Le Pharisien et le Publicain
(Luc 18, 9 à 1)
Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, amen.
L’Evangile de ce jour, met en relief, deux attitudes religieuses, celle d’un pharisien persuadé que l’étude de la Torah, est le couronnement de la vie religieuse, et celle d’un publicain, conscient d’être pécheur mais criant vers le ciel de toute son âme, deux manières de penser et d’agir pour obtenir la bénédiction divine et trouver grâce devant Dieu. Le pharisien ne jure que par le strict accomplissement de la loi mosaïque pour être sauvé, et le publicain qui certes crie vers le ciel mais se ressent comme plus ou moins indigne d’être entendu et exaucé. L’Eglise va montrer à travers l’attitude du Seigneur, que l’orthodoxie est la véritable voie spirituelle, la voie royale qui est le Christ lui-même et lui seul, et qui exclut tout extrême que serait la loi sans amour ou la pusillanimité sans vérité.
Le Christ témoigne en faveur du publicain qu’il est sorti du Temple justifié, mais pas sauvé pour autant, car il lui appartient maintenant de s’approprier le salut, par un total retournement de sa vie et de sa vision religieuse. La liberté de l’homme reste entière, même après la Chute, avec toutes ses conséquences pour la vie spirituelle de l’humanité. Dieu ne sauve pas l’homme sans l’Amen de celui-ci, c’est pourquoi, Dieu a envoyé de manière providentielle Marie dans le Temple de Jérusalem, et même dans le Saint des Saints, pour témoigner au cœur même d’Israël, de l’incarnation du Messie attendu. Marie est accueillie par le Grand-Prêtre et par sa présence dans le saint des saints elle accomplit cette parole biblique « voici que la Vierge concevra et enfantera un fils, qu’on appellera Emmanuel ». Prophétie sainte et levain spirituel pour élever l’humanité, afin qu’Israël puisse accueillir et donner au monde la Bonne Nouvelle du Salut. Sans entrer ici dans une exégèse approfondie, nous pouvons nous souvenir que nous connaissons au moins deux autres pharisiens venus à la rencontre du Seigneur, Saül devenu Paul qui dans (Actes des Apôtres 3, 26) se définit comme pharisien, fils de pharisien et Nicodème (Jean 3 et la suite) qui vint vers Jésus durant la nuit en cachette par crainte du Sanhédrin pour l’interroger. Vous pouvez lire ces passages et en retirer un grand profit spirituel.
La nature humaine étant consubstantielle, tout ce que Dieu a prévu en Adam est déposé et transmis à toute l’humanité, car avant d’être écrites, les Promesses de Dieu ont été scellées dans le cœur de tout homme. Tout homme est par vocation et création icône de la Trinité et porteur de Sa Promesse, ce qui signifie que ni le pharisien ni le publicain, ne pouvait ignorer ce que saint Paul dit à Timothée « depuis ta tendre enfance tu connais les Saintes Ecritures ». Chaque Israélite, mais aussi chaque être humain porte en lui l’espérance messianique, c’est à dire, un désir naturel de vie en plénitude. Cette réalité qui habite l’humanité permet qu’une existence spirituelle soit possible, et cette vérité commence pour nous par l’incarnation de Jésus, le Christ Messie. Pour que cette rencontre divino-humaine s’incarne dans le monde, notre vocation orthodoxe est d’invoquer dans l’Eglise, comme le dit saint Silouane, par la prière liturgique et personnelle la descente de « L’Esprit Saint » sur l’humanité, afin que la connaissance véritable de Dieu puisse être proposée.
Le publicain, ose à peine croire possible d’obtenir le pardon de Dieu vu uniquement comme un juge et non comme le Messie miséricordieux, et ceci vient de la méconnaissance de l’œuvre de Dieu dans et avec l’humanité. Etre publicain ne l’exonère pas de cette recherche du sens de la vie, et d’ailleurs le fait qu’il vienne prier au Temple en est le premier signe. Ce même sens que Nicodème a trouvé auprès du saint rabbin Jésus, Paul le trouvera après sa rencontre sur le chemin de Damas avec le Seigneur, et deviendra l’apôtre des Nations et un sage parmi les sages. Nicodème le pharisien viendra descendre notre très saint Christ de la Croix, œuvre divino-humaine pleine de grâce et de vérité. Nous croyons et confessons que la plénitude de l’amour et de la vérité ont été donnés comme un dépôt inestimable à l’Eglise, afin que tout publicain ou pharisien qui le désire puisse s’en nourrir et passer vers la « liberté glorieuse des enfants de Dieu ».
Mais cette liberté divine doit s’incarner dans l’homme, c’est pourquoi j’aimerais souligner que ce qui oppose le pharisien et le publicain, ne peut-être dépassé que par ce qui les réunit aujourd’hui, à savoir que Dieu leur inspire d’aller prier au Temple de Jérusalem. A partir de là, je me tourne vers nous et je demande quel désir nous pousse à monter vers l’Eglise, que voulons-nous dire à Dieu, que voulons-nous y faire ? L’essentiel est-il vraiment pour nous de venir prier, chanter et célébrer simplement les Saints Mystères du Christ, chacun et chacune malgré ses états d’âme. Faisons-nous vraiment nôtre l’exclamation du Psalmiste : « je me suis réjouis lorsqu’on m’a dit, allons à la Maison du Seigneur » et « pour l’amour de la Maison du Seigneur, notre Dieu, je fais des vœux pour ton bonheur », le bonheur de qui ? De l’Eglise et donc de l’humanité, Dieu serait-il limité par nos divisions, n’appelle t-il pas le pharisien comme le publicain à venir dans le lieu saint, tous sont appelés, celui qui pratique de manière orthodoxe la loi mosaïque tout comme celui qui pratique toute sorte de choses contraires à la dignité humaine. Nous voici donc face au mystère de la grâce divine proposée à la bonne volonté de l’homme, pour accomplir l’ascèse religieuse des œuvres liturgiques avec comme espérance d’engendrer en nous la vie spirituelle pour devenir une « personne orthodoxe ».
Voulons-nous être guidé par l’Esprit Saint, unir le terrestre et le céleste, l’Eglise et le Royaume de Dieu ? Alors fuyons la vanité du pharisien comme la pusillanimité du publicain, accueillons la présence divine, qui se révèle à travers la célébration de la Divine Liturgie. Célébrons vraiment les Mystères du Christ, ne pensons pas la Liturgie mais vivons là, sans tension ni laxisme, vivons tout ce que Dieu nous y donne pour recevoir le Corps et le Sang du Christ, car « IL se donne pleinement à chacun ».
Dans la célébration de la Divine Liturgie, chaque personne est absolument unique, Dieu préfère chacun, nous pouvons donc abandonner notre égo, et faire œuvre Liturgique ensemble. J’entre alors dans la contemplation active des Mystères. Je vis ce que je contemple, je suis simplement présent à la réalité de la concélébration liturgique, sinon nous serions souvent aussi loin de Dieu que le pharisien qui croit pourtant lui être proche, ou nous serions un publicain comme paralysé par la crainte de ce même Dieu.
Apprenons chacun selon son rythme dans l’Eglise, à recevoir l’Esprit Saint qui seul est digne d’être appelé « Maître Spirituel ». Le déroulement de la Divine Liturgie nous montre comment Dieu est en relation avec chacun et tous, comment nous sommes en relation les uns avec les autres, pour accomplir la Volonté de Dieu. Toute l’économie et la pédagogie du Salut sont révélées dans la Liturgie pour être incarnées par nous, et ensuite pour être données au monde et à toute l’humanité qui nous est consubstantielle.
Pour un publicain comme pour un pharisien, la synergie divino-humaine est impensable donc impossible, « Dieu avec nous » reste pour eux un abîme incompréhensible, Dieu reste transcendant et finalement inaccessible. Mais pour nous orthodoxes, l’Eglise est le lieu théophanique où s’unissent la transcendance et l’immanence par la grâce d’amour de Dieu pour l’homme. La Divine Liturgie est une icône réelle des relations intra-trinitaires, un témoignage véritable de la Vie des Personnes Divines entre elles, et montre la Communion Eucharistique réelle qui est l’union sans confusion des « Personnes Divines…avec les personnes humaines ».
La voie orthodoxe qui est le Christ lui-même, puisqu’Il nous dit « Je Suis le Chemin, la Vérité et la Vie », est l’accomplissement et le couronnement de l’œuvre spirituelle et religieuse proposée à l’humanité au sein de l’Eglise orthodoxe. Pour l’être orthodoxe, il ne s’agit pas de convaincre l’autre à force d’ultimatums théologiques, mais de témoigner par sa vie réelle qu’il porte la grâce divine comme un parfum de spirituelle suavité, comme une bénédiction sainte et un rayonnement sacré de l’amour divin, proposée à l’humanité souffrante et désorientée.
C’est en particulier, le témoignage spirituel immuable que nous révèlent les « Saints », qui sont devenus des « porteurs de la Divine Lumière ». Comment ne pas ressentir ici, la nécessité de se préparer à cette rencontre avec Dieu, et c’est le sens de tout ce qui précède et prépare à la Communion eucharistique. Ainsi, ne doutons pas que chaque Divine Liturgie est une rencontre unique et une « communion personnelle avec le Père, le Fils et le Saint-Esprit, dans et par l’Eglise ». Une telle rencontre, bien que située dans un temps et un espace précis, est en vérité une communion dans l’éternité du Royaume rendu présent par la Présence de Dieu avec nous. Dieu dans Sa miséricorde, nous donne à connaître la Divine Liturgie, comme icône liturgique du Royaume de Dieu. Nous y découvrons émerveillés, la beauté de l’Eglise Céleste, don éternel et permanent de l’Amour de Dieu pour l’humanité. La « Divine Liturgie est l’accomplissement du Cantique des Cantiques », la réalisation des Fiançailles éternelles entre Dieu et l’homme.
Cette communion sainte et sacrée, cette union à laquelle devrait nous préparer toujours plus et toujours mieux chaque Divine Liturgie, nous donne la grâce indicible de nous « greffer en esprit et en vérité » dans le temps et l’éternité sur le Christ. Dieu a créé le Paradis, écrin sublime de beauté, pour y accueillir l’homme dans l’intimité du Jardin d’Eden, et lui parler cœur à cœur. Après la Chute, Dieu emmène l’humanité au désert pour lui déclarer Son Amour, c’est l’expérience qu’à vécu Marie l’Egyptienne et enfin, IL a suscité la « Sainte Eglise comme Icône de l’Amour qui ne passera pas », pour y accueillir dans Sa compassion éternelle l’humanité.
Dans le Cantique des Cantiques, c’est la Fiancée qui court après le Bien-Aimé, mais dans l’Eglise, c’est le « Bien-Aimé qui court après sa Fiancée, c'est-à-dire l’humanité », et pour preuve de son amour, le Bien-aimé accompli avec nous et pour nous, ce miracle que représente l’Eglise. IL fait alors, concélébrer les anges avec les hommes, les saints avec les pécheurs, les morts avec les vivants, les hommes avec les femmes, les adultes avec les enfants, la création y participe. Et comme couronnement, le Fils unique invite le Père et l’Esprit à nous visiter, nous parler, nous étreindre, nous aimer et tout cela à chaque Divine Liturgie, que vous dire encore ?
Mais, revenons à nous-mêmes, il ne suffit pas d’entendre parler des merveilles divines dans Eglise, il nous faut œuvrer Dieu bénissant à devenir orthodoxe. Nous le savons, nous sommes chacun et chacune temple du Saint-Esprit, et que sommes-nous invités à célébrer dans un temple ? Si ce n’est la communion avec Dieu selon notre possibilité, dans l’espérance de goûter combien « le Seigneur est doux », d’apprendre à vivre la liturgie religieuse avec l’aide de la prière de Jésus sur nos lèvres et espérer le couronnement par la prière de Jésus sur l’autel de notre cœur. Alors, « notre esprit sera une vraie icône de l’Esprit de Dieu et notre prière une véritable icône du Verbe de Dieu ».
Alors, peu à peu, nous pourrons retrouver l’émerveillement de l’enfance évangélique, non pas dupe de nous-mêmes ou dans l’illusion naïve d’une fausse spiritualité, mais dans la réalité de la vie en Christ, « ascèse au cœur de l’humble quotidien qui édifie la Personne, l’Eglise et l’Humanité ».
Que Dieu nous accorde par Sa Grâce, de devenir des êtres liturgiques, qu’Il fasse de nous des personnes vivantes, saintes et spirituelles et qu’Il nous dépose chacun et chacune comme « un christ sur l’Autel de Son Cœur de Père », et à Lui ainsi qu’à Son Fils Unique et à Son Esprit Très Saint, soit la Gloire dans les siècles des siècles, Amen.
+ Syméon
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