignorance de l’essentiel, alors vient l’agitation douloureuse de la survie dans l’éphémère, l’inaccompli et l’absence d’une vision en faveur d’une existence qui vaille la peine d’être vécue. Dans cet état chaotique, le corps s’abîme, l’âme se désespère, l’esprit entre en errance, le cœur s’endurci et le courage en nous s’effondre sous les coups de l’hypocrisie et de l’indifférence du monde qui perd sa valeur de maison commune à toute l’humanité. 


Pourtant, nous ne cessons d’être comblés malgré notre éloignement de Dieu, par la générosité infinie de notre Père céleste, qui par le Christ et l’Esprit nous donne dans l’Eglise toutes les richesses du Royaume de Dieu. Ces trésors divins nous sont donnés, par l’Incarnation du Christ, le véritable Fils prodigue, du Fils librement uni au Père céleste, du Fils qui n’a jamais dilapidé les richesses du Royaume, du Fils qui seul peut dire : « Père, je n’ai perdu aucun de ceux que tu m’as donné », sauf le fils de perdition qui s’est égaré lui-même jusqu’à se perdre âme et corps.  


Vous connaissez sans doute ce merveilleux et profond tableau représentant le retour du « fils prodigue » peint par Rembrandt. Devant cette œuvre splendide, iconique et baignée de lumière intérieure et mystique, tout est hospitalité, douceur infinie et cœur brûlant d’amour entre le « père et son fils revenu ». Fête extraordinaire et gloire des âmes et des corps qui s’étreignent sans aucune parole, deux regards aimants et contemplatifs sous les mains apaisantes et accueillantes du père, deux « Personnes » uniques enlacées dans la paix, la joie et la tendresse au-delà des paroles. 


Vous savez que le peintre Vincent Van Gogh, qui a côtoyé les abîmes de la solitude et de l’exil intérieur et qui en est mort, en regardant un autre tableau peint par Rembrandt et qui est connu sous le nom de « la Fiancée Juive » s’est écrié, pour peindre comme cela il faut être « mort » plusieurs fois. C’est exactement l’expérience que traverse le fils prodigue qui ne cesse de mourir à lui-même ou plutôt à ce qu’il n’est pas et à ce qu’il n’a pas, il se voit au bord de son propre abîme intérieur et  cette prise de conscience, lui permet d’accueillir la grâce divine et de renoncer à ce qui le rend étranger à lui-même, à savoir les illusions mondaines, pour commencer à renaître en esprit et en se révéler comme personne qui a la liberté et même la vocation d’unir en elle la vie et l’être.


Contemplons maintenant, le véritable « Fils Prodigue » dans toute sa splendide humilité divino-humaine, nos cœurs se serrent, car par l’intelligence du cœur purifié qui est le signe du véritable discernement spirituel, nous comprenons qu’il s’agit de « notre très saint Christ ». N’est-ce pas lui, notre Seigneur, qui nous glorifie et nous transfigure à chaque fois que nous festoyons et venons en communiant dignement à Sa table mystique pour recevoir son Corps et son Sang ? Là, nous voyons avec larmes le fils prodigue se condamner à « désirer des caroubes » pour survivre, ici nous, tout aussi fils et filles prodigues que lui, mais invités au « Festin Divin » de la table spirituelle du Père, du Fils et du Saint Esprit, expérience indicible, au-delà des pensées finies, des paroles inutiles et des actes inaccomplis ?




Le festin royal offert par ce père à tout fils prodigue repenti et revenu à la vie, est une « icône qui préfigure la Sainte Cène » et « l’Esprit de Dieu nous invite comme aujourd’hui à y participer, afin de réjouir nos âmes et nos corps et remplir l’Eglise d’allégresse et de joie spirituelles en louant et en chantant sans fin et partout la Divine Trinité ». Comment proposer le baume de guérison à « l’humanité-prodigue », pour qu’elle se libère de ses héritages pathologiques qui ne cessent, encore et encore de la défigurer, de la séparer de Dieu et d’elle-même en mettant à mal son existence. Pour cela, si elle le demande librement, il faut pouvoir lui donner accès au remède souverain et divino-humain de « l’Eucharistie que propose l’Eglise au cœur de la très sainte et Divine Liturgie », qui est la Fête des fêtes où tout enfant « prodigue » est le bienvenu et le bien-aimé de Dieu. 


Au Père du Fils prodigue, au Fils prodigue donné pour nous et à l’Esprit prodigue qui nous donne les richesses du Royaume et les fait fructifier avec nous, soit la Gloire dans les siècles des siècles, amen. 


+ Syméon

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