Homélie du Père André Jacquemot
Troisième dimanche après la Pentecôte
Homélie sur Rm 5,1-10 ; Mt 6,22-33
Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit,
Pentecôte. Les deux dimanches précédents, nous n'avons pas
célébré la liturgie dans cette communauté : notre dernière liturgie était celle de la Pentecôte. Entre-temps, il y a eu le premier dimanche, qui était la fête de tous les Saints, et le deuxième dimanche où l'on fêtait encore les Saints, mais plus spécialement les Saints locaux, c'est-à-dire les Saints de la terre russe pour ceux qui sont liés à la Russie, les Saints qui ont brillé sur la Sainte Montagne pour ceux qui sont moines au Mont Athos, et plus généralement les Saints de la terre ou l'on vit.
Nous sommes donc entrés dans le temps après la Pentecôte qui est, on peut dire, le temps de l'Église, le temps dans lequel nous faisons fructifier les dons reçus pendant cette période unique de Pâques et de la Pentecôte, cette période où les principaux
mystères de Dieu ont été accomplis. Maintenant nous en recueillons la grâce, et il nous appartient de la faire fructifier. Le temps après la Pentecôte est le temps pour faire fructifier la grâce.
C'est pourquoi aujourd'hui, dans l'Épitre aux Romains, saint Paul nous dit : « Frères, étant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ, à qui nous devons d'avoir eu, par la foi, accès à cette grâce, dans laquelle nous demeurons fermes » (Rm 5,1-2). L'une des grâces que mentionne ici saint Paul est d'être réconciliés, d'être en paix avec Dieu, et cela nous est acquis par le Seigneur Jésus-Christ. Car c'est par Lui seul, il faut toujours le rappeler, et saint Paul le précise bien, que nous avons accès à cette grâce. C'est par Jésus-Christ que nous avons accès à Dieu, c'est par Lui que nous pouvons même prier et nous adresser au Père.
Et Paul ajoute : « Cette grâce dans laquelle nous demeurons fermes ». II nous appartient de garder la fermeté de la foi, pour vivre dans la perspective du Royaume, le Royaume qui est annoncé et qui s'actualise déjà, qui est déjà présent parmi nous, déjà présent dans notre coeur. Le Royaume qui est l'objet principal de la prédication du Seigneur. Le Seigneur a souvent prêché le Royaume, et tout particulièrement dans le Sermon sur la Montagne.
L'Évangile d'aujourd'hui est justement tiré du Sermon sur la Montagne. Nous venons d'entendre ce passage que tout le monde connait bien : « Ne vous inquiétez pas pour votre vie, de ce que vous mangerez ; ni pour votre corps, de quoi vous serez vêtus, La vie n'est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? » (Mt 6,25). Dans un autre passage de l'Épitre aux Romains, saint Paul dit aussi : « Le Royaume de Dieu n'est
pas dans le manger et le boire : il est Justice, Paix et Joie dans l'Esprit-Saint » (Rm 14,17). II ne faudrait pas en conclure trop rapidement que l'on peut vivre sans se préoccuper de ces considérations matérielles. Ce serait aller un peu vite de dire que l'on peut vivre sans nourriture et que l'on peut se passer de vêtement. Mais le Seigneur remet les choses à leur juste place : « Cherchez premièrement le Royaume de Dieu et sa Justice, et
toutes ces choses vous seront données par surcroit »(Mt 6,33). Toutes ces choses, bien sûr, sont nécessaires. Allez dire à ceux qui n'ont rien, qui sont démunis, qui n'ont pas de quoi manger, qui n'ont pas de quoi se loger, allez leur dire que tout cela ne sert à rien : c'est impossible. Ces besoins matériels vitaux doivent être pris au sérieux, nous en avons la responsabilité pour nous-mêmes, et aussi pour les autres. Dieu sait que cela est
nécessaire, et Il nous donne beaucoup, et nous avons à gérer tout ce qu'Il nous donne.
Mais notre première préoccupation doit être le Royaume de Dieu et sa Justice. Le Seigneur précise bien : Cherchez premièrement. Cela ne veut pas dire que rien d'autre n'a d'importance, mais la quête du Royaume de Dieu et de sa Justice doit venir en premier.
Alors, pour entrer dans cette perspective, il convient de nous convertir, de changer notre regard, de réorienter notre regard. C'est pourquoi, dans l'Évangile d'aujourd'hui, le Seigneur commence par dire : « L'oeil est la lampe du corps » (Mt 6,22). II parle ici de l'oeil corporel, de l'organe de la vue, mais il s'agit aussi d'autre chose. Car qu'est-ce qui est notre lampe, qu'est-ce qui éclaire notre vie, qu'est-ce qui nous donne le discernement ? C'est la foi.
En effet, selon saint Paul : « La foi c'est d'avoir le regard tourne vers les choses invisibles qui sont le fondement des choses visibles » (He 11,3). Savoir tourner son regard, voir ce que l'on n'a pas l'habitude de voir, ce qui ne tombe pas sous nos sens immédiats, mais qui pourtant soutient tout ce qui existe. Saint Paul dit encore dans l'Épitre aux Hébreux : « Rejetons tout fardeau et le péché, et courons avec persévérance dans la carrière qui nous est ouverte, ayant le regard sur Jésus, le chef et le consommateur de la foi (ou l'aboutissement de la foi) » (He 12,1-2). La foi oriente notre regard vers le Seigneur, le Christ.
Dans cette perspective, le vêtement n'est plus seulement une nécessité pour se protéger du froid, ou de la chaleur, ou pour la protection de la pudeur, qui est un autre aspect important du vêtement. Le vêtement est aussi un symbole, il a une signification. D'ailleurs, ceux qui font la mode savent bien que le vêtement est moins conçu pour protéger des effets du climat que pour paraitre. Certes, dans la mode il y a beaucoup de
vanité et de futilité. Mais malgré tout, le vêtement a aussi cette fonction de représenter, de signifier. C'est pourquoi le Seigneur nous dit : « Considère comment croissent les lys des champs: ils ne travaillent ni ne filent ; cependant je vous dis que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n'a pas été vêtu comme l'un d'eux » (Mt 6,28-29). Le Seigneur parle de la beauté des fleurs comme d'un vêtement. Ce vêtement de beauté a donc une signification : il est une image de la Gloire de Dieu.
Pour le roi, c'est clair, le vêtement est un symbole de sa fonction, de son autorité, de son prestige et de sa gloire. Mais la gloire de Salomon n'est rien à côté de la gloire de Dieu. Or, pour nous aussi, le vêtement doit être un signe. Lorsque nous sommes baptisés, on nous revêt d'une robe blanche : c'est pour signifier qu'à l'origine, l'homme était revêtu de lumière, et que le vêtement qui lui est destiné dans le Royaume est un vêtement de lumière. Les Pères, notamment saint Grégoire Palamas, disent que dans le paradis Adam n'était pas nu : il était revêtu de lumière, de la lumière incréée. « Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ », dit saint Paul (Ga 3,27). Et dans la parabole des invités aux noces, pour entrer dans la salle du banquet, qui est une image du Royaume, il faut avoir le vêtement qui convient (Mt 22,11). De même, si les célébrants portent des vêtements liturgiques somptueux, ce n'est pas pour en tirer une gloire personnelle, c'est une image du vêtement de lumière.
Ce vêtement est aussi signe de gloire car, comme il est dit dans l'Épitre d'aujourd'hui : « Nous nous glorifions dans l'espérance de la Gloire de Dieu » (Rm 5,2). Dans ces quelques mots, saint Paul dit cette chose importante : la Gloire de Dieu est un motif d'espérance pour nous. Cependant, cette espérance ne nous met pas a l'abri des afflictions, mais même les afflictions concourent à cette espérance, comme le souligne saint Paul : « Bien plus, nous nous glorifions même des afflictions, sachant que l'affliction produit la persévérance, la persévérance la victoire dans l'épreuve, et cette victoire produit l'espérance. Et l'espérance ne trompe pas, car elle est fondée sur l'amour de Dieu qui a été mis dans nos coeurs par le don du Saint-Esprit » (Rm 5,3-5).
Voilà, j'ai voulu parler de ces choses qui concernent le Royaume de Dieu, un Royaume déjà rendu présent par le Seigneur. Mais, encore une fois, ce qui nous est donné par le Seigneur, il nous appartient de le désirer, il nous appartient de désirer que ces dons produisent leur effet. Que le Royaume de Dieu, sa Justice et sa Gloire soient donc notre première préoccupation. Avec saint Paul, attachons-nous, « non aux choses visibles qui
sont éphémères, mais aux invisibles qui sont éternelles » (2 Co 4,18). Cela ne supprime pas la nécessité de travailler, mais si nous travaillons pour la gloire de Dieu, nous y participons déjà.
Amen.
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