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dimanche 14 mars 2021

Homélie du 14/03/2021 : Expulsion d'Adam et Eve du Paradis...

 




Expulsion d’Adam et Eve du Paradis.

(Matthieu 6, 14 à 21)

Au Nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, amen.

Aujourd’hui, notre Mère l’Eglise, sainte, humble et sage, nous tend à nouveau les bras, elle se penche sur notre cœur pour nous transmettre la céleste bénédiction spirituelle de l’Esprit Saint. L’Eglise nous fait goûter la prière de l’Esprit Saint qui en nous « gémit de manière ineffable », prière qui descend du saint Royaume de Dieu et dont chaque grain est composé d’amour et de lumière divines. La prière est la voie bénie et sûre qui par la grâce du Saint Esprit, peut ouvrir les portes du Royaume de Dieu au sein de l’Eglise à tout fidèle, qui se tient en conscience et avec « crainte de Dieu, foi et amour » devant  la Divine Trinité. Tout comme Rachel qui refuse toute consolation suite au massacre des innocents, L’Eglise ne peut se consoler de voir ses enfants spirituels être séparés de Dieu par la malice du monde déchu, elle ne cesse de prier pour leur retour dans le chemin saint et sacré de la voie et de la vie orthodoxes.  

Pourquoi, l’Eglise met-elle ce dimanche sous le signe d’Adam ? Pour que nous nous souvenions d’où nous venons et pourquoi nous avons perdu notre terre originelle. Ne sommes-nous pas nés en Adam et Eve ? Et n’est ce pas ce même Adam avec Eve qui par immaturité nous ont valu l’expulsion du Jardin d’Eden, suite a leur refus de pratiquer le  « saint jeûne » demandé par Dieu. Ayant ainsi rompu leur sainte alliance avec Dieu, la conséquence immédiate en est que la grâce divine s’est voilée en eux.          La preuve en est, qu’ils sont tombés dans  l’incapacité de confesser leur péché au Père Céleste, tout en se rejetant la « faute originelle ». Mais quel jeûne devait donc observer Adam et Eve ? Leur jeûne, quel beau paradoxe, consistait à se nourrir sans aucune restriction de l’abondance des nourritures spirituelles, que Dieu leur offrait librement, et pour un temps seulement, ils devaient « jeûner » et s’abstenir de manger de « l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal ». Mais par leur désobéissance et malgré leur proximité avec Dieu, leur chute a commencé dans le Jardin d’Eden, et l’esprit dans la confusion, ils se sont rendus incapables de faire le bien comme de renoncer à faire ce qui est mal. 

Cette nourriture édénique était pourtant et avant la chute, en vérité, la « première eucharistie spirituelle » offerte à l’homme, oui, Adam et Eve se nourrissait de Dieu, par son Verbe divin et créateur. N’est-il pas écrit, que « l’homme ne se nourrit pas de pain seulement, mais de toute Parole qui sort de la bouche de Dieu » ? Que signifie Dieu parlait avec Adam dans le Paradis à la brise du soir ? Le Seigneur Dieu enseignait le mystère de Son œuvre créatrice à Adam, pour que celui-ci puisse se l’approprier le moment venu dans toute sa plénitude, avec amour, humilité, sagesse et sainteté. Qui d’autre, dites-moi, que le Créateur pouvait enseigner à Sa créature à cultiver la création ? Notre ancêtre Adam était ainsi le premier « théodidacte », ce qui signifie enseigné directement par Dieu, qui parmi nous peut imaginer ce que représente une telle grâce ? 

Les textes liturgiques nous montrent Adam et Eve après leur expulsion du Jardin D’Eden assis en face des portes du Paradis avec l’âme inondée des larmes du repentir, ils prennent peu à peu conscience de  la souffrance de leur exil, ne sommes-nous pas comme eux en souffrance lorsque nous méditons notre
éloignement de l’Eglise originelle. L’Eglise est pour nous l’unique et sûr moyen d’accéder à nouveau à la présence divine, Adam se lamente, gémit et pleure, car lui qui voyait Dieu face à face est devenu en se détournant et en se séparant de lui, un aveugle spirituel. Mais la compassion divine, la vue de notre Seigneur face à face et le dialogue avec lui, nous sont à nouveau accessibles par la célébration liturgique dont le couronnement est le don inestimable du Corps et du Sang du Seigneur, qui nous redonnent « ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, mais que Dieu donne à ceux qui l’aiment ». 

Dieu n’a rien créé par nécessité ou pour Lui-même, Il a tiré du néant la Création comme un don nuptial offert à l’homme, comme une dot divine donnée pour sceller les saintes fiançailles spirituelles entre la Divine Trinité et l’humanité. Après la chute édénique, quelle est notre conscience de ce que représente en « esprit et en vérité le jeûne », quelle connaissance réelle avons-nous des conséquences spirituelles et existentielles liées au fait de jeûner ou de ne pas jeûner ? La cause spirituelle qui a provoqué la rupture du jeûne par Adam et Eve, n’est-elle pas à rechercher tant dans leur impatience à vouloir goûter les fruits paradisiaques avant le temps fixé par la divine providence, que dans leur immaturité à saisir le mystère contenu dans « l’arbre du bien et du mal », d’ailleurs nos saints Pères parlent de la chute adamique comme d’un enfantillage. 
Depuis, le Serpent diabolique et maudit ne cesse de harceler l’humanité, en essayant de corrompre par sa malignité vénéneuse, le cœur de l’homme. Nous pouvons ainsi comprendre que dans notre vie spirituelle, jeûner signifie en vérité obéir à Dieu et à l’Eglise, ne pas jeûner signifie la désobéissance, qui peut nous mener dans l’abîme où nous dit l’Ecriture, seront « les pleurs et les grincements de dents », et ceci n’est pas une image virtuelle mais la pure réalité. Qui peut penser ou croire que le vieux monde déchu, peut donner à l’homme la nouveauté de l’esprit, quelle rencontre réelle peut-il y avoir entre les limites ratio-intellectuelles des savoirs humains avec la sainte illumination spirituelle déposée par l’Esprit de Dieu dans notre sainte Eglise orthodoxe. 

L’Evangile dit : « si vous remettez aux hommes…votre Père vous remettra vos manquements » ! Que signifie ici : « si vous remettez » ? Cela signifie que nous devons prendre conscience que nous sommes d’abord et surtout des débiteurs, et dites-moi, que peut donc bien remettre un débiteur ? Mais si le Seigneur nous demande impérativement de remettre, c’est que c’est non seulement indispensable, mais possible. Alors, remettre comment, quoi et à qui ? Leurs manquements, dit l’Evangile, à qui ? A notre prochain ! Comment ? En l’aimant ! Que nous enseigne saint Paul ? « L’amour pardonne tout, ne juge pas, ne demande rien pour lui-même, croit tout, espère tout… ». Mais le miracle de ce don de Dieu, qui est l’amour, c’est de nous rendre par la grâce semblable à notre Seigneur, de pouvoir agir comme Dieu, c’est à dire, aimer malgré nos rechutes, aimer malgré nos doutes, aimer malgré nos peurs, c’est l’ascèse de toute une vie. Nous voilà donc malgré nos limites invités par Dieu lui-même, à nous regarder face à face et à nous pardonner réciproquement nos manquements, l’essence spirituelle même de notre Eglise est toute entière comprise dans cette œuvre divino-humaine : « aimer, pardonner et bénir ». 

L’Evangile de vie poursuit : « Quand vous jeûnez, ne vous donnez pas un air sombre comme les hypocrites…pour toi, quand tu jeûnes, parfumes ta tête et lave ton visage…pour que ton jeûne soit connu, non des hommes, mais de ton Père, qui est là dans le secret, et ton Père, qui voit dans le secret te le rendra ».

Que signifie, quand vous jeûnez ? Faut-il entendre par là, se priver au point de se transformer en un être sans consistance, avec un corps d’os et de peau, famélique et squelettique, un individu dont le regard égaré ne fixe plus rien ? Evidemment non ! Alors que signifie ici, jeûner ? Cela signifie se nourrir en premier, corps, âme et esprit de Dieu et non pas du monde déchu, de venir plus que jamais dans la sainte Eglise pour y recevoir la nourriture substantielle du Corps et du Sang du Seigneur. N’est-ce pas là, un jeûne admirable que d’être invité à se nourrir de Dieu, l’Eglise proclame «  Bienheureux les invités au repas du Seigneur » ! 

Jeûner, signifie aussi se parfumer de la bonne odeur de la prière liturgique et personnelle, de se laver non seulement le visage de manière extérieure, mais l’être tout entier par la sainte confession. Dire comme le prodigue : « Père, j ‘ai péché contre le ciel et contre toi », et alors, je vous le dis avec toute la foi et la grâce que porte l’Eglise, notre jeûne sera accueilli avec une grande joie par notre Père, et tout le Royaume de Dieu sera dans l’allégresse. Allons par la confession vers Dieu notre Père, afin de recevoir le pardon de nos péchés et retrouver la paix dans la lumière du Christ et de l’Esprit-Saint

Que signifie « mais… connu, de ton Père, qui est là et qui te voit dans le secret » ? « ton Père », dit le Christ, quelle parole, avec quels mots humains rendre cette vérité ? Le Père est-il là et ne me voit-il seulement que durant les temps où je jeûne ? Non ! Le Père est là à chaque instant, proche de chacun de nous, et non seulement Lui, mais aussi le Fils unique et l’Esprit Saint ! Ne suis-je pas par vocation temple de l’Esprit Saint ? Et qui donc s’étonnera de voir que Dieu habite dans Son temple, c’est à dire dans  l’homme fait à son Image et à sa Ressemblance ! N’est-il pas écrit « voici que Je me tiens à la porte et Je frappe, si quelqu’un entend ma voix et ouvre,  Nous entrerons et  Nous  dînerons avec lui » ? Qui est ce « Nous » ? Sinon la Divine Trinité, Père, Fils et Saint Esprit ! Et où donc, se trouve cette porte à laquelle Dieu frappe, n’est-ce pas l’Eglise, et où pouvons-nous entendre la voix divine, n’est-ce pas dans la Divine Liturgie qui est toute entière parole de Dieu incarnée au milieu de nous. A quel dîner divin sommes-nous invités, n’est-ce pas au festin eucharistique, si nous ne croyons pas cela, alors nous resterons des sourds, des aveugles et des muets spirituels. L’Eglise est le grand mystère de la rencontre entre Dieu et l’homme, voici que notre Dieu frappe à la porte de l’Eglise pour y rencontrer l’homme, et l’homme aussi frappe à cette même porte de l’Eglise pour rencontrer Dieu. 

L’Evangile nous dit encore: « Ne vous amassez pas de trésors sur la terre… où la mite et le ver consument, où les voleurs percent et cambriolent. Mais amassez-vous des trésors dans le ciel, là pas de mite ou de ver qui consume, point de voleurs qui perforent et cambriolent. Car là où est ton cœur, là sera aussi ton trésor ». 

Que signifie ici : « ne vous amassez pas de trésors sur la terre » ? Cela signifie, ne nous réduisons pas à être simplement des morceaux d’existence, des individualités aliénés par leurs possessions matérielles, car plus nous posséderons et plus nous pouvons être divisés, rongés par l’angoisse de perdre…ce que de toute façon nous devrons abandonner un jour. Mais le plus tragique est ici que notre cœur d’humanité qui a vocation à être le lieu saint et sacré duquel émane la vie religieuse, risque de devenir un coffre-fort rempli d’ossements, si le cœur est détourné de la voie divine qui seule peut engendrer à partir de lui, « l’homme spirituel ». Que signifie : « mais amassez-vous des trésors dans le ciel » ? Le ciel ici est une métaphore de l’esprit de l’homme, cela signifie que les vrais trésors sont d’abord engendrés dans notre intelligence profonde, et cela n’est possible que si nous demandons à Dieu que notre esprit soit uni à l’Esprit Saint, afin qu’ils deviennent nous dit saint Paul, « un seul Esprit ». 

Que signifie encore : « car là où est ton cœur, là sera aussi ton trésor » ? Ne serait-il pas dramatique, tragique même pour l’être orthodoxe, de désirer en-dehors du ciel, c’est à dire de Dieu, un trésor qui ne serait que terrestre, et peut-on vraiment appeler cela un trésor ? Se laisser aliéner par la voracité du monde déchu, voilà l’abîme dans lequel voudrait nous précipiter « celui » qui a tenté et fait succomber, Adam et Eve dans le Jardin d’Eden. 

L’Evangile dit : « quand vous jeûnez », et non « vous devez jeûner », cela signifie que le jeûne est proposé à la liberté personnelle, il ne s’agit pas de jeûner par une obligation qui nous serait imposée de force et de l’extérieur, ce qui ne saurait porter le moindre fruit spirituel. Si je jeûne, c’est pour l’amour de Dieu et du frère, c’est par imitation de notre Seigneur Jésus-Christ qui a jeûné pendant quarante jours au désert, Lui le Seul sans péché. Si donc le Seigneur a jeûné, cela signifie que le jeûne est une œuvre spirituelle et religieuse majeure, et que son fruit est inestimable pour ma vie en Dieu, dans l’Eglise et dans le monde. 

Le jeûne selon Dieu, est celui qui me propose de renoncer à ce que je ne suis pas, c’est à dire à une caricature qui me déforme et à la dictature du péché qui au lieu de laver mon visage le défigure, qui au lieu de parfumer ma tête, la remplit de la mauvaise odeur des pensées inhumaines. Le jeûne selon Dieu, est celui qui me propose de renoncer aux fausses richesses, aux mirages hypocrites du monde, aux théories fumeuses et stériles dénoncées par Dieu et qui concernent les « soit disant sages de ce monde », qui pullulent tout particulièrement sur les réseaux sociaux.

Au Père qui nous dit « Je ne t’abandonnerais jamais », au Fils qui a mis en œuvre la promesse du Père, et à l’Esprit Saint qui la réalise avec nous, soit la gloire dans les siècles des siècles, amen. 

+ Syméon 

                                                                                



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