(Matthieu 8 : 5 à
13)
Au Nom du
Père, du Fils et du Saint Esprit, amen.
Aujourd’hui,
notre sainte Eglise s’émerveille avec le Seigneur de la Foi cordiale et simple dont
témoigne un centurion romain hétérodoxe
et païen, qui s’adresse au Rabbin Jésus pour lui demander la guérison de son
fils. Cela se passe à Capharnaüm, qui signifie la ville de Nahum, Nahum est
aussi le nom d’un grand prophète qui annonce avec beaucoup de vigueur la volonté
divine, qui appelle à la repentance du cœur en profondeur et à la conversion de
l’esprit, à l’humaine métanoïa nécessaire de notre existence sans laquelle
aucune vie religieuse ni guérison spirituelle ne sont possibles.
Dans Proverbe
12, 18 nous lisons « la langue des
sages apporte la guérison », mais qui est donc un tel sage aux
yeux de Dieu ? C’est ici ce centurion qui fait figure de sage, pourquoi ?
Parce que comme le dit encore Proverbe en 9, 8 et 9 « reprends le sage il t’aimera » et « donne au sage, il
deviendra plus sage », les sages sont à l’opposé des insensés dont
Mathieu en 11, 25 dit « tu as caché
ces choses aux sages », c’est à dire aux sages auto-proclamés, ces
« choses » ce sont les
œuvres divines accomplies depuis le commencement de la Création et dont la
guérison aujourd’hui devant nous du fils du centurion est un témoignage. Quelle
est la sagesse du centurion ? C’est de s’adresser avec foi et simplicité, au
Rabbi Jésus auquel il se remet en toute humilité et confiance pour son fils
malade.
Dans Proverbe 3,
7 nous lisons encore « ne sois pas
sage à tes propres yeux » et saint Paul nous enseigne
dans l’esprit du
Seigneur à méditer cette parole « se
vantant d’être sages, ils dont devenus fous », et de plus en 1
Corinthiens. 4, 10 « vous êtes sages
en Christ », n’est-ce pas ici même ce que nous voyons par l’attitude
du centurion ! Si les sages le sont par la grâce efficiente du Christ et de
la sève spirituelle de l’Ecriture, qui donc s’étonnera de ce que peut accomplir
en plénitude la parole du « Verbe
source de la sagesse des sages », selon cette autre parole à « Dieu appartient d’accomplir même
l’impossible ».
« Je vais aller le guérir » dit le Seigneur au centurion, le
Seigneur n’est mû que par l’amour pour cet homme et son fils souffrant, il ne
cherche pas à savoir pourquoi le fils est paralysé. Simplement, « Jésus aime le centurion et son enfant
paralysé, tout comme il aime chacun et chacune d’entre nous ». Aimer
est pour le Seigneur, le cœur de toute son œuvre pour sauver l’homme. Le Christ
est dans « l’intelligence du
cœur », à l’écoute du centurion et de sa prière, comme il est à
l’écoute de chacun d’entre nous, si nous décidons dans notre liberté
personnelle de faire appel à Lui. Le Seigneur ne se livre pas à une discussion
philosophico-théologique au sens universitaire qui se limite à une approche
ratio-intellectuelle, il laisse se dire la « foi » du centurion qui permet d’engendrer le processus et le miracle
de la guérison.
Nous pouvons
voir dans ce fils malade, une métaphore de notre propre souffrance qui engendre
notre paralysie spirituelle, le «vieil
homme » en nous ne cesse de s’opposer à notre désir de guérison, et
tout comme ce centurion nous savons que sans la grâce divine, il nous est
impossible de convertir notre cœur blessé par nos épreuves existentielles. Le
vieil homme en nous est né avec la chute d’Adam dans le Paradis, il est en nous
la « cristallisation du péché »
qui s’oppose à la vie et à l’être en plénitude. Le vieil homme est pétrifié
dans ses habitudes et ne supporte aucune nouveauté, il reste bloqué dans son inertie
et s’interdit ainsi à lui-même de faire l’expérience véritable du « mouvement, de la vie et de l’être »
telle que proposée par Dieu dans l’Eglise et dans notre vie personnelle au cœur
même du monde.
L’Ecriture
sainte nous dit que le centurion est allé vers le Christ pour lui dire : « Seigneur, j’ai à la maison mon fils atteint de paralysie, et qui souffre
beaucoup ». Le Seigneur l’accueille, le regarde et l’écoute, mais reste
libre du poids inutile de l’émotivité psychique qui empêche habituellement les
hommes d’agir de manière juste et avec discernement. Le Seigneur est pleinement
présent et ressent de l’intérieur la compassion du centurion pour son fils ainsi
que la souffrance silencieuse du fils paralysé. Le Seigneur s’émerveille de la
foi du centurion et décide d’y répondre, en disant : « Je vais aller le guérir ». Ici, le
centurion intercède pour son fils, mais Dieu ne nous a t-il pas faits « centurions spirituels » pour
intercéder les uns pour les autres dans l’Eglise pour notre guérison et celle
du monde.
L’Eglise nous remémore
aujourd’hui l’exemple vivifiant de ce centurion, afin que nous puissions nous
en inspirer, car nous avons vocation à intercéder auprès de Dieu avec « foi, espérance et amour » pour que
l’humanité puisse se libérer de ce qui la paralyse dans son « corps, son âme et son esprit ». Les
malheurs du monde, le chaos des dictatures, les failles et blessures provoquées
par les attitudes inhumaines, ne peuvent trouver leur guérison véritable sans
vie spirituelle personnelle et ecclésiale, pour irriguer et vivifier le cœur
des hommes à travers la prière et l’intercession des uns pour les autres.
Devant la
proposition du Christ de venir guérir le paralytique chez lui, le centurion
répond : « Seigneur, je ne suis
pas digne que tu entres sous mon toit, mais dis seulement une parole, et mon
fils sera guéri ». Pourquoi se dit-il indigne d’accueillir le Seigneur
sous son toit ? Parce que en tant que « païen », il ignore qu’il a été crée à l’image et à la
ressemblance d’un Dieu, qui est Créateur et Père de l’humanité, mais sa foi en
Jésus ce prophète charismatique va lui permettre d’entrer peu à peu en
lui-même, pour accueillir avec confiance
la grâce divine.
Ce centurion avant
de rencontrer celui qu’il appelle « Seigneur »,
avait entendu parler de lui, il a alors « cherché et il a trouvé, il a demandé et il a reçu, il a frappé et Dieu
lui-même lui a ouvert ». Il a ainsi pu expérimenter en esprit et en
vérité que « prier, c’est ne plus être
seul », ce centurion a été béni et guidé par la divine providence. La
réputation de Jésus, comme prophète-guérisseur était arrivée jusqu’à lui, le
centurion croyait sans hésiter que celui qu’il appelle là devant nous « Seigneur », peut accomplir même
l’impossible et d’une seule parole guérir son fils, qui gît-là paralysé sous
nos yeux, n’est-ce pas ce qui est arrivé !
L’Evangile nous
dit encore : « A ces mots,
du centurion, Jésus fut dans l’admiration et il dit à ceux qui étaient
là : en vérité, je vous le dis, chez personne en Israël je n’ai trouvé
pareille foi », et IL ajoute : « c’est pourquoi, beaucoup prendront place au festin du Royaume des cieux
avec Abraham, Isaac et Jacob, alors que ceux qui étaient les fils naturels du
Royaume des cieux seront jetés dehors ». Cette affirmation du Christ
devrait nous faire méditer, comme Marie « toutes ces choses dans notre cœur », nous, qui sommes d’après
saint Paul, « les enfants lumineux
de l’Eglise ».
L’Eglise est la
maison divino-humaine, dans laquelle se rencontrent la Cour Céleste, c’est à
dire la Divine Trinité, la Mère de Dieu, les Saints et les Anges, et la cour
terrestre, c’est-à-dire chacun et chacune d’entre nous. L’Eglise est ce lieu
béni par Dieu et par les croyants, dans lequel à travers la célébration de la
Divine Liturgie et des saints Offices religieux, nous pouvons acquérir
l’expérience concrète, de la « foi,
de l’espérance et de l’amour », envers Dieu et au service de l’homme.
Qui parmi nous,
n’a pas à eu à un moment ou un autre besoin dans son existence, de la présence
aimante et de la prière d’un « centurion spirituel »,
lorsque les épreuves de la vie sont trop fortes pour s’en sortir tout
seul ? Seuls les vaniteux imbus d’eux-mêmes, pensent qu’ils n’ont besoin
de rien ni de personne, mais l’homme humble sait qu’il ne peut rien pour se
sauver lui-même. C’est pourquoi en tant que
« chrétien orthodoxe » je suis par vocation un « intercesseur » pour toute
l’humanité, et l’apôtre Paul nous rappelle « que la foi est agissante par l’amour et la compassion ». Dans
l’esprit de Paul, l’amour parfait,
c’est de ne rien exiger pour soi-même, ceci devrait être le véritable visage de
l’Eglise. C’est pourquoi, la prière liturgique commune, qui nous réunit ici
aujourd’hui, ne peut être qu’un don spirituel libre des uns pour les autres,
des uns avec les autres, afin que nous puissions bénir ensemble, l’humanité et
toute la création.
Alors que veut
donc nous enseigner le Christ, en magnifiant et en louant ainsi la foi du
centurion ? Sinon nous encourager à cultiver en nous avec humilité, la
confiance absolue en Lui, le médecin de nos âmes et de nos corps. Il désire
transformer nos doutes, nos peurs en foi inébranlable en Lui, en foi capable de
déplacer les montagnes psychiques, intérieures ou extérieures qui paralysent
notre quotidien. La « foi comme Don
de Dieu est universelle », ce qui la différencie d’une personne à
l’autre, c’est la relation personnelle que chacun met en œuvre envers et avec Dieu
pour qu’elle puisse se révéler avec le maximum de plénitude.
Acquérir la « foi qui peut transporter et
transformer nos montagnes intérieures », peut être reçue comme un don
dans l’Eglise, par la participation liturgique régulière, à travers laquelle,
nous pouvons apprendre à contempler notre Seigneur à l’œuvre au service de
l’homme, son bien-aimé. La « foi »
est un Don de l’Esprit Saint et l’Esprit de Dieu est à l’œuvre dans l’Eglise du
Christ, la foi ne se donne pas au monde des apparences où règne la corruption,
elle ne peut être reçue que par celui qui désire vraiment vivre le mystère
spirituel de l’Eglise et qui croit en Dieu.
Le mystère de la
foi et de la guérison spirituelles, ont tous deux comme source, l’Amour de Dieu
envers l’humanité, nous croyons que la guérison essentielle est premièrement
spirituelle, mais rien n’empêche le Seigneur de donner aussi la guérison
corporelle, comme en témoigne l’évangile de ce jour. C’est pourquoi L’Eglise,
qui est le corps du Christ et le temple de l’Esprit Saint, a vocation d’être
d’abord « l’humble servante » de
l’humanité. Le chrétien orthodoxe est donc celui qui intercède dans l’Eglise,
afin que Dieu accueille toute personne qui crie vers Lui et espère entendre :
« Je vais te guérir ».
Puis le Seigneur
dit au centurion : « va, et
qu’il t’advienne selon ta foi ! Et à l’instant même le serviteur fût
guéri ». La foi du centurion est telle qu’il n’y a pas de distance
entre sa demande de guérison pour son fils et l’accomplissement de cette
guérison. Que Dieu nous accorde une telle « foi »
par sa divine grâce et la prière de « notre
ami », le centurion évangélique.
Le fou juge,
punit et détruit et cela sans réfléchir, le fou est celui qui se croit sage à
ses propres yeux, mais le sage accueille, regarde et écoute dans le silence et
l’intelligence du cœur avant d’agir selon Dieu et avec Dieu pour restaurer
l’homme dans sa dimension divino-humaine. Qui est ici le fou ? C’est
l’homme sans Dieu et sans l’Eglise, l’homme sans Dieu et sage à ses propres
yeux, devient aussi un homme aveugle et sourd, une caricature déformée de sa
beauté originelle crée par Dieu. Et qui est pour nous l’homme de Dieu me
direz-vous peut-être ? C’est « l’homme
ou la femme » dont la vie et
l’existence est tournée vers Dieu, n’est-ce pas cela devenir orthodoxe pour
nous, prenons-nous conscience de ce que signifie « être orthodoxe » ? Pour nous, orthodoxes, il
« n’existe qu’un seul et unique Sage
qui est notre Seigneur Jésus-Christ ».
Si nous croyons
cela, alors le Christ se révèlera à nous et nous aurons le désir naturel de lui
ressembler, en partant de notre humanité, oui, tels que nous sommes, pour nous
sanctifier avec l’aide de l’Eglise et croire que nous sommes concernés par
cette parole qui affirme que « Dieu s’est fait homme pour que l’homme
devienne dieu », apprendre peu à peu à vivre selon l’ascèse
évangélique. Si donc, nous désirons
la sagesse en « esprit et en
vérité », nous devons demander pour recevoir, chercher pour trouver,
frapper pour que s’ouvre la porte de la communion avec l’Esprit Saint qui nous
donnera comme nous l’enseigne le Christ, lui-même « la
connaissance de la vérité qui nous rendra libre ».
L’Evangile n’est
pas un manifeste en faveur du chaos des esprits, ni un roman à l’eau de rose
dans lequel se noient les discussions de comptoirs ou une émission téléguidée
pour tirer l’humanité vers le bas. La vie et la voie orthodoxe ne béniront
jamais les faux-prophètes qui agissent dans les ténèbres de leurs âmes, et cela
au sein même parfois de notre très sainte Eglise. L’Evangile est le livre de la
« vie divino-humaine qui peut et
veut engendrer l’homme dans l’amour spirituel, dans la beauté lumineuse qui
transfigure et dans la sainteté qui sont l’accomplissement et le couronnement
de notre vocation orthodoxe ».
Au Père qui nous
fait Don de la Foi, au Fils qui nous guérit par Amour et à l’Esprit Saint qui
nous garde dans l’Espérance, soit la gloire dans les siècles des siècles, amen.
+ Syméon