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dimanche 15 octobre 2023

L’amour des ennemis.


(Luc, 6, 31 à 36)

Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, amen.



Aujourd’hui, notre sainte Eglise Orthodoxe nous enseigne comment mettre en œuvre non seulement dans l’Eglise mais surtout dans notre existence quotidienne, les valeurs évangéliques dont nous savons que le début, le milieu et la fin, s’enracinent dans cette source unique qui est « l’amour de Dieu pour l’homme, qui engendre l’amour de l’homme pour Dieu, pour l’Eglise et pour le prochain ». Le saint Evangile résume parfaitement cette ascèse de vie par cette parole simple mais d’une grande profondeur spirituelle, en nous disant : « ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites le également pour eux », et « montrez-vous compatissant, comme votre Père céleste est compatissant ». 

 

Dans Genèse 1, 26 et 31, nous lisons que Dieu dit « faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance… et… Dieu vit tout ce qu’IL avait fait, cela était très bon », cet homme-là, sorti des mains saintes de Dieu avait comme vocation de cultiver le Paradis selon la volonté divine et il ne connaissait pas le pouvoir destructeur de la haine du prochain. Le Christ dit « vous scrutez les Ecritures, vous faites bien, car elles parlent de moi », nous pouvons méditer sur la genèse de  l’homme au Paradis, là où commence pour lui sa cohabitation avec Dieu, contempler l’humanité  créée par Dieu avant la chute en Adam et ce que cette même humanité est devenue aujourd’hui. N’est-ce pas dans le Paradis qu’Adam et Eve ont été manipulé par celui qui est le seul ennemi non seulement de l’homme mais de Dieu lui-même, à savoir « Satanle premier tentateur et l’incarnation même de la haine envers l’homme ». 

 

Saint Paul nous rappelle que si nous possédons toutes les richesses matérielles du monde et  tous les savoirs du monde, mais si nous restons sans amour, alors nous ressemblons à une « timbale creuse », à une cacophonie inhumaine qui finit par nous rendre inaudibles à nous-mêmes et sourds aux autres. 

 

Saint Jean nous dit « celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas », cela signifie que mon amour pour Dieu est à la juste mesure de mon amour pour mon frère, mais le Seigneur demande plus, car il nous dit « aimez vos ennemis, faites du bien à ceux  qui vous haïssent, prêtez sans rien attendre en retour », voilà à quel niveau d’exigence et de plénitude le Seigneur situe notre vocation, n’est-ce pas là, l’ascèse même de la voie et de la vie orthodoxe, à l’image du Seigneur et dont l’Eglise a vocation à témoigner.  

 

Voilà la grande ascèse, le grand œuvre d’amour « aimez nos ennemis », que Dieu lui-même a déposé comme un trésor de bénédictions dans l’humanité depuis Adam et que seulement  l’incarnation du Seigneur peut nous permettre aujourd’hui d’accomplir, selon sa parole « sans Moi, vous ne pouvez rien faire ». Un chrétien orthodoxe peut-il avoir un seul ennemi au sein de l’humanité ? Ne sommes-nous pas les disciples de Celui qui nous a dit « aimez ceux qui vous haïssent, pardonnez à ceux qui vous persécutent, priez pour ceux qui vous font du mal », qui peut penser qu’il est possible d’aimer ainsi sans la grâce divine reçue dans l’Eglise. 

 

Pourtant nous voilà invités à vivre et à apprendre à aimer comme Dieu nous aime, Dieu nous demanderait-il l’impossible, il nous est demandé d’aimer et d’incarner la bonne nouvelle du salut de notre Dieu par la célébration de la prière personnelle et liturgique, pourquoi ? Parce que la « Nature divine étant consubstantielle aux Personnes divines », qui peut penser qu’une des Personnes divines ignore ce que vit chaque Personne divine, de même notre « nature humaine est consubstantielle à toute l’humanité », ce qui signifie que célébrer est une véritable œuvre d’amour qui se répand dans notre nature humaine consubstantielle et universelle.

C’est pourquoi, nos saints Pères peuvent dire « un tombe, tous tombent, un se relève, tous se relèvent », parce que la nature humaine est une, universelle et indivisible. Ne sommes-nous pas tous tombés en Adam et la nature humaine n’a t’elle pas été relevée par le Christ ? Mais peut-être penserons-nous, si la nature humaine est consubstantielle à toute l’humanité, pourquoi donc la grâce liturgique n’est-elle pas ressentie et efficiente partout ? Parce que la grâce divine s’arrête à la porte de la liberté de l’homme, qui peut ou non l’accueillir.

 

L’Eglise n’est-elle pas une icône spirituelle et réelle du Royaume de Dieu ? N’est-ce pas d’abord dans l’Eglise en présence de Dieu, que nous apprenons à nous aimer les uns les autres ? Mais si notre cœur, se laisse empoisonner par les tentations du Malin et de son complice le vieil homme, si notre cœur est « rempli de désobéissance envers Dieu, de jalousie, de pensées mauvaises, de haine, de paroles dissimulées remplies d’hypocrisie », alors notre existence devient caricaturale, notre détresse indicible, et notre soi-disant vie spirituelle se révèle comme une ténébreuse illusion psycho-charnelle. 

 

C’est pourquoi la divine providence, comme déjà signifié ailleurs, a déposé l’Eglise au cœur du monde, l’homme et la femme de bonne volonté au cœur de l’Eglise et Dieu s’est déposé au cœur même de l’homme, pour accomplir ensembles le salut de chacun, dans l’espérance de « sauver le bon et le mauvais larron ». Saint Paul désigne clairement qui est notre véritable ennemi et cet ennemi n’est pas d’abord extérieur à nous, oui, nous le connaissons et le subissons depuis la chute, c’est celui que l’Ecriture appelle le « vieil homme en nous », celui qui a cristallisé dans son âme tous les mensonges du monde déchu. C’est lui le serviteur impitoyable du « menteur et père du mensonge » qui refuse de se laisser convertir et nous considère comme des objets, qui nous persécute et nous dresse les uns contre les autres. C’est lui le ver empoisonné qui nous ronge de l’intérieur et veut nous entraîner dans les chemins de la perdition par la haine de Dieu et du prochain. Ce vieil homme chaotique et insensé n’a d’autre réalité que celle que nous lui accordons par nos pensées et nos actes qui sont contraires à la vie évangélique et orthodoxe, il est le visage difforme de toutes nos passions malsaines et il rempli de ténèbres nos âmes désorientées. 

 

Que faire alors, dirons-nous peut-être ? Nous tourner vers Dieu dans l’Eglise, pour ne plus succomber encore et encore aux pièges du vieil homme sans compassion, notre pratique religieuse consistera à ne plus être dupe de nous-mêmes, d’apprendre à discerner entre les illusions des ténèbres hérétiques et la lumière réelle de l’orthodoxie. Etre au clair avec moi-même, sortir de l’aveuglement des pensées mondaines et me tourner résolument vers la lumière divine, transmise par nos saints Pères dans la sainte Eglise de notre Seigneur Jésus-Christ. Vivre ma vie orthodoxe et me libérer Dieu bénissant, de mes ennemies intérieures que sont toutes ces pensées qui pullulent et s’agitent dans un chaos de fantasmes désincarnés. Retirer peu à peu tous ces masques trompeurs que l’ignorance transgressive, veut me faire porter au « nom du père du mensonge et prince de ce monde ». Apprendre à devenir une « personne » en refusant de jouer des personnages de mauvaise comédie sur une scène imaginaire, être un visage et non un masque, car comme le dit saint Irénée de Lyon  « la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant » et non l’individu caricatural et ennemi de lui-même et par extension de l’humanité.

 

Ne pensons pas que la compassion aimante ne s’adresse qu’à l’autre, ami, frère ou ennemi, non, elle s’adresse d’abord à nous-mêmes, pourquoi ? Parce que si nous nous laissons déborder par des pensées contraires à l’esprit évangélique à cause de l’endurcissement de notre cœur et l’ignorance de l’essentiel, alors nous continuons à faire survivre en nous le vieil homme et toutes ses folies. Nous devenons des êtres égarés, bourreau et victime de nous-mêmes, aliénés par nos propres limites existentielles, perdus dans les pensées prisonnières du temps et de l’espace éphémère de notre condition humaine, sans « contemplation réelle de l’à-venir ». 

 

Mais dans cet état contre nature, rien ne sert de nous accabler ou de faire porter à l’autre, le fardeau de nos limites, venons plutôt à l’Eglise pour confesser à notre Père céleste notre souffrance spirituelle, demandons avec confiance et humilité, à notre Dieu, Ami de l’homme, de nous illuminer par l’intelligence du cœur, afin de convertir l’épreuve tyrannique qui nous persécute en bénédiction et vie spirituelle. 

 

L’Esprit de Dieu plane sur nous et nous est donné par le saint baptême, pour que nous ne succombions pas aux tentations d’un monde aveuglé par des illusions aussi vieilles que le péché, demandons l’aide inestimable de l’Esprit et bénissons-nous selon sa grâce pour apprendre à aimer l’autre, car c’est « en aimant l’autre », ennemi ou non, que je peux moi-même accueillir l’amour de Dieu. Etre aimé de Dieu, n’est-ce pas être proche de Dieu, comme le fut Jean le bien-aimé, comme le furent tous les Saints, n’est-ce pas en venant dans l’Eglise que nous montrons à Dieu notre désir de lui être proche au point de « le manger et de le boire », afin de devenir un seul esprit avec Lui, sans confusion ni séparation.

 

Cette recherche persévérante de la communion avec le Seigneur, peut me révéler peu à peu qui je suis, me donner de connaître pourquoi j’existe et dans cette sagesse divino-humaine, dans ce don divin, je peux devenir celui qui aime et qui peut se laisser aimer. Car en toute vérité, ne peut se laisser aimer que celui ou celle qui désirera dans son cœur accueillir l’amour de notre Dieu. Ne pas apprendre à aimer, c’est se condamner à demeurer un individu dont l’existence n’a aucun sens réel, un arbre sans fruits, une fontaine qui se tarie, un jour sans soleil et des nuits sans étoiles, c’est s’interdire de devenir une personne humaine accomplie. C’est pourquoi, « l’ascèse d’amour » vécue par nos saints Pères et saintes Mères en Christ est la voie royale, la vocation fondamentale que l’Eglise orthodoxe doit transmettre à ses enfants, et que ceux-ci avec la grâce divine doivent transmettre à leur tour, à l’humanité et à toute la création divine. 

 

« Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le pour eux », cette parole du Christ ne peut être réalisée « qu’avec la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu le Père et la communion de l’Esprit Saint », alors que voulons-nous que les hommes fassent pour nous et que voulons-nous faire pour eux ? Notre espérance, pour nous orthodoxes n’est-elle pas que le Dieu-Homme, fasse de chacun d’entre nous un « christ aimant, saint, humble et sage », et notre prière tant personnelle que liturgique n’est-elle pas le témoignage que nous espérons cette même réalité spirituelle pour toute l’humanité. Sommes-nous donc des doux rêveurs et des très grands naïfs pour affirmer une telle espérance ? Si nous pensons cela, alors notre foi devient vaine, car nous ne serions préoccupés que par notre salut individuel, alors que la mission de l’Eglise est universelle.

 

« Soyez compatissant comme votre Père céleste est compatissant », qui peut croire qu’une telle œuvre spirituelle est accessible dans sa plénitude à l’homme psychique, relisons saint Paul et méditons ce qu’il nous enseigne concernant le chemin qui nous mène « de l’homme psychique à l’homme spirituel » et nous serons édifiés. L’Eglise n’a-t-elle pas comme vocation de nous guider à partir de ce que nous sommes et de ce que nous avons vers cet « homme spirituel », qui en nous « veille silencieux et caché avec le Christ en Dieu », jusqu’au jour de sa révélation ? Devenir un christ, icône véridique et vivante du Christ compatissant, voilà l’ascèse vivifiante que nos saints Pères et Mères ont réalisé dans leur existence là où la divine providence les a placé et en cela, ils ont participé au salut du monde. Que Dieu fasse de nous et avec nous un tel « christ », n’est-ce pas là, notre vocation dont témoigne L’Eglise depuis notre création originelle !

 

Au Père source de l’amour, au Fils qui l’a répandu dans l’humanité et à l’Esprit Saint qui nous garde dans l’amour, soit la gloire dans les siècles des siècles, amen.

 

+ Syméon

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