(Math. 19, 16 à 26)
Au Nom du Père, du Fils et du
Saint-Esprit, amen.
 
Aujourd’hui, l’Église nous
transmet cette parole vivifiante du Seigneur « si tu veux la vie, observe les commandements divins », puisque
ces commandements nous sont donnés par Dieu, rencontrer Dieu à travers eux
devrait devenir notre priorité existentielle, selon cette autre parole du
Christ « vends tout ce que tu
possèdes et suis-moi », entendant cela, le jeune homme riche s’en alla
attristé, car il avait de grands biens, cette attitude est à l’opposé de celle
qui est utile pour suivre le Christ, à savoir « le renoncement », renoncer n’ayant rien à voir avec se renier
ou se dépouiller de manière irréfléchie, mais à instaurer une relation d’humanité
à travers les biens, tant matériels que spirituels. 
 
L’attitude du jeune homme
riche est un témoignage qui confirme la parole du Seigneur disant « que sert-il à un homme de posséder le monde
entier, s’il y perd son âme », même si, ce jeune homme dit lui-même
que depuis son enfance, il met en œuvre la loi mosaïque, qu’il est un Juif
pieux et pratiquant, oui, nous pouvons nous aussi comme lui, nous illusionner
totalement si nous pensons que la seule pratique extérieure des rites et des
savoirs purement intellectuels suffisent pour vivre selon l’évangile de vie et être
sauvé. 
 
L’Évangile de ce jour,
souligne qu’en vérité ce n’est pas la seule « quantité des biens » qui nous freine ou nous empêche de suivre
le Christ, mais la qualité de notre relation au Christ et à nous-mêmes, on peut
être attaché très fortement aussi bien à peu qu’à beaucoup de biens. La
majorité des humains ne roule pas sur l’or, comme dit le dicton populaire, et
pour autant ne suivent pas le Christ, ni la grande richesse, ni la petite
richesse, ni même la pauvreté matérielle, ne sont un obstacle pour celui ou
celle qui désire et qui décide de suivre avec ténacité notre Seigneur. En
réalité, le mur de séparation entre Dieu et l’homme, n’est autre que l’homme
lui-même, selon le désir profond et le sens qu’il veut donner à son existence,
si par exemple, une voie religieuse claire est choisie, il sera possible de se
donner les moyens matériels et spirituels de la réaliser. 
 
L’Église a reçu de Dieu cette
vocation à donner au croyant l’aide spirituelle sans laquelle, il est
impossible de cheminer avec le Christ, cette aide fondamentale est basée en
premier sur la célébration liturgique qui donne la communion au très saint
Corps et Sang du Seigneur. Cette communion essentielle et substantielle est
accompagnée par l’enseignement évangélique nécessaire à la compréhension des
saints mystères que célèbre l’Église orthodoxe, compréhension qui demande
l’union de la lettre et de l’esprit. Saint Paul dans 2 Cor, 3-6 rappelle que la
« lettre tue, mais l’esprit
vivifie », il ne dit pas que la lettre est meurtrière par nature, mais
elle peut le devenir à chaque fois que l’homme se radicalise dans une attitude
non purifiée par la lumière de l’esprit. 
Pour proposer au jeune homme
riche des outils de discernement, le Seigneur lui ouvre un chemin spirituel
possible en nommant les causes principales à la source des conflits intérieurs
et extérieurs, que dit-il ? « Tu ne
tueras pas, tu ne commettras pas d’adultère, tu ne voleras pas, tu ne porteras
pas de témoignages mensongers, aime ton père et ta mère et ton prochain comme
toi-même ». 
 
« Tu ne tueras pas » est le premier commandement cité, tuer est
la négation de la vie, c’est une aberration et une perversion de la nature humaine,
c’est une réalité irréversible qui ne peut trouver de pardon qu’en Dieu le
créateur de la vie, par une conversion intérieure profonde à l’image du fils
prodigue, car ce que l’homme a tué comment pourrait-il le restaurer ? Ce
drame presque absolu au sein de l’humaine condition, trouve un écho dans le
meurtre d’Abel par son frère Caïn, tragédie indicible qui marque comme au fer
rouge l’âme et s’incarne au cœur même de la mémoire collective et inconsciente
de l’humanité, car l’homme oublie que Dieu ne demande « ni holocauste ni sacrifice humain ».
 
Unir la lettre avec l’esprit,
c’est apprendre à unir l’intelligence avec le cœur, et construire ainsi
l’harmonie de l’être vivant selon la sagesse divino-humaine, cette quête de
l’équilibre est inaccessible à la seule pensée ou aux paroles non suivies
d’actes spirituels. L’apôtre Jacques en son épître 5, 6 écrit « vous avez tué le Juste, qui ne vous a pas
résisté », ce juste est le Christ, victime innocente de la désunion
quasi totale entre la lettre et l’esprit, de la rupture entre le cœur et
l’intelligence, qui amplifie les ténèbres de l’homme sans foi ni loi.  
 
Arrêtons-nous un peu sur le
dernier commandement que le Christ recommande au jeune homme riche « tu aimeras ton prochain comme toi-même »,
cette parole est le début, le milieu et la fin de toute l’ascèse orthodoxe,
seule la culture de l’amour divino-humain du Seigneur, peut empêcher de tuer,
voler, mentir, il ne  s’agit pas ici d’un
amour philosophique, pétri par l’argile périssable des sentiments émotifs, des
belles paroles superficielles et sans avenir, dont nous savons qu’il ne peuvent
pas survivre dans la réalité de la vie concrète. 
 
L’amour dont le Seigneur
parle trouve son expression qualitative dans le chant du Cantique des
cantiques, chant des fiançailles entre l’âme et Dieu, entre l’homme et la
femme, écoutons-le qui chante « où
es-tu ma bien-aimée, ma colombe, mon unique beauté » ou encore « où es-tu mon bien-aimé, mets-moi comme un
sceau sur ton cœur, mets-moi comme un sceau sur ton bras, car l’amour est plus
fort que la mort ». 
 
En vérité, un tel amour est
celui que nos saints Pères et saintes Mères ont vécu dans leur relation aimante
avec Dieu, un tel amour est proposé à tout homme ou femme dans l’Église qui est
par vocation d’essence nuptiale. N’est-ce pas cet amour divino-humain qui seul
est en mesure d’éradiquer le mur de séparation de l’homme avec Dieu, de l’homme
avec la femme, de l’homme avec l’homme, de l’homme avec la création divine. 
Dieu proposerait-il un amour
qui serait incompatible et hors de portée de la nature humaine, lui qui nous
dit « aimez-vous les uns les autres
comme Je vous ai aimé » ?  Nous voici à la croisée du chemin de
l’existence, qui choisirons-nous de suivre, le Christ amour absolu qui peut et
veut vivifier notre vie entière ou les chemins hasardeux de l’errance entre la
multitude des tentations incapables de nourrir notre désir d’une vie qui vaille
la peine d’être vécue.
 
Nous n’ignorons pas que le
Seigneur nous dit « sans Moi, vous
ne pouvez rien faire », certainement l’acquisition de l’état de christ
aimant, saint, humble et sage, est hors de portée par nos seules forces
humaines, mais nous croyons qu’il est tout à fait possible d’y travailler et de
trouver pour une telle ascèse toutes les grâces et aides utiles au sein de l’Église orthodoxe. 
 
Au Père, source de l’Amour,
au Fils amour incarné et à l’Esprit d’amour, soit la gloire, dans les siècles
des siècles, amen.
 
+ Syméon