(Matthieu 25, 31 – 46)
Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, amen.
Aujourd’hui, s’accomplit pour chacun et chacune d’entre nous ce que l’Evangile vient d’annoncer, à savoir la venue du Roi de Gloire et notre jugement, c'est-à-dire que l’Esprit de Dieu nous inspire de discerner dans quel état spirituel nous sommes, afin de ne pas communier au Corps et au Sang du Christ pour notre condamnation, mais pour la guérison de notre âme et de notre corps.
Vous savez que ce Jugement de Dieu a commencé dès la Chute dans le Paradis et que depuis, l’humanité est devenue ce grand corps souffrant dont chacun d’entre nous est porteur. Depuis la Chute, nous portons les signes de notre séparation d’avec Dieu et voici que chacun d’entre nous se retrouve spirituellement nu, malade, affamé, assoiffé, emprisonné, étranger à lui-même et éloigné de la communion avec Dieu ; et l’ennemi du genre humain continue de se servir du vieil homme en nous pour perpétuer notre aliénation psychosomatique. L’Eglise orthodoxe continue à témoigner de la Présence de la Divine Trinité qui sonde les reins et les cœurs, non pour nous punir mais pour nous purifier et nous sanctifier. Entrer dans l’Eglise, c’est pénétrer spirituellement dans le Saint des saints, et nous inviter à prendre conscience de l’état de notre robe nuptiale, c’est à dire de notre préparation spirituelle avant de participer au Banquet eucharistique.
Symboliquement, nous pouvons considérer qu’il y a une unité spirituelle entre notre corps-temple de l’Esprit-Saint, l’Eglise corps du Christ et le Royaume de Dieu ; cette unité signifie qu’il y a lien religieux toujours possible entre Dieu et l’homme mais aussi entre l’homme et l’homme. Le Royaume de Dieu est la véritable patrie de l’humanité rachetée par le Christ et l’Eglise représente les portes royales par lesquelles nous apprenons à voyager vers Celui qui ne cesse d’espérer le retour de l’humanité prodigue. C’est pourquoi le Seigneur Christ nous dit cette parole : « En vérité, je vous le dis, ce que vous aurez fait à l’un de ces petits, c’est à moi que vous l’avez fait » ? Cela veut dire que tout être humain est un de ces « petits » et un « christ » en puissance et qu’il porte en lui toute la sagesse théologique par laquelle il peut devenir « un vivant », se détourner de l’un de ces petits que sont nos frères et sœurs en humanité, c’est comme s’abandonner soi-même et rompre l’humaine condition qui nous est consubstantielle. Ces petits ne sont pas seulement l’autre, ils sont icones et métaphores dans l’homme de son corps, de son âme, de son esprit et de son cœur qui a vocation d’unifier l’être par l’amour et la vérité.
Un de ces petits est donc le « corps », qui se retrouve nu si nous oublions qu’il a permis à Dieu lui-même de s’incarner et de naître parmi nous, tout comme il nous permet d’incarner notre dimension spirituelle, il est une pierre vivante pour édifier en lui notre vie extérieure et intérieure. Etre nu, c’est cultiver en nous des modèles psychiques sans consistance qui ne sont que des idoles caricaturales et vides d’où l’homme réel est absent et comme englouti dans le marasme des pensées stériles incapables d’accueillir la présence divine, et qui comme pour Adam et Eve nous obligent à nous cacher devant la Face du Seigneur à cause des tourments qu’inflige à notre âme désorientée le vieil homme et la vacuité des fantasmes du monde.
Un autre de ces petits est notre « âme » qui s’étiole si elle n’est pas vivifiée par la louange divine qui seule peut cultiver en nous le goût de la vie en Dieu, avec Dieu et pour Dieu, elle a vocation d’aimer et d’être aimée, car dit le Psalmiste : « Qu’il est doux, qu’il est bon pour des frères et des sœurs de vivre ensemble ». Le monde peut-il donner ce qu’il n’est pas et ce qu’il n’a pas ? Peut-il rassasier et désaltérer les affamés et assoiffés de l’essentiel qui est ce désir spirituel naturel qui habite l’être crée par Dieu.
Un autre de ces petits est notre « esprit », qui est malade si nous laissons la vaine sagesse du monde et des modes spiritualistes nous envahir et en faire un infirme spirituel aveugle et sourd, au lieu de lui apprendre à contempler notre Seigneur. Nous pouvons chacun et chacune trouver en nous ce qui nous mérite le reproche de dénuder, affamer, assoiffer, rendre malade et emprisonner le Christ en nous et dans notre prochain. La thérapie ici, c’est l’accomplissement avec l’aide de Dieu, de l’Eglise et des uns avec les autres de l’enseignement du Christ : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu… et ton prochain comme toi- même ».
Peut-être demanderez-vous, comment convertir en moi ce qui me persécute et m’empêche de bénir le Christ, et sauver avec sa grâce ces petits qui m’implorent du fond de mes entrailles ? L’ascèse qui convient ici, c’est de mettre en œuvre les « Béatitudes », demander sans se décourager à Dieu la grâce de cultiver en nous la triade spirituelle donnée à l’humanité en Adam, c'est-à-dire, « apprendre à vivre en roi, en prêtre et en prophète ». Apprendre à gouverner ma vie à l’image du Roi des rois, c'est-à-dire par l’humilité, ne pas asservir l’autre ni servir ma volonté propre mais servir la sainte Eglise du Christ et faire l’unique volonté du Père Céleste. Prêtre, pour nous bénir les uns les autres, intercéder les uns pour les autres, concélébrer les uns avec les autres, afin que notre vie devienne peu à peu une icône de la vie des Personnes Divines. Prophète, pour ne pas oublier que notre vie en ce monde devrait devenir une sainte Pâque, notre passage spirituel vers le Royaume de Dieu, pour nous annoncer sans nous lasser la Bonne Nouvelle de l’Evangile de Vie, pour refuser enfin de nous laisser aliéner par les pensées, les paroles et les actes psychiques infusées en nous par la voracité du monde.
Maintenant, si je prends pleinement conscience de ce que je suis en vérité dans le cœur du Père, alors je peux pressentir quelque chose de la sainteté de la Divine Liturgie et de l’Eglise, de la Sainteté de Dieu et de ma propre vocation à la sainteté, je pressens que je ne peux répondre à une telle réalité spirituelle que si je désire avec ardeur et ferveur, être non pas juste une individualité revendicatrice, mais une personne qui veut librement vivre une véritable communion avec Dieu et avec l’autre. Comment Dieu connaissant mes faiblesses psychiques et charnelles, veut-Il m’aider à devenir une telle personne spirituelle ? En me revêtant de splendeur et de majesté, afin que je sois par grâce ce que Lui Dieu est par Nature, c'est-à-dire, en me faisant participant de Ses Energies divines. Où et comment ? Par la concélébration de la Divine Liturgie des Saints Mystères du Christ.
Pour que je puisse grandir comme notre « saint Christ en grâce, en beauté et en sagesse devant Dieu et parmi les hommes », dans l’Eglise et dans la vie quotidienne, Dieu vient personnellement, Lui, doux et humble de cœur, vers chacun et chacune d’entre nous, pour demander si « je » veux Lui accorder l’hospitalité intérieure. Et tout comme les rois mages étaient venus s’agenouiller devant l’Enfant Divin pour lui offrir l’or, l’encens et la myrrhe, voici que notre saint Christ, si j’ose dire, se met à genoux devant chacun et chacune d’entre nous, certes non pas pour nous adorer, mais pour déposer à nos pieds, les dons du Saint-Esprit. Nous les goûterons si nous apprenons à mettre en pratique : « l’amour, la joie, la paix, la douceur, la patience, la maîtrise de soi », qui sont les saints et spirituels ornements sacerdotaux et la matière spirituelle de la sainte robe nuptiale de la « foi » pour aller célébrer et communier aux saints Mystères de l’Eglise et du Royaume du Christ.
Que Dieu notre Père et Roi Eternel, nous bénisse par notre Christ l’unique et seul Grand Prêtre et par l’Esprit prophète qui nous annonce que l’Amour ne passera pas, à la Divine Trinité soit la Gloire dans siècles des siècles, amen.
+ Syméon